: Reportage La France à la pointe des nanoparticules dans la lutte contre le cancer : "L'objectif, c'est d'augmenter le taux de guérison"
La France est un pays pionnier dans le domaine des "nanoparticules anti-cancer". Une biotech française est en première ligne dans le domaine : Nanobiotix. Cette start-up fabrique des nanoparticules qui ont déjà fait leurs preuves pour traiter les sarcomes des tissus mous (tumeurs malignes) et, bientôt, les cancers de la tête et du cou. Deux premières phases de l'essai clinique ont été franchies avec succès.
Nanobiotix est dirigée par Laurent Levy. Ce chimiste de formation a imaginé ce procédé révolutionnaire pour rendre la radiothérapie plus efficace. "On a développé une solution qui est basée sur des nanoparticules que l'on va injecter directement dans la tumeur, une seule fois, avant la première séance de radiothérapie. Ces particules ont été formatées pour pouvoir rentrer à l'intérieur des cellules cancéreuses et recevoir l'énergie de la radiothérapie et délivrer les dommages à l'intérieur".
"Avec une dose classique de radiothérapie, on peut augmenter l'efficacité à l'intérieur de la tumeur sans augmenter les effets secondaires dans les tissus sains."
Laurent Levy à la tête de Nanobiotixà franceinfo
Ces nanoparticules d'Hafnium, un métal qui a le pouvoir d'absorber les radiations, sont 3 000 fois plus petites qu'un cheveu. Nanobiotix les a élaborées dans ses bureaux du 12e arrondissement de Paris. "Cela se présente sous une forme de suspension un peu laiteuse, détaille Sébastien Parisse, le directeur de recherche chez Nanobiotix. Les nanoparticules sont en suspension dans de l'eau. Quand on les injecte à des patients, on les prépare dans du glucose, et puis on les injecte directement dans la tumeur."
L'essai clinique est mené sous la houlette de deux mastodontes de la recherche anti-cancer : les instituts Gustave Roussy et Curie. Christophe Le Tourneau dirige le département des essais cliniques précoces. Ce professeur mise beaucoup sur ces nanoparticules. "C'est vraiment une nouvelle approche parce que ça n'est pas un médicament. Ce sont des nanoparticules de métal inertes, qui ne font rien si on n'administre pas un autre médicament. Mais surtout, ce qui est très intéressant dans ce traitement, c'est que ça peut augmenter le taux de guérison du cancer. Aujourd'hui, on a beaucoup de traitements qu'on développe chez des patients qui ont un cancer incurable et dont l'objectif, c'est de prolonger la vie et on espère pendant très longtemps. Mais malheureusement, un certain nombre de patients meurent quand même de leur cancer à la fin. Là, l'objectif, c'est d'augmenter le taux de guérison et moins de patients qui récidivent."
D'autres projets prometteurs en France
Les premiers résultats d'un essai mené aux États-Unis avec ce produit montrent qu'il permet aussi de renforcer le système immunitaire. "On a vu dans des modèles de souris que l'on a des cellules qui sont très importantes pour détruire les cellules tumorales, explique le biologiste Sébastien Paris. Ces cellules sont à la fois plus présentes dans la tumeur traitée avec une nanoparticule, mais ont en plus la capacité de se distribuer dans l'organisme et d'aller attaquer à distance d'autres métastases qui n'ont pas été traitées." Le produit de Nanobiotix permettrait donc d'éviter les rechutes en tuant les métastases. Il faudra attendre la fin des essais cliniques dans quelques années pour le vérifier.
En France, d'autres scientifiques utilisent les nanoparticules face aux cancers. À Bordeaux, des chercheurs s'attaquent à des tumeurs cérébrales grâce à un gel chargé de nanoparticules. Là aussi, des tests sont en cours en laboratoire. À Grenoble, une autre biotech française a mis au point un nanomédicament encore plus petit pour booster la radiothérapie contre les cancers de l'utérus et les métastases cérébrales. Enfin, dans les Hauts-de-France, des médecins ont mis au point des nano- radioactives pour traiter des cancers de la prostate.
Le procédé paraît miraculeux mais les nanoparticules ont des limites. Elles restent plus grosses que d'autres molécules. Pour l'utiliser chez l'homme, il faut parfois simplifier leur composition au détriment de leur efficacité. Pour Jean-Luc Coll, spécialiste des nanoparticules, on va donc devoir "choisir des molécules plus simples que d'autres qui seraient trop compliquées, peut-être plus performantes, mais qu'on n'arrivera pas à amener jusque chez l'homme." Des limites qui ne gâchent pas le potentiel des nanoparticules pour lutter contre les cancers, d'autant que, d'après ce spécialiste, elles sont assez faciles à produire avec un coût de fabrication peu élevé.
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