: Vidéo "C'est devenu l'usine" : pourquoi certaines crèches privées dysfonctionnent
A Aix-en-Provence, où la mairie a confié la gestion des crèches municipales à un groupe privé, plusieurs témoignages dénoncent des dysfonctionnements dans certains établissements. "Pièces à conviction" a demandé à une professionnelle de la petite enfance d'infiltrer l'une de ces crèches, puis a montré les images à une psychologue spécialisée.
Depuis 2005 et l'ouverture du secteur de la petite enfance aux entreprises privées, la mairie d'Aix-en-Provence a confié la gestion de ses 20 crèches municipales au groupe Les Petits Chaperons rouges (l'un des quatre plus importants sur le marché français). Plusieurs témoignages dénoncent de nombreux dysfonctionnements dans certaines crèches.
"Pièces à conviction" a sollicité une autorisation de tournage, mais le groupe a refusé. Pour en savoir plus, le magazine a demandé à une professionnelle de la petite enfance d'infiltrer l'une de ces crèches. Nous l'appellerons Sophie. Elle est éducatrice de jeunes enfants depuis près de vingt ans. Le manque de personnel est tel qu'il ne lui a fallu que quarante-huit heures pour être embauchée.
Un turnover incessant au lieu de la stabilité nécessaire aux tout-petits
Sur place, l'organisation est chaotique, comme le montrent les images tournées ce jour-là en caméra cachée. "Pièces à conviction" a demandé à une spécialiste de la petite enfance qui a rédigé plusieurs rapports sur les crèches françaises de les commenter.
Alors que les employées sont censées s'occuper d'un seul groupe d'enfants, le jour où les images ont été filmées, les tout-petits passent d'une encadrante à l'autre – parfois, celle-ci ne sait même pas quel âge ils ont. Pour la psychologue et psychanalyste Sylviane Giampino, "c'est une crèche qui n'a pas compris que la priorité des priorités, c'est la stabilité des liens, des lieux, et des personnes, pour chacun des enfants".
"Le cœur de notre métier, il n'y est plus"
Cette vidéo fait apparaître d'autres dysfonctionnements : ce jour-là, de nombreux enfants pleurent, des draps sont déchirés, le personnel jongle pour remplacer les absents au pied levé, les éducatrices échangent des constatations amères : "C'est l'usine", "Le cœur de notre métier, il n'y est plus"...
Après seulement un jour et demi sur place, Sophie, choquée, choisit de mettre un terme à l'infiltration. Révoltée par ces conditions de travail "dans l'urgence", sans "prise en compte de chaque enfant", elle refuse "catégoriquement" de les cautionner en restant : "C'est vraiment une honte, en France, de voir des choses comme ça."
"Un système de management qu'on peut trouver dans le commerce"
Cette situation qui la "rend malade" ne surprend pas réellement la psychologue : "Quand une crèche dysfonctionne, elle dysfonctionne sur tout. Donc elle n’aménage pas bien son espace, ni les conditions de travail des professionnels, on ne connaît pas les enfants, on a un management avec du turnover…"
Pour Sylviane Giampino, "ce travail est basé sur un système de management qu'on peut trouver dans le commerce – c'est une caricature, mais c'est hélas quelque chose qui se développe", déplore-t-elle.
Extrait de "Qui va garder mon enfant ? Enquête derrière les murs des crèches privées", à voir le 5 février 2020 dans le magazine "Pièces à conviction".
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