: Info France 2 Cancer : 812 hôpitaux et cliniques ont opéré sans autorisation en France en 2018
"Cash Investigation" a fait le calcul : en 2018, près de 15 000 malades ont été opérés d'un cancer par un établissement qui ne disposait pas d'autorisation.
Après plus d'un an d'enquête, l'équipe de "Cash Investigation" est en mesure de livrer le nombre d'hôpitaux publics et de cliniques privées qui, en 2018, ont opéré des cancers sans y être autorisés par les services de l'Etat : 812. Toutes les régions françaises sont concernées. Pour parvenir à ce chiffre, les journalistes Gabriel Garcia et Julien Beccu ont eu accès aux très confidentielles bases de données de santé française.
L'analyse des millions de lignes de ces bases de données a permis d'établir précisément l'activité de chaque établissement de santé français. Pour tous les cancers opérables (digestif, sein, gynécologique, ORL, urologique et thoracique), il a ainsi été possible de dénombrer les opérations pratiquées en 2018. Ces informations ont ensuite été croisées avec le registre public des autorisations, disponible sur la plate-forme publique Etalab.
15 000 patients concernés
Au moment d'être opérés, les patients ignorent souvent si leur établissement est habilité et s'il est capable de leur offrir les meilleurs soins. Selon les calculs des journalistes de "Cash Investigation", en 2018, près de 15 000 malades ont été opérés d'un cancer dans un établissement qui ne disposait pas d'autorisation. Pour le cancer du sein, ce sont 325 établissements qui opèrent sans autorisation. Pour le cancer de la prostate, 160 hôpitaux et cliniques opèrent sans habilitation.
Ces autorisations ont été instaurées en 2009, sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Elles sont délivrées par les Agences régionales de santé (ARS) et sont fondées sur des critères qualitatifs et quantitatifs. Pour décider d'une opération, les établissements de santé doivent tenir des réunions de concertation entre médecins de différentes spécialités. Mais ils doivent surtout assurer une activité minimum. Jugée essentielle pour garantir la qualité des soins, elle s'apparente à "un seuil d'autorisation". Pour les cancers digestifs, urologiques, thoraciques et du sein, un établissement doit pratiquer au moins 30 opérations par an. Pour les cancers des sphères gynécologiques et ORL, au moins 20 opérations par an.
Ces seuils sont cruciaux. Un rapport publié par l'Assurance maladie en 2018 (rapport "charges et produits") démontre que les opérations réalisées par des équipes médicales pratiquant sans autorisation entraînent une plus forte surmortalité. Pour le cancer du sein, par exemple, le rapport souligne que "la mortalité la première année était plus que doublée selon que l'établissement avait une autorisation ou non pour les patientes opérées en 2012, 2013, et 2014". D'où la nécessité pour les patients de ne pas être opéré dans des établissements qui ne disposent pas d'autorisation.
Aucun établissement sanctionné
Les services de l'Etat connaissent ces établissements problématiques, mais aucune sanction n'est pour l'heure appliquée contre eux. Un amendement, proposé en 2018 par Olivier Véran, alors député de l'Isère, a été voté, mais jamais appliqué. S'il l'était, il permettrait aux Agences régionales de santé (ARS) de demander aux hôpitaux et cliniques le remboursement des sommes perçues par de l'Assurance-maladie pour les opérations pratiquées sans autorisation. Cette inaction, confirmée par le ministère de la Santé, interroge. Olivier Véran devenu entre-temps ministre des Solidarités et de la Santé, a refusé de s'exprimer dans "Cash Investigation".
Les établissements que vous connaissez ou fréquentez sont-ils habilités à réaliser ce genre d'opérations ? Franceinfo met à disposition cette liste des établissements qui opèrent avec une autorisation en 2021, sur la base d'informations émanant de l'Inca, l'Institut national du cancer.
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