Dioxyde de titane : "Il faudrait peut-être arrêter de transformer les consommateurs en cobayes"
Alors que le groupe Casino a pris la décision de supprimer le dioxyde de titane de tous ses produits, Stéphen Kerckhove, le délégué général de l'association Agir pour l'environnement, estime que les responsables politiques doivent prendre "leurs responsabilités" et ne pas laisser "seulement les industriels faire du greenwashing de temps en temps".
"Il faudrait peut-être arrêter de transformer les consommateurs en cobayes", a réagi vendredi 5 octobre sur franceinfo Stéphen Kerckhove, le délégué général de l'association Agir pour l'environnement, après la décision du groupe Casino de supprimer le dioxyde de titane de tous ses produits.
franceinfo : Certaines marques semblent prendre les devants. La bataille est-elle en train d'être gagnée ?
Stéphen Kerckhove : On espère que les industriels prennent conscience qu'un consommateur, avant d'être un cobaye, est un client potentiel. Il y a encore beaucoup à faire. La décision de Casino est une bonne chose. Elle ne concerne que le dioxyde de titane. Il y a beaucoup d'additifs qui devraient être interdits aujourd'hui. Beaucoup de nanoparticules circulent sans être étiquetées, alors que la loi oblige ces industriels. Donc il y a énormément de choses à faire avant de commercialiser des produits de bonne qualité aux consommateurs.
Est-ce du "greenwashing", du marketing écologique de la part des industriels ? Ils s'achètent une bonne conscience écologique ?
C'est totalement évident que ces décisions ne sont pas exemptes de stratégie marketing. Il y a évidemment une logique de verdissement. Mais le fait que des industriels prennent conscience qu'une substance potentiellement cancérigène ne doit pas être vendue au consommateur, cela semble frappé au coin du bon sens. Casino laisse supposer qu'un gâteau "cœur fondant au lait" ne serait pas blanc, je ne comprends pas.
Le dioxyde de titane a sans doute beaucoup de vertus. Il a surtout un impact cancérigène potentiel. Il faudrait peut-être arrêter de transformer les consommateurs en cobayes, juste pour blanchir un produit ou le verdir légèrement. Une fois encore, on retrouve cet additif dans les bonbons, mais aussi dans les cosmétiques, dans les médicaments. Il serait grand temps que les responsables politiques prennent leurs responsabilités et ne laissent pas seulement les industriels faire du "greenwashing" de temps en temps. La santé publique est une affaire qui doit être anticipée par le gouvernement et pas laissée à l'appréciation des industriels.
Il faut donc s'habituer à consommer des produits moins beaux ?
Je ne sais pas ce que veut dire un dentifrice beau. La question doit être objectivée. Il y a des scientifiques qui mènent des études, qui trouvent des effets potentiellement cancérigènes. Les nanoparticules, rappelons-le, ce sont des particules d'une taille très petite, cent mille fois plus petite que l'épaisseur d'un cheveu. Cela franchit les barrières du vivant, les barrières pulmonaires. Certains scientifiques les associent aux fibres d'amiante de sinistre mémoire.
Une fois encore, dans l'analyse coût-bénéfice, constater qu'une particule va permettre d'améliorer l'esthétique avec un impact cancérigène, c'est inacceptable. S'en passer, c'est sans doute coûteux. Après, le retour sur bénéfice de vendre un produit de qualité qui sera commercialisé et acheté par des consommateurs et non pas caché à l'insu des consommateurs est aussi une option que les industriels doivent envisager. La demande des consommateurs va plutôt vers des produits de qualité, des produits locaux et des produits bio, plutôt que des produits ultra-transformés, bourrés d'additifs et de nanoparticules.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.