Cannabis thérapeutique : "Il n’est pas concevable que des patients se mettent dans l’illégalité pour pouvoir se soigner"
Éric Correia, président de la communauté d’agglomération du Grand Guéret, a réagi sur franceinfo alors que le Premier ministre Édouard Philippe a laissé vendredi la porte ouverte à l'autorisation du cannabis thérapeutique.
"Plus de 300 000 patients sont en attente" pour expérimenter le cannabis thérapeutique, a constaté Éric Correia, président de la communauté d’agglomération du Grand Guéret et conseiller régional PS de Nouvelle-Aquitaine sur franceinfo vendredi 5 avril. La Creuse est un département où la culture du cannabis à des fins médicales est envisagée comme un moyen de développer l'emploi et l'économie.
"Pour moi, en tant que soignant, il n’est pas concevable que des patients se mettent dans l’illégalité pour pouvoir se soigner", a poursuivi ce porteur du projet, infirmier anesthésiste, formé à la prise en charge des douleurs. Et au-delà de l'aspect santé, il y a un intérêt économique, "c’est 200 à 300 emplois qui pourraient être créés dans un premier temps", a-t-il assuré.
franceinfo : Etes-vous satisfait d’entendre le Premier ministre ouvrir la porte aujourd’hui au cannabis thérapeutique ?
Éric Correia : La porte avait déjà été un peu entrouverte par la ministre de la Santé au mois de mai, car cela fait plus d’un an que j’ai fait cette proposition au président de la République en disant qu’on avait besoin de ces molécules pour soigner un certain nombre de pathologies en France. Plus de 300 000 patients sont en attente de cela. Pour moi, en tant que soignant, il n’est pas concevable que des patients se mettent dans l’illégalité pour pouvoir se soigner. D’autres pays - 24 pays européens sur 28 - l’autorisent déjà ce cannabis à usage thérapeutique. Je me dis 'mais que fait la France' ?, car nos patients attendent. Comment justifier aujourd’hui de faire des médicaments à partir de molécules telles que l’opium, (et ne pas pouvoir) en faire à partir du cannabis ? Cela a des vertus. L’ANSM reconnaît que c’est efficace, notamment pour certaines douleurs chroniques qui passent difficilement comme dans la sclérose en plaques. On ne peut pas laisser nos patients au bord de la route. Nous sommes au 21e siècle et il est grand temps d’utiliser ces molécules.
Pourquoi la France est si frileuse et pourquoi les responsables politiques semblent progressivement convaincus par l’idée de s’y mettre ?
La France est frileuse, je ne suis pas sûr que les Français le soient. Un sondage de mai 2018 montre que 85% des Français sont pour l’utilisation du cannabis thérapeutique. La frilosité est au niveau des élus. On a l’impression d’être un pays très conservateur. Nous avons des actions de pédagogie. Il faut expliquer aux gens qu‘à partir du cannabis on peut faire des médicaments de manière très encadrée. Je crois fortement à l’utilisation de ces molécules. Plus de 300 000 patients attendent. La Suisse l’utilise depuis de nombreuses années, notamment dans le traitement de la chimiothérapie. Quand vous souffrez d’un cancer, et que vous avez des médicaments qui vont font vomir toute la journée, ils utilisent le cannabis pour redonner l’appétit et stopper les vomissements. Cela a déjà fait ses effets ailleurs, (dans) 24 pays européens sur 28, aux Etats-Unis, au Canada. Et au-delà de ça, je vois pour la Creuse une vraie filière économique, avec la création d’emplois. Et aujourd’hui, tous les acteurs sont prêts en Creuse pour le faire. Il me manque juste les autorisations. Et c’est la seule mesure qui ne réclame pas d’argent.
Quelle est votre idée pour le département ?
En 2017, la Creuse a perdu plus de 150 emplois dans l’industrie autour de la pièce automobile. Pour nous, 150 emplois, c’est énorme rapporté à un bassin de population de 3 000 habitants. Et d’un département de 120 000 habitants. Chaque emploi compte. Il faut avancer là-dessus. Sur les emplois en Creuse, on fait des projections : c’est 200 à 300 emplois qui pourraient être créés dans un premier temps.
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