Cancer du col de l'utérus : deux doses de vaccin contre le papillomavirus, "c'est quand même plus sécuritaire" pour le docteur François Vié Le Sage
L'OMS estime qu'une dose suffit "surtout dans les pays en voie de développement", estime sur franceinfo le pédiatre qui rappelle que les deux doses sont nécessaires, notamment en France car "on a quand même 6 000 à 7 000 cancers par an."
"Une dose c'est bien mieux que rien, mais c'est peut-être un peu moins bien que deux doses", estime mardi 12 avril sur franceinfo le docteur François Vié Le Sage, pédiatre et membre du groupe d'expert en vaccinologie "Infovac" au sein de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa). L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est penchée sur le vaccin contre le papillomavirus qui est responsable du cancer du col de l'utérus. Le comité d'experts de l'OMS estime désormais qu'une seule dose suffit alors que jusqu'à maintenant deux injections de vaccin étaient recommandées pour les moins de 21 ans. Néanmoins, le docteur François Vié Le Sage doute que cela permette d'améliorer la couverture vaccinale en France où "seulement 35 à 40% des adolescents, filles et garçons, sont vaccinés."
franceinfo : Nos lecteurs s'étonneront peut-être que nous interrogions un pédiatre, mais rappelons que des enfants peuvent se faire vacciner contre le papillomavirus...
François Vié Le Sage : En France, il est possible de se faire vacciner dès l'âge de 9 ans mais il est recommandé à partir de l'âge de 11 ans et jusqu'à 19 ans, et 26 ans pour les hommes homosexuels. La période 9-15 ans est la période où l'immunité est la meilleure dans la vie. Et c'est là où le vaccin prend le mieux et le plus longtemps. Deux doses suffisent voire une seule, depuis qu'on a cette excellente nouvelle de l'OMS. C'est une excellente nouvelle parce que ça prouve bien l'excellente efficacité de ce vaccin qui existe depuis 2007. On a des études indiennes qui, déjà depuis 2016, ont montré qu'une dose était quasiment aussi efficace que deux ou trois doses, en particulier pour les pays dits à revenus faibles ou intermédiaires. C'était le problème de l'OMS.
"Dans ces pays, l'accès aux soins est difficile et donc faire une dose c'est déjà bien si on n'a pas la possibilité de faire les deux. Une dose c'est toujours mieux que rien, bien mieux que rien, mais c'est peut-être un peu moins bien que deux doses à six mois d'intervalles."
Dr François Vié Le Sage, pédiatreà franceinfo
Est-ce que cela permettrait d'améliorer la couverture vaccinale en France ?
Je ne pense pas parce que la couverture vaccinale en France est de toute façon l'une des plus mauvaises des pays développés : seulement 35 à 40% des adolescents, filles et garçons, sont vaccinés. On est mauvais par rapport à des pays comme l'Australie qui sont à 90% ou à la Grande-Bretagne ou la plupart des autres pays européens. L'Australie est en passe de se débarrasser du cancer du col de l'utérus parce que très rapidement, ils ont réussi à vacciner tous leurs adolescents. Mais il faut différencier les deux objectifs différents : l'OMS, son objectif c'est la planète, comme son nom l'indique. Donc, ce sont aussi les pays dits en voie de développement ou à revenus faibles. 90% des cancers du col de l'utérus dus au papillomavirus surviennent dans ces pays-là. Ça ne veut pas dire qu'en France, il ne faille pas le faire puisqu'on a quand même 6 000 à 7 000 cancers par an, dont 4 500 chez les femmes et 1 700 chez les hommes. Et rien qu'à cause du cancer du col de l'utérus qui est le principal cancer donné par ce virus, on a 1 000 à 1 500 morts par an en France. Donc, ce n'est pas un problème négligeable en France. Pour l'OMS, il est important, surtout dans les pays en voie de développement. Ce n'est pas tellement qu'ils n'ont pas les vaccins mais parce qu'ils n'ont pas les structures pour que les gens puissent avoir accès à ces vaccins. Donc, une dose, c'est beaucoup plus facile à faire. Pour l'OMS, il est important, surtout dans les pays en voie de développement. Ce n'est pas tellement qu'ils n'ont pas les vaccins mais parce qu'ils n'ont pas les structures pour que les gens puissent avoir accès à ces vaccins. Donc, une dose, c'est beaucoup plus facile à faire."
Pourquoi en France ça a du mal à rentrer dans les mœurs ?
C'est une bonne question. Vous savez que la France a le record du monde d'hésitation vaccinale et donc le pays de Pasteur se retrouve parmi les pays qui a le moins de vaccins d'Europe dans son calendrier vaccinal et qui a la plus mauvaise couverture vaccinale. Ça concerne aussi la rougeole. Pour le Covid-19, on a plutôt été bons. Mais voilà, globalement le vaccin papillomavirus est fait chez l'adolescent avec un lien à la sexualité, cela fait probablement un peu obstacle. Alors que c'est un vaccin contre les cancers : quasiment tous les cancers du col sont dus au papillomavirus, mais c'est aussi plus d'un tiers des cancers de la gorge, c'est aussi 80% des cancers de l'anus et des cancers du gland. Près de 1 000 à 1 500 morts, en comptant aussi les cancers ORL, on doit monter à 2 000 par an chez en général, des adultes qui en général ont 40, 50 ans, donc dans la pleine forme de l'âge. Ce n'est quand même pas rien. Même si effectivement, c'est un problème qui intéresse beaucoup les pays à faibles revenus qui n'ont pas les moyens de le faire. Donc, pour l'OMS, c'est très bien de dire ça. Le mieux, c'est certainement deux doses, de se vacciner jeune, qu'on soit garçon ou fille, qu'on ait des facteurs de risque ou pas.
"Ça ne veut pas dire qu'en France, il ne faille pas continuer à donner deux doses parce que c'est quand même plus sécuritaire : on a plus d'efficacité avec deux doses à six mois d'intervalle et surtout sur la durée d'efficacité."
Dr François Vié Le Sage, pédiatreà franceinfo
Une fois dépassée la vingtaine d'années, quand on est une femme, ça ne sert à rien de se faire vacciner ?
Absolument pas, c'est toujours utile. Une très belle étude anglaise a montré que quand on était vacciné avant 17 ans, on avait 88% d'efficacité. Quand on est vacciné après 17 ans – et là, ce sont des protocoles à deux ou trois doses – on est à 50, 60% d'efficacité. C'est quand même beaucoup. C'est déjà très bien, mais c'est vrai qu'il vaut mieux vacciner quand on est jeune avant que les problèmes sexuels apparaissent. Et jusqu'à 26 ans, ça reste efficace. Le vaccin a même l'autorisation d'utilisation de mise sur le marché jusqu'à 45 ans aux États-Unis.
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