Pour sa nouvelle expédition scientifique, Tara part sonder le peuple invisible de l'océan
Il s'agit de la 12e mission depuis le lancement, en 2003, de ces expéditions par Etienne Bourgois et Agnès b., qui ont racheté le voilier construit à l'initiative du médecin et explorateur Jean-Louis Etienne.
Quelque 70 000 kilomètres en mer, 21 escales, 21 mois, 80 chercheurs à bord, 42 institutions scientifiques impliquées dans 13 pays, dont la France, le Chili en encore le Brésil… La goélette scientifique Tara s'élance, samedi 12 décembre, depuis son port d'attache à Lorient pour une nouvelle mission qui doit la conduire dans les mers du sud. L'objectif : révéler les secrets des micro-organismes invisibles marins et comprendre le rôle clé que joue sur cette face cachée des océans constituée de millions d'espèces, pour la plupart inconnues, sur l'ensemble de l'écosystème océanique.
Après Tara Océans, Tara Pacific et Tara Microplastiques notamment, Tara Microbiomes est la 12e mission depuis le lancement, en 2003, de ces expéditions par Etienne Bourgois et Agnès b., qui ont racheté le voilier construit à l'initiative du médecin et explorateur Jean-Louis Etienne. Le navire mettra les voiles à 16 heures, le jour du 5e anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat, et filera directement vers Punta Arenas, dans le sud du Chili, où embarqueront les scientifiques en février.
Comprendre "qui fait quoi"
"Le microbiome océanique, ce sont tous les organismes plus petits qu'un millimètre, essentiellement unicellulaires", a expliqué Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS, lors d'une conférence de presse. Invisibles à l'œil nu, ces virus, bactéries, micro-algues et autres protistes et archées (des organismes ni animaux, ni végétaux), représentent plus des deux tiers de la biomasse des océans, soit quatre fois plus que la biomasse cumulée de tous les insectes sur Terre.
Premier maillon de la chaîne alimentaire, le microbiome occupe une place centrale dans l'écosystème océanique, contribuant à stocker du CO2 et à produire de l'oxygène, à l'instar des forêts (grâce à la photosynthèse). "Aujourd'hui, nous avons une bonne vision de la composition du microbiome, en revanche nous en savons très peu sur ses fonctions", résume Chris Bowler, directeur scientifique du consortium Tara Océan. Pour lui, la question n'est pas tant de savoir "qui est là", mais plutôt "qui fait quoi".
Comprendre ses fonctionnements et interactions "est important pour prédire la réponse des océans au changement climatique", aux pollutions ou aux changements de nutriments, a expliqué Daniele Iudicone, océanographe et coordinateur de la mission. Le microbiome influence l'écosystème des océans, et toute la "grande machine climatique", insiste Chris Bowler, qui n'hésite pas à faire le lien avec le microbiote humain, ces milliards de micro-organismes vivant dans notre intestin et jouant un rôle crucial pour notre santé.
Un passage par l'Amazone et l'Antarctique
Après le Chili, la goélette longera l'Amérique du Sud jusqu'au canal de Panama, transitera par les Antilles françaises, redescendra le long de l'Amazonie, de l'Argentine, puis mettra le cap sur la mer de Weddell, en Antarctique. Ce sera l'occasion d'étudier le panache du fleuve Amazone, qui "est en train de changer ses caractéristiques à cause de la déforestation et des mines", a précisé Daniele Iudicone, codirecteur de la mission. Ou encore de prélever des échantillons autour d'un iceberg, alors que ceux-ci "s'effondrent de plus en plus à cause du changement climatique".
De l'Antarctique, la goélette remontera en Afrique du Sud, en mars 2022, puis longera le continent africain, avec plusieurs escales, avant de rejoindre Lisbonne en septembre 2022 et de rentrer en France.
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