Alimentation : "Il était temps" de durcir les règles du Nutri-Score "pour prendre en compte les recommandations nutritionnelles", assure son créateur
"Il était nécessaire de réadapter le Nutri-Score" pour "être cohérent avec les recommandations nutritionnelles en vigueur en Europe", réagit lundi 1er janvier sur franceinfo Serge Hercberg, créateur du Nutri-Score, alors que l'indicateur durcit ses règles. Ce changement de mode de calcul est notamment moins tolérant avec le sucre et le sel.
Cette version plus stricte du Nutri-Score pousse certains industriels à "faire marche arrière" et songent à le retirer de leurs emballages, ce qui déçoit Serge Hercberg. Le nutritionniste et père du Nutri-Score souhaite que ces marques soient nommées pour "que les consommateurs puissent en tirer les conséquences" au moment de faire leurs achats.
franceinfo : Le changement du mode de calcul d'évaluation de la qualité sanitaire des aliments est-il utile ?
Serge Hercberg : Il était déjà prévu depuis la mise en place du Nutri-Score qu'il soit régulièrement réactualisé, parce que la science évolue et nous avons de nouvelles connaissances sur le rôle des aliments sur la santé. Le marché alimentaire évolue aussi, avec de nouveaux produits et des reformulations donc il était nécessaire de réadapter le Nutri-Score. Il était temps de marquer plus fortement le fait que des produits soient sucrés et salés, que ça apparaisse plus aux consommateurs. Avec l'ancien Nutri-Score, certains produits soulevaient un problème de cohérence. C'était donc nécessaire pour être cohérent avec les recommandations nutritionnelles en vigueur aujourd'hui en Europe.
Certains industriels qui vont avoir un Nutri-Score dégradé ont décidé de ne plus afficher l'indicateur. Qu'en pensez-vous ?
Malheureusement, certains industriels font marche arrière. Ils jouent la transparence quand ça les arrange et quand leur business semble être mis en cause par une meilleure évaluation de leurs produits, à ce moment-là, ils ne sont plus d'accord. C'est tout à fait regrettable.
"Il y a aussi des grands groupes qui n'ont jamais mis le Nutri-Score comme Ferrero, Lactalis, Coca-Cola ou bien d'autres".
Serge Hercberg, créateur du Nutri-Scoreà franceinfo
Il faut absolument citer les marques car il faut que les consommateurs soient conscients que certaines firmes ne donnent pas la réalité de la composition des aliments. C'est un droit pour les consommateurs de le savoir. C'est important que le consommateur le sache [pour] qu'il en tire les conséquences dans ses achats. Il saura que lorsqu'un produit n'affiche pas le Nutri-Score, c'est qu'a priori l'industriel derrière a des choses à cacher, donc il peut en tenir cas dans ses achats.
Cet indicateur doit-il, selon vous, devenir obligatoire ?
Il faut changer la règlementation européenne qui empêche les États membres de le rendre obligatoire. Cette règlementation avait été poussée par les lobbies dans les années 2010. Il faut que l'Union change cette règlementation pour que le consommateur voit de façon extrêmement claire sur tous les produits, puisse les comparer entre eux et orienter ses choix, s'il le souhaite, vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle.
On a failli avoir cette modification au niveau européen, mais les lobbies se sont déchaînés, que ce soit les grands groupes agroalimentaires et les grands syndicats agricoles. La Commission européenne qui devait changer cette règlementation et adopter le Nutri-Score fin 2023 a reculé sa prise de décision. On craint le pire pour le futur si les lobbies sont aussi entendus par la Commission européenne.
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