"Je n’ai pas eu un moment où je me suis sentie lâchée" : l’importance de la relation patient-médecin au cœur du Congrès mondial du cancer
Agnès, rencontrée il y a quelques jours à l’entrée d’un centre anti-cancer francilien, est en stade terminal d’un cancer du vagin. La relation qu’elle entretient avec sa cancérologue est primordiale pour elle. "Le jour de l’annonce, mon oncologue est restée plus d’une heure et demie avec moi. J’ai toujours été bien encadrée, bien accompagnée, témoigne-t-elle. Je n’ai pas eu un moment où je me suis sentie lâchée", assure-t-elle.
L’annonce du diagnostic, justement, est un moment-clé, explique Connor Kinslow, médecin à New-York. Il est l’auteur de l’une des plus de 800 études sur le sujet présentées durant le week-end au Congrès du cancer de Chicago, qui fait référence. "Aux États-Unis, les patients atteints de cancer ont deux fois plus de risques de se suicider que le reste de la population, constate-t-il. Le profil-type, c’est un homme blanc, de plus de 60 ans, et qui a un cancer avec un pronostic très défavorable".
"En général, le suicide intervient dans les six mois après le diagnostic. C’est un moment où les cancérologues doivent être très attentifs à l’état émotionnel de leur patient."
Connor Kinslow, médecin à New-Yorkà franceinfo
"Quand je sens mes patients fragiles, je leur demande comment ça va. Mais honnêtement, tous mes confrères ne le font pas, ne sont pas à l’aise pour parler dépression et suicide, admet Connor Kinslow. Mais mes recherches montrent qu’il faut s’y mettre et avoir ces conversations avec les patients".
Une empathie nécessaire aussi après le cancer
Cette relation essentielle entre patient et médecin, cette empathie, est nécessaire aussi dans l’après-cancer. "On a fait de grandes avancées dans la recherche contre le cancer et donc de plus en plus de patients guérissent. Mais beaucoup, plus de la moitié d’entre eux, vivent ensuite avec la peur de la rechute, observe Jenny Liu, cancérologue à Sydney, en Australie. Certains expriment cette crainte, d’autres non".
"Certains sont consumés par la peur de la rechute, de la mort."
Jenny Liu, cancérologueà franceinfo
"Ils ne prévoient plus de vacances, poursuit Jenny Liu. Il nous faut prévenir cette anxiété, qui vire parfois à la dépression. Souvent les patients n’osent pas en parler à leur cancérologue".
La Dr Jenny Liu a mis en place une formation courte, d’une demi-heure, sur internet, pour que les cancérologues sachent rassurer leurs patients sur cette peur du retour du cancer. "Le premier point est de rassurer le patient, lui dire que c’est normal de s’inquiéter, assure la cancérologue. Ensuite il faut lui dire quels sont les risques de rechute, en général moins importants que ce qu’il s’imagine. Lui dire aussi quels sont les symptômes à identifier. Un mal de dos, ce n’est pas forcément votre cancer qui revient. Et puis il faut expliquer au patient qu’il peut parler de ses inquiétudes à ses proches, sa famille à un moment précis de la journée, mais pas toute la journée. Enfin, le cancérologue peut orienter son patient vers un psychologue". Des cancérologues expérimentent déjà ce protocole pour prévenir l’inquiétude des patients en Australie et au Danemark. 97% des malades disent que le fait d’en parler avec leur médecin les a rassurés.
Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, vous pouvez joindre le 3114 24h/24 et 7 jours/7. La ligne Suicide écoute est également joignable au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
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