Roland-Garros 2024 : "Je n'ai pas découvert le tennis fauteuil, j'ai juste continué le tennis", confie Ksénia Chasteau, en finale des juniors
Fin 2021, elle tapait ses premières balles en tennis fauteuil. A peine trois ans plus tard, vendredi 7 juin, elle dispute la première finale de l'histoire de la catégorie juniors, dont elle est numéro 1 mondiale, à Roland-Garros. Ksénia Chasteau, 18 ans, est la star montante tricolore. Elle espère vivre un deuxième sacre en Grand Chelem après l'US Open 2023. Pour ce faire, il lui faudra battre l'Américaine Maylee Phelps, sur le court n°12.
La gamine de Marseille au caractère assuré et à la maturité bluffante s'est livrée à franceinfo: sport à la veille de son match. Elle évoque son histoire, l'importance qu'elle accorde à la préparation mentale et son objectif de participer aux Jeux paralympiques de Paris cet été.
Comment en êtes-vous venue au tennis fauteuil, et à un tel niveau ?
Ksénia Chasteau : J'ai été victime d'un accident de la route le 24 janvier 2021 avec mon papa. J'étais ancienne joueuse de tennis et j'avais un petit niveau en compétition. J'ai toujours été très sportive. Après un an de rééducation avec mon père, j'ai testé le tennis fauteuil grâce à une association. J'avais peur que ça ne me plaise pas, mais ça n'a pas été le cas. Je répète tout le temps que je n'ai pas découvert ou démarré le tennis fauteuil, j'ai juste continué le tennis. C'est le même sport dans les sensations et dans l'approche du match.
J'ai vite progressé parce que j'ai une très bonne coordination. Toute petite, je courais très vite, je jonglais facilement avec un ballon de foot, j'avais des facilités dans tous les sports. J'ai progressé aussi parce que ça m'a plu et que le fauteuil ne m'a pas dérangée. Je n'ai eu aucun blocage et je ne saurais pas trop dire pourquoi. Le corps humain s'adapte énormément. Au départ, je ne vais pas dire que c'était hyper naturel, mais avec mes yeux de jeune fille, j'ai réalisé que cet engin me permettait de m'amuser et de continuer ma passion. Je n'ai pas trop réfléchi.
C'est la première fois que vous jouez à Roland-Garros...
C'est énorme. J'ai toujours regardé le tournoi à la télé, en passionnée de tennis. C'est la première édition pour nous les juniors. Ça me tient à cœur de l’ouvrir et de pourquoi pas la gagner. Cela aurait un impact énorme pour la jeune génération. Avant 2021, je n'étais jamais venue et l'année de mon accident, j'étais inscrite dans la formation des ramasseurs de balles. Je n'étais pas encore sélectionnée, mais j'avais fait la démarche.
Ce qui est marquant dans votre discours, c'est votre façon d'assumer vouloir tout gagner : les trois Grands Chelems, être n°1 mondiale. C'est un discours assez rare chez les jeunes talents français.
Mes ambitions sont claires dans ma tête. Il n'y a pas de brouillon. Cela intéresse toujours plus les gens quand on dit les choses directement. C'est aussi une manière de se démarquer des autres, d'avoir sa petite signature. J'aime bien l'originalité. Avant je n’exposais pas aussi clairement mes objectifs, par superstition. Je pense que se mettre des objectifs plus élevés que ce qu'on pourrait réaliser vous amène plus loin. C'est comme se dire je vais écrire 200 pages, on va s'arrêter à 150. Mais si je m'étais mis 100 pages, je n'en aurais peut-être écrit que 50.
Vous parlez beaucoup de l'importance de la préparation mentale. Est-ce l'origine de votre sérénité face à ces objectifs élevés ?
Je travaille beaucoup avec ma préparatrice mentale. Je suis très investie là-dessus. Avec elle, on s'est déjà parlé du fait de poser des objectifs et de ne pas en avoir peur. Mais le plus gros du travail n'est pas là, mais dans la capacité à rester dans le présent, que ce soit dans le point ou en dehors du terrain, à ne pas se faire submerger. Ce que j'adore dans le tennis, c'est que toutes les qualités qu'on mobilise sont transposables dans la vie de tous les jours et inversement.
“J'ai été marquée par l'arrivée d'Iga Swiatek. Quand j'étais petite, je jouais tout le temps avec une casquette, comme elle. Je me suis un peu reconnue dans sa façon d'être, un peu fermée certes, mais hyper focalisée sur le mental”
Ksénia Chasteau, n°1 mondiale juniors en tennis fauteuilà franceinfo: sport
Vous avez été obligée de passer d'un revers à deux mains à un revers à une main. A quel point la transition vers le tennis fauteuil a modifié votre jeu ?
Techniquement, c'est impossible de faire un revers à deux mains. J’ai dû apprendre le revers inversé. On m'a dit de l'intégrer dès le début à mon jeu. C'est ce que j'ai fait et j'ai trouvé ça ingénieux parce qu'on est bas par rapport au filet. Mon cerveau a vu un coup qui permet de faire plus de choses. J'ai conservé mon slice de revers qui est important pour varier, mais aujourd'hui je peux dire que c'est mon coup le plus fort parce que j'ai l'œil directeur favorable, le droit. Mon entraîneur m'avait dit que ce serait le cas et je le remercie pour ça.
Vous dites que votre jeu est offensif. Qu'est-ce qui le différencie de celui des autres joueuses sur le circuit ?
Au début, j'allais beaucoup au filet, mais on m'a dit "hop, hop, hop". J'y vais moins depuis, mais j'y vais toujours. Au tennis fauteuil, le joueur offensif est plus facilement contré. Il est plus amené à se faire lober. Après, j'ai beaucoup travaillé la construction du fond de court. C'est très important. Ceux qui sont très forts dans ce domaine font partie des meilleurs mondiaux.
Vous visez une participation aux Jeux paralympiques cet été. Où en êtes-vous ?
Le système est assez compliqué. Chaque nation a le droit de sélectionner quatre joueurs et quatre joueuses. Aujourd'hui il faut être dans le top 26. Certains ont déjà eu leurs tickets. Après il y des wild cards pour compléter les paires de double. Actuellement, je suis 23e joueuse mondiale et deuxième Française, mais il y a quelques mois encore, j'étais cinquième. Ça s'est fait en quelques mois. La deadline, c'est le 15 juillet. Il ne reste plus grand chose à jouer. C'est en très bonne voie.
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