Cet article date de plus de cinq ans.

Steaks hachés frauduleux : "Il y avait bien de la viande, mais la composition de ces produits n'était pas conforme"

Laurence Champier dirige le réseau des Banques alimentaires. Interrogée par franceinfo, elle dénonce "des pratiques douteuses d'autant plus scandaleuses qu'elles s'adressent aux plus démunis".

Article rédigé par Vincent Matalon - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Présentés comme des steaks hachés, ces produits ont été distribués en début d'année à des associations distributrices d'aide alimentaire, a indiqué vendredi 7 juin 2019 la Répression des fraudes. (MAXPPP)

Du gras et de la peau au lieu de muscle, mixés avec du soja et de l'amidon. Des centaines de tonnes de produits frauduleusement présentés comme des steaks hachés ont été distribués en début d'année à des associations d'aide alimentaire, a indiqué vendredi 7 juin la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Ces produits, destinés aux plus démunis, ne présentaient pas de danger pour la santé. Le gouvernement français a toutefois annoncé qu'il engagerait des poursuites contre le fournisseur incriminé. Laurence Champier dirige le réseau des Banques alimentaires, qui ont reçu plusieurs tonnes de ces produits non-conformes. Elle revient sur ce scandale pour franceinfo.

Comment avez-vous été mise au courant de cette affaire ?

Laurence Champier : Notre réseau a été alerté au mois de février par des associations et des bénéficiaires de l'aide alimentaire, qui émettaient des doutes sur la qualité organoleptique [c'est-à-dire qui affecte les sens] de ces steaks. Nous avons donc immédiatement conduit des analyses sur les lots reçus. Ces analyses ont démontré que la qualité des produits n'était pas conforme à celle demandée par notre cahier des charges. Nous avons donc transmis ces informations et alerté l'administration.

Contrairement au raccourci qui est parfois effectué, il y avait bien de la viande dans ces steaks hachés ! Leur composition n'est pas conforme aux cahiers des charges de l'appel d'offres, puisque selon les analyses des associations et de la DGCCRF, la présence d'autres éléments que de la viande a été démontrée.

Que s'est-il passé ensuite ?

Nous avons ensuite décidé de notre propre initiative de suspendre la distribution de ces produits à titre conservatoire tant que nous n'avions pas de retour de l'administration. Ces steaks hachés ont été achetés par l'Etat dans le cadre du Fonds européen d'aide aux plus démunis. Nous n'avons donc aucun lien contractuel avec le fournisseur incriminé, ni aucune responsabilité vis-à-vis de lui. Nous sommes en fait le distributeur final des denrées qui nous sont confiées dans le cadre de ce programme.

Nous avons donc aujourd'hui des tonnes de steaks hachés bloqués à notre initiative dans nos entrepôts.

Laurence Champier

à franceinfo

Le fournisseur doit désormais reprendre les produits concernés et les remplacer en quantité équivalente.

Que vous inspire ce scandale ?

Il est important de souligner que les procédures d'alerte au sein des associations ont extrêmement bien fonctionné. Nous sommes des associations bénévoles, et quand une alerte remonte du terrain, elle est prise en compte, et toute la procédure de signalement et de suspension de la distribution des denrées fonctionne. Il faut s'en féliciter.

Malheureusement, cela prouve aussi que des efforts restent à faire sur la qualité des produits. Une surveillance accrue est nécessaire dans le cadre des marchés publics. Cette procédure européenne va probablement permettre de mettre en lumière des pratiques douteuses, et qui sont d'autant plus scandaleuses quand elles s'adressent aux plus démunis. L'Etat va apparemment porter plainte. Nous ignorons pour l'heure si nous nous porterons partie civile en cas de procès.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.