Roland Garros 2022 : Ons Jabeur, porte-drapeau du tennis tunisien
Sixième mondiale, la Tunisienne est devenue en mai la première joueuse arabe à remporter un WTA 1000. Parmi les favorites des Internationaux de France, elle suscite un engouement populaire inédit dans son pays.
"A neuf ans, je disais que je voulais gagner Roland-Garros, tout le monde a rigolé." Contrairement à ce qu'elle racontait à L'Equipe, en janvier, l'objectif de Ons Jabeur ne fait plus rire personne. La Tunisienne, qui fait son entrée en lice porte d'Auteuil dimanche 22 mai contre Magda Linette, fait assurément partie des favorites de la 121e édition des Internationaux de France.
Car derrière Iga Swiatek, numéro un mondiale surfant sur une série de 28 victoires consécutives, Ons Jabeur est l'autre femme de ce début de saison. Deuxième à la Race, cette dernière vient tout juste de se hisser au 6e rang mondial, son meilleur classement en carrière.
Première joueuse arabe à remporter un WTA 1000
A 27 ans, elle réalise une saison sur terre battue au-delà des attentes pour une joueuse peu adepte des longs échanges : deux finales au WTA 500 de Charleston et au WTA 1000 de Rome et surtout une victoire au WTA 1000 de Madrid. Un succès historique puisqu'elle est devenue la première joueuse arabe à remporter un tournoi de cette catégorie, la plus relevée après ceux du Grand chelem
"Je n'arrive toujours pas à y croire, s'étonnait-elle en conférence de presse, son trophée en main. Je suis passée par toutes les émotions ces derniers jours. Aujourd'hui, j'avais l'impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine. J'étais vraiment stressée, j'essayais de respirer comme une femme enceinte."
The moment @Ons_Jabeur became the first Arab woman to claim a WTA title #VikingClassic pic.twitter.com/f53hWL998J
— wta (@WTA) June 20, 2021
La récompense d'une progression linéaire. "Le chemin est assez long", admet pour franceinfo: sport Nabil Mlika, son premier entraîneur lorsqu'elle n'avait que trois ans et qu'elle imitait sa maman, ancienne joueuse de tennis.
Encore 77e mondiale en fin d'année 2019, Ons Jabeur ne cesse de franchir les étapes une à une grâce à son jeu atypique et varié. Elle casse les barrières dans le monde arabe : première à remporter un titre sur le gazon de Birmingham en juin 2021 puis première à entrer dans le top 10 mondial quatre mois plus tard. "Je savais que je devais gagner ce titre pour enfin respirer et donner l'exemple, glissait-elle après son succès. Il n'y a pas beaucoup de Tunisiennes ou d'Arabes qui jouent, alors j'espère que cela pourra les inspirer."
La promesse d'un café à Roland-Garros
"Parfois il faut quelqu'un qui vous montre le chemin. Au début, je ne croyais pas beaucoup en moi parce que je ne voyais pas de joueuse arabe à la télévision", regrettait d'ailleurs la native de Ksar Hellal après sa qualification en huitièmes de finale de Wimbledon 2021. Alors Ons Jabeur joue les défricheuses et indique la voie à suivre pour les générations futures. Quand bien même rien n'a été simple pour elle.
Les infrastructures n'ont pas toujours suivi, contrairement à sa volonté de fer et son caractère. "Elle aimait taper fort contre le mur, pour elle c'était extraordinaire", se souvient en riant son premier coach du Tennis Club Hammam Sousse, Nabil Mlika. Avant de conter une autre anecdote marquante. "Quand elle avait dix ans, elle disait souvent à sa maman qu'elle lui ferait boire un café à Roland-Garros. On en blaguait, on ne prenait pas ça au sérieux mais ça montre que Ons y croyait depuis très longtemps."
Elle réalisera sa prophétie en remportant Roland-Garros juniors en 2011. A partir de ce moment, Ons Jabeur a commencé à se faire un nom dans le pays. "Ce succès a été l'étincelle, assure Nabil Mlika. La Fédération tunisienne de tennis essayait de développer le tennis, avec Ons, ça s'est accéléré, c'était plus facile."
"On profite de ce qu'elle fait pour trouver de la joie"
Sa progression récente a continué de démocratiser la petite balle jaune en Tunisie, un véritable effet Ons Jabeur. Le pays se prend de passion pour son "ambassadrice de la joie", comme l'appelle son premier entraîneur. "Depuis une dizaine d'années que la Tunisie ne va pas bien, on profite de ce qu'elle fait pour trouver un peu de joie, poursuit-il. Même ceux qui n'ont jamais eu d'intérêt pour le tennis s'intéresse à elle. Dans les cafés, on regarde du tennis alors qu'avant, on ne voyait que du foot."
"Quand j'en parle, j'ai les larmes aux yeux. C'est une fierté pour moi, pour la Tunisie, pour le monde arabe et même pour l'Afrique."
Nabil Mlika, premier entraîneur d'Ons Jabeurà franceinfo: sport
Si la numéro six mondiale rassemble autant, c'est grâce à son attachement profond pour ses origines. Elle revient autant que possible sur ses terres pour s'entraîner ou rendre visite aux jeunes de son ancien club dont elle est l'idole.
Elle a aussi à ses côtés un staff 100% tunisien : son coach Issam Jellali, ancien représentant de la Tunisie en Coupe Davis, et son préparateur physique (et mari) Karim Kamoun, ancien escrimeur professionnel. "Je ne peux pas rester longtemps loin de la Tunisie, j'y suis trop attachée, précisait-elle à L'Equipe. Tout le staff est tunisien. Je rêvais d'avoir un coach tunisien, on se comprend."
Un nouveau tournoi programmé en Tunisie
Dernière preuve de la popularité d'Ons Jabeur dans le tennis féminin : la WTA a annoncé, lundi 16 mai, l'apparition au calendrier d'un tournoi 250 organisé à Monastir, en octobre. Une première pour le pays du jasmin à laquelle la droitière n'est certainement pas étrangère.
Serait-ce alors l'occasion parfaite d'y présenter la coupe Suzanne-Lenglen ? Pour cela, elle devra passer les quarts de finale pour la première fois en Grand Chelem. "Cette année, elle a l’occasion de réaliser le plus grand rêve de sa vie", veut croire Nabil Mlika. "C'est mon objectif principal pour être honnête, avouait-elle après sa finale perdue à Rome. J'ai de bons souvenirs avec ce tournoi."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.