Roland-Garros 2023 : entre puissance et variations, le phénomène Carlos Alcaraz décrypté
C'est un sentiment presque animal qui parcourt les tribunes durant chacun de ses matchs depuis le début de la quinzaine à Roland-Garros. Sa dernière victime Stefanos Tsitsipas, dominé comme tous les autres, en semblait même presque vexé en conférence de presse, après sa déroute en quarts de finale face à l'Espagnol. Carlos Alcaraz a concassé chaque obstacle sur son parcours et laissé un sentiment de domination totale, avant sa demi-finale contre Novak Djokovic, vendredi 9 juin à Roland-Garros.
Le n°1 mondial affronte, cette fois, un bout d'histoire du tennis, certainement le plus prestigieux. Avec Novak Djokovic, c'est 22 titres du Grand Chelem et une ribambelle de records qui se dressent face à l'Ibère. Le joueur de 20 ans a cependant du répondant.
La puissance des variations
Il est Espagnol et joue bien sur terre battue. La comparaison s'arrête là avec le tenant du titre à Roland-Garros. "Quand Rafael Nadal et Roger Federer sont arrivés, on ne les a pas comparés à d'autres, il fait partie de cette trempe de joueurs", assène d'entrée Arnaud Clément, consultant pour franceinfo: sport. De ses deux aînés, Alcaraz a cependant gardé le feu dans les bras. "C'est sympa à la télévision mais c'est tellement plus impressionnant en vrai", affirme Kim Clijsters, ancienne n°1 mondiale et deux fois finaliste à Paris. En coup droit, l'amplitude du geste reste moins spectaculaire qu'un Nadal, mais la puissance délivrée rend sa balle presque unique. "Elle est rapide et lourde aussi à la fois. Et il arrive à varier sa qualité de balle. Il y a très peu de joueurs qui en sont capables", complète Arnaud Clément.
Lorenzo Musetti peut en témoigner, il s'était fait prendre à son propre jeu dans ce secteur. Car derrière la puissance d'Alcaraz, ce sont les variations opérées dans son jeu qui constituent sa véritable force. "Beaucoup font la même chose alors que lui est capable de tout faire", résume Sergi Bruguera, double vainqueur à Roland-Garros. L'Espagnol n'a pas réellement de points faibles et utilise pleinement la palette des coups qui sont à sa disposition. "C'est hyper déstabilisant pour les joueurs adverses. Stefanos Tstispas, par exemple, était perdu par les variations adverses à tel point que lui en perd son tennis et commence à déjouer", complète Arnaud Clément.
"Il a du Federer en lui. Le Suisse faisait très mal jouer ses adversaires car il variait tout le temps. Et comme on ne sait jamais ce qu'il va faire, on subit énormément face à ce genre de jeu."
Arnaud Clément, ancien 10e mondial et consultant franceinfo: sportà franceinfo: sport
Une variété de coups qui peut aussi se retourner contre le jeune joueur de 20 ans. "La difficulté de son jeu, c'est la problématique de ces joueurs qui savent faire énormément de choses. Il faut choisir le bon coup au bon moment", avertit l'ancien capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis. Une saute de concentration qu'a reconnue Carlos Alcaraz après son quart de finale et qui l'a empêché de conclure plus rapidement face à Stefanos Tsitsipas.
Le "tueur" au sourire
Contre Novak Djokovic, en demi-finales, le n°1 mondial va avoir droit au test ultime pour mesurer sa capacité à garder le cap. "Djokovic est un révélateur de ce genre de problèmes. Il pousse les joueurs dans les moments importants à faire les meilleurs choix", détaille Clément. Depuis le début du tournoi, le Serbe a disputé cinq tie-breaks et les a tous remportés.
Face à un des joueurs les plus endurants de tous les temps, la dimension physique sera aussi importante pour Carlos Alcaraz. Arnaud Clément se place en observateur : "Il a ce côté punchy qui est très exigeant. Défensivement également, il met beaucoup d'énergie. Je suis un peu curieux de voir face à Djokovic sur cinq sets." L'Espagnol possède cependant un atout essentiel dans son attirail : son sourire. Une fraîcheur permanente affichée qui est essentielle à ce niveau de performance. "Ça l'aide dans les moments difficiles à garder une certaine décontraction physique. Ça lui permet aussi de garder les idées claires et faire les bons choix."
"On va le voir sur des moments improbables, il a le sourire aux lèvres. Il dégage quelque chose d'hyper positif. Franchement, je n'ai pas en tête de joueurs aussi forts qui avaient cette attitude-là. C'est assez unique."
Arnaud Clément, consultant franceinfo: sportà franceinfo: sport
Loin de l'image du moine-guerrier qu'était celle de Rafael Nadal, le joueur de 20 ans traîne sa dégaine d'adolescent joyeux sur les courts depuis désormais trois ans. Comme d'autres joueurs, Stefanos Tsitsipas l'avait remercié pour ça, quelques semaines avant de se faire éparpiller façon puzzle sur le court central de Roland-Garros. Une attitude dont s'était expliqué, en amont du tournoi, le jeune Espagnol. "Je gagne toujours parce que je souris. Et j’ai toujours dit que pour moi, sourire, c’est la clé de toutes les portes."
Une image qui ne doit cependant pas éclipser l'esprit carnassier du dernier vainqueur de l'US Open. "Ça reste un tueur sur le terrain. Il est attendu à chaque Grand Chelem et il s'est ouvert à certaines déclarations en disant qu'il veut devenir le meilleur joueur de tous les temps", rappelle Arnaud Clément. Ça tombe bien, avec Novak Djokovic, c'est un monument qui l'attend. Avec le sourire, certainement.
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