Prêts bancaires, retour à l'emploi… Les difficultés de l'après-cancer
Si un cancer sur deux est aujourd'hui guéri en France, le retour des anciens malades à une vie normale est loin d'être aisé.
Comment retrouver une vie normale une fois remis d'un cancer ? Cette question se pose de plus en plus fréquemment, puisqu'il est désormais possible de guérir "plus d'un malade sur deux", a rappelé François Hollande mardi 4 février, lors de la présentation du troisième Plan cancer.
Mais pour ceux qui sortent vainqueurs de leur combat contre la maladie, rien n'est simple. Qu'ils aient ou non des séquelles de leur traitement, les anciens malades éprouvent souvent des difficultés à réintégrer le monde du travail. Et pour eux, contracter un prêt auprès de leur banque est presque toujours un parcours du combattant. Francetv info revient sur les obstacles de l'après-cancer.
Un retour au travail délicat
Si l'âge moyen du diagnostic d'un cancer est de 67 ans chez l'homme et de 65 ans chez la femme, selon les chiffres de l'Institut national du cancer, les patients qui découvrent leur maladie sont loin d'être tous à la retraite. En avril 2011, l'Institut Curie indiquait ainsi (PDF) que sur les 350 000 personnes touchées par un cancer chaque année, 100 000 travaillent. L'irruption de la maladie dans leur vie ne signifie pas pour autant la fin de leur carrière, puisque selon la même enquête, 79% des salariés ayant eu un cancer ont repris leur activité dans les deux ans suivant le diagnostic.
Ce retour dans l'entreprise n'est jamais facile. "Les anciens malades peuvent avoir des séquelles physiques de leur traitement, explique Emmanuel Jammes, délégué à la mission "Société et Politique de santé" pour la Ligue contre le cancer. Dans certains cas, comme le cancer du sein ou le cancer colorectal, les patients guéris peuvent avoir connu l'ablation. Aller au travail avec une poche de colostomie ou une canule pour respirer modifie profondément la vie et le rapport à l'autre."
Pour faciliter cette phase de retour à la vie professionnelle, le Plan cancer dévoilé mardi par le président de la République prévoit de mettre en place un "aménagement du temps de travail" pour les anciens malades et de sensibiliser les entreprises aux "risques de discrimination". "Une bonne initiative, même s'il faut maintenant savoir comment elle va être mise en œuvre", estime Emmanuel Jammes, qui souhaiterait que l'ensemble des collaborateurs puisse être impliqué sur le sujet des discriminations. "Lorsque quelqu'un voit revenir au travail un collègue qui a pu s'amaigrir ou changer un peu de caractère pendant son traitement, on peut comprendre qu'il se demande comment réagir. D'autant que le monde du travail n'est pas forcément celui dans lequel on manifeste le plus d'empathie."
Des emprunts et assurances difficiles à contracter
Etablir des projets à long terme n'est également pas simple pour les anciens malades. Les banques, qui craignent de ne pas être remboursées en cas de rechute, se montrent souvent récalcitrantes à l'idée de leur prêter une importante somme d'argent. "Ces difficultés sont systématiques, qu'il s'agisse d'établissements bancaires ou de compagnies d'assurances", renchérit Emmanuel Jammes. Pour lutter contre ce problème, la Ligue contre le cancer a créé une cellule chargée d'aider dans leurs démarches les malades à qui l'on demande de remplir un dossier médical. "Mais les besoins sont bien supérieurs à l'aide que nous sommes en capacité de fournir", soupire le spécialiste.
Les pouvoirs publics ont pourtant tenté d'intervenir. Début 2007, une convention appelée Aeras, visant à améliorer l'accès au crédit pour les personnes gravement malades et guéries, est entrée en vigueur. Mais en l'absence de sanctions dissuasives, les banques et compagnies d'assurances ne la respectent pas toujours.
Des obstacles perçus comme des injustices
Le Plan cancer présenté mardi se veut en ce sens plus sévère. A défaut d'accord trouvé entre les associations et les établissements bancaires, un projet de loi comportant des sanctions sera présenté. "Nous entendons bien qu'assurer ou prêter de l'argent à une personne tout juste guérie comporte un risque, continue Emmanuel Jammes. Le problème, c'est que certains établissements ne jouent pas le jeu. Ils ne tiennent pas compte des progrès de la médecine et se basent sur des risques de rechute établis il y a vingt ans pour refuser des crédits."
Pour les anciens malades, se voir refuser un prêt est d'autant plus difficile à accepter que la guérison remonte parfois à plus d'une dizaine d'années. D'où la volonté de François Hollande de créer un "droit à l'oubli" pour les patients guéris depuis longtemps. Il faudra pour cela arriver à définir précisément ce qu'est une guérison. "Une rechute est-elle vraiment liée à un premier cancer, ou bien se serait-elle manifestée quoi qu'il arrive ? Même pour les scientifiques, ces questions ne sont pas tranchées, précise Emmanuel Jammes. Ce qui est en revanche certain, c'est qu'à l'heure actuelle, la guérison sociale est bien plus longue que la guérison médicale."
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