Comment rendre le débat sur la crise climatique plus audible et convaincant ?
Ca peut paraître provocateur, mais c’est une vraie question. Lors de sa campagne aux élections présidentielles, Kamala Harris avait fait le choix de ne pas parler de son programme pour le climat, craignant que ça rebute de nombreux électeurs, et notamment les électeurs républicains modérés. Et chez nous aussi, en France comme en Europe, certaines voix commencent à se faire entendre, notamment parmi des entrepreneurs de la transition, pour dire qu’on ferait peut-être mieux d’arrêter de parler du climat, parce que ça n’aide pas à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Le pari des militants qui s’étaient lancés dans des actions choc il y a quelques années était de mener des opérations avec un immense retentissement médiatique, de manière à ce qu’on parle le plus possible du climat. Jeter de la soupe sur la vitre protectrice de tableaux, bloquer le périphérique, mener des actions de désobéissance civile, tout ça participait du même objectif : faire parler de la cause, le plus possible. Avec l’idée que plus on en parlerait, plus les gens se décideraient à agir. Sauf que ça n’a pas marché.
"Le climat est devenu un enjeu de plus en plus clivant, plutôt qu’un sujet rassembleur. Et on assiste donc, logiquement, non seulement à une montée du déni climatique, mais aussi à des attaques de plus en plus fortes contre la transition."
François Gemennesur franceinfo
Ce n'est pas la faute de ces militants, ce serait leur faire un mauvais procès. Il y a plein d’autres raisons qui expliquent cette opposition croissante à la transition, qui vient un peu de toutes parts. Mais le fait est que la stratégie qui consiste à se dire que plus on parle du climat, plus on va engager la transition, à l’évidence atteint ses limites. Et que le discours sur le climat est volontiers perçu comme plombant, catastrophiste, culpabilisateur, moralisateur. Et donc il suscite du rejet, parce qu’on va parfois avoir l’impression que pour agir pour le climat, il faut adhérer à une cause, se convertir à l’écologie. Et ça c’est un gros problème, parce qu’on n’a pas besoin d’être écolo pour agir pour le climat – ou pour la biodiversité, d’ailleurs.
Quelques exemples : les gens qui achètent une voiture électrique pour remplacer leur voiture thermique, vous pensez qu’ils le font pour le climat ? C’est sûrement vrai pour une partie d’entre eux, mais il y en aussi une bonne partie qui le font simplement parce qu’ils trouvent que c’est une meilleure voiture. Tous les conducteurs de voitures électriques ne votent pas pour les Verts ! Et ceux qui vont au travail au vélo, ils ne le font pas non plus forcément pour faire baisser leur empreinte carbone : ils le font pour faire un peu d’exercice, pour passer moins de temps dans les embouteillages, pour impressionner leurs collègues… En fait, ils le font parce qu’ils y ont intérêt.
Et c’est pour ça qu’à l’inverse, vous pouvez parfaitement être écolo et manifester pour le climat tout en continuant à financer les énergies fossiles avec votre assurance-vie : pas parce que vous adorez le pétrole, mais parce que cela vous rapporte des intérêts. Et quand vous passez au niveau des entreprises, évidemment, c’est puissance 10 : elles vont agir si elles y trouvent un intérêt économique et financier, pas trop par conscience écologique.
Changer la communication sur le climat
C’est un des sujets majeurs de notre temps. Mais il faut réaliser que la communication sur le sujet a souvent été catastrophique – et j’y ai certainement contribué moi-même, je ne blâme personne ici. Parce qu’on a pensé qu’il fallait faire du prosélytisme, qu’il fallait convertir les gens à l’écologie pour engager la transition. On s’est placé sur le terrain des valeurs, et on a parlé de justice climatique, par exemple. Sauf que tout le monde ne partage pas forcément les mêmes valeurs – a fortiori si le discours sur le climat est couplé à des idées féministes, anticapitalistes, etc. Ce ne sont pas des sujets qui vont faire consensus. Alors que tout le monde souhaite un air plus pur, une nourriture plus saine, des énergies plus propres, des logements moins énergivores, ou des transports plus efficaces : c’est comme ça que la transition peut susciter l’adhésion, je crois.
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