Vincent Lambert : les médecins chargés de statuer sur son état se désistent
"[Nous n’avons] aucun moyen de mettre de l'ordre dans cette procédure d'expertise et d'affirmer une autorité qui mettrait au pas ceux qui manient opprobre et dénigrement ou fausses vérités", affirment les médecins-experts nommés par la justice pour réaliser un "tableau clinique" de Vincent Lambert. Le 10 juin dernier, ils ont publié une lettre expliquant leurs motivations, que l’AFP a pu consulter. Ce patient de 41 ans, tétraplégique et en état pauci-relationnel – c’est-à-dire dans un état de conscience minimal – depuis 2008, est au cœur d’une bataille judiciaire et politique. Sa femme et tutrice légale, Rachel Lambert, estime qu’il faut arrêter les soins. De l’autre côté, ses parents veulent les poursuivre. Depuis 10 ans, la justice n’arrive pas à se prononcer.
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"Un climat de menaces"
"Le collège d'experts ne peut que prendre acte qu'il n'a pas la stature pour résister à ces tentatives de manipulation et aux critiques diverses", poursuivent les médecins, qui évoquent une "très grande confusion" autour de cette affaire. En 2014 pourtant, le Conseil d'Etat avait rendu un avis qualifiant le maintien en vie de Mr Lambert d’"obstination déraisonnable". En 2015, la Cour européenne des droits de l'Homme avait confirmé cet avis et donné son aval pour l’arrêt des soins. Puis, le 16 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nancy avait finalement demandé la reprise de la procédure collégiale pour statuer sur l’état de santé du patient.
En septembre 2017, une des sœurs de Vincent Lambert, Marie-Geneviève, a interpellé la ministre de la Santé Agnès Buzyn au micro de France Inter. Elle a notamment évoqué "un climat de menaces", mais aussi "l'intimidation médias", qui suggèrent, selon elle, que les personnes souhaitant l’arrêt des soins de Vincent Lambert "veulent sa mort". Au fil des années, "l’affaire Vincent Lambert" a en effet pris un tournant politique, et le combat pour le maintien des soins a été récupéré par les catholiques traditionnalistes. Certains d’entre eux ont notamment manifesté à l'intérieur du CHU de Reims, où réside le patient.
Un nouveau collège de médecins nommé fin juin
Devant l’ampleur de la contestation et des pressions, les médecins-experts se sont donc désistés. Leur demande a finalement été acceptée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, alors qu’il l’avait rejetée le 6 juin. Une nouvelle audience concernant "les modalités de l'expertise" doit être tenue mercredi 20 juin. Elle nommera, à cette occasion, un nouveau collège de médecins. Les experts, pour leur part, ont listé plusieurs "personnalités" aux compétences "irréprochables" capables de les remplacer. Ils souhaitent par ailleurs, comme les parents du patient, que l'expertise soit réalisée dans un établissement spécialisé, ce que la justice refuse.
"Les médecins continuent de rechercher un consensus qui n'arrivera jamais. C'est la preuve de rapports de forces à l'intérieur de la médecine. Il faut juste laisser partir Vincent", a réagi François Lambert, neveu du patient. La dernière procédure collégiale avait statué en ce sens le 9 avril dernier, se prononçant pour l’arrêt de soins.
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