Paris 2024 : aux JO de 2016, le geste d'un coureur éthiopien pour dénoncer la violence contre l'ethnie oromo

Feyisa Lilesa franchit la ligne d'arrivée du marathon, à Rio, bras levés et poings croisés au-dessus de sa tête. Il s’adresse directement au gouvernement éthiopien, dont il dénonce la violence et la répression à l'encontre du peuple oromo.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le coureur éthiopien Feyisa Lilesa au moment de franchir la ligne d'arrivée du marathon, le 21 août 2016, lors des Jeux de Rio, au Brésil. (OLIVIER MORIN / AFP)

À l’approche de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, retour sur l’année 2016, aux JO de Rio. Sur la longue avenue détrempée du Sambodrome de Rio, Feyisa Lilesa est encore inquiet. Il se retourne en permanence pour s’assurer qu’il ne sera pas rejoint. Il est évidemment au bord de l’épuisement, mais le coureur éthiopien reste assez lucide pour ne pas oublier son geste : bras levés et poings croisés au-dessus de sa tête.

Le message que veut envoyer Feyisa Lilesa au monde entier, lors des Jeux de Rio en 2016, est au moins aussi important que la médaille d’argent qu’il vient de remporter. C'est un signe de protestation qu’il a déjà improvisé quelques mois plus tôt au marathon de Tokyo. Il s’adresse directement au gouvernement éthiopien, et les autorités d'Addis-Abeba savent très bien de quoi il s’agit.

"Arrêtez de nous tuer"

Évidemment, le geste intrigue tout le monde et nombreux sont ceux qui le découvrent sur la ligne d’arrivée du marathon de Rio. "Arrêtez de nous tuer", voilà ce que signifient les poings croisés de Feyisa Lilesa. Le peuple Oromo est régulièrement victime, depuis des mois, de la violence des forces de sécurité éthiopiennes. Malgré les rapports d’ONG et les alertes des Nations unies, la répression se fait dans l’indifférence générale.

L’ambitieux projet d’extension de la capitale Addis-Abeba prévoit de déloger une grande partie des populations de la région d’Oromia. Ses habitants s’y opposent pacifiquement, mais l’armée les disperse en tirant à balles réelles. Plusieurs centaines de morts, des milliers d’arrestations abusives, des témoignages de tortures et de viols sont enregistrés par les enquêteurs. C'est un nouvel épisode d’une guerre qui oppose le Front de libération de l’Oromo aux autorités d’Addis-Abeba.

Il quitte définitivement l'Éthiopie

En 2018, un traité de paix a été signé entre l’ethnie oromo et le pouvoir éthiopien, mais Feyisa Lilesa n’est jamais revenu en Éthiopie. Dès sa descente du podium à Rio en 2016, le coureur éthiopien disparaît dans la nature. Il se sent en danger de mort, la Fédération américaine d’athlétisme l’aide à obtenir un visa pour les États-Unis. Il s’installe à Flagstaff en Arizona, au bord de la Route 66.

"Quand on défend une cause, il faut savoir faire des sacrifices", affirme Feyisa Lilesa quelques mois après Rio, dans une interview accordée à des journalistes suisses du quotidien Le Temps. Son geste a permis de mettre en lumière la cause de son peuple. Son sacrifice, c’est que tout lui manque. "Tout, dit-il. Mon père, ma mère, mes trois frères et quatre sœurs, mon peuple, le climat, la nourriture, les odeurs… Vous ne pouvez pas vous imaginer".

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