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Témoignages Covid-19 : dans les maternités où les visites restent interdites, des mamans plus "sereines" et des bébés plus "apaisés"

Dans de nombreux hôpitaux, les visiteurs ne sont toujours pas les bienvenus dans la chambre du nouveau né. Un soulagement pour certaines mères. Car cette mesure, destinée à limiter la propagation du Covid-19, a aussi des bienfaits sur leur bien-être et celui des bébés.
Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Pour limiter le risque de contamination au Covid-19, certaines maternité continuent de restreindre les visites au co-parent et à la fratrie du nouveau-né. (STEPHANIE BERLU / FRANCEINFO)

Lorsque Diane (qui préfère rester anonyme), a donné naissance à sa petite fille en octobre à l'hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de Paris, seul son conjoint a été autorisé à lui rendre visite. Une restriction liée à l'épidémie de Covid-19. "J'étais assez étonnée qu'il justifient ça par le Covid, raconte-t-elle, parce que pour moi, c'était un peu terminé, cette phase d'extra-vigilance".

Surprise, la jeune femme de 35 ans a surtout été soulagée : "Ça m'arrangeait bien. Je trouvais ça assez confortable de dire que ce n'était pas ma décision, mais simplement l'hôpital qui mettait une fin de non-recevoir à cause du Covid."

A la la maternité de l'hôpital Tenon, dans le XXe arrondissement de Paris où Diane a accouché en octobre, seul le conjoint et la fratrie du nouveau-né ont un droit de visite. (VALENTINE JOUBIN / FRANCE INFO)

Après son accouchement par césarienne, Diane ne se sentait pas la force d'accueillir qui que ce soit dans sa petite chambre : "Une fois l'anesthésie dissipée, on a mal au ventre. On peut à peine se lever. Même porter mon enfant, c'était compliqué. Le peu d'énergie que j'avais, il était consacré au bébé, à la regarder. C'est tellement nouveau, tellement fragile".

Un temps précieux pour "absorber aussi toutes les informations sur les premiers jours de l'enfant" auprès des infirmières, sages-femmes ou puéricultrices. "J'ai du mal à envisager comment des visites de la famille, aussi proche soit-elle, puissent s'insérer dans ce moment où il nous faut déjà du temps pour réaliser ce qui est en train de se passer", conclut-elle.

"Ils trouvent que c'est un peu un phénomène de mode"

Plusieurs maternités de la capitale mais aussi de Marseille, Rennes, ou encore Strasbourg ont elles aussi décidé de maintenir les restrictions de visites mises en place au plus fort de l'épidémie. D'autres ont assoupli les règles tout en appelant les jeunes parents à la mesure, à l'image du Centre Hospitalier Agen-Nérac où Margaux Girerd, 29 ans, a accouché début décembre. Elle et son mari ont donc dû annoncer à leurs proches qu'ils préféraient ne recevoir personne. "C'est au niveau de ma mère et de mes grands-parents que ça a été plus compliqué à accepter", confie Margaux.

"Ils nous ont dit qu'à leur époque, ce n'était pas comme ça et que deux heures après la naissance, ils étaient dans la chambre et que tout le monde était content."

Margaux Girerd

à franceinfo

La fatigue du couple et la jaunisse du bébé n'ont pas été considérés comme des obstacles convaincants. "Ils mettent ça sur le dos de notre génération qui fait des choix un peu nouveaux, explique la jeune maman, comme le cododo... Ils trouvent que c'est un peu un phénomène de mode". Mais la jeune femme a tenu bon face à l'incompréhension et l'impatience de sa propre mère : "Elle a quand même essayé de venir à la maternité le jour de la naissance. Elle n'était pas loin, elle voulait passer en essayant de négocier un petit peu. Ça a été compliqué tout le long du séjour."

Des mamans plus "sereines", des bébés plus "apaisés"

Pourtant, au-delà du risque sanitaire, le report des visites  qui se déroulent non plus en maternité mais lors du retour à la maison  a un impact positif sur le bien-être des mères et sur celui des nourrissons, observe Célia Bellanger, sage-femme à la maternité du Belvédère de Mont-Saint-Aignan, près de Rouen (Seine-Maritime) où seuls le co-parent et la fratrie sont les bienvenus.

Dans les couloirs de la maternité du Belvédère, près de Rouen, où les visites sont encore soumises à des restrictions liées au Covid-19. (VALENTINE JOUBIN / FRANCE INFO)

C'est, dit-elle, particulièrement frappant la nuit : "Avant, on avait souvent des pleurs jusqu'à 4h ou 5h du matin non-stop avec beaucoup de bébés très excités, très énervés. Depuis qu'il n'y a plus de visites et que les bébés ne passent plus de bras en bras, qu'ils ne sont vraiment qu'avec leurs parents, c'est beaucoup plus calme, les nuits, pour les mamans, avec des bébés plus apaisés". Les mères sont plus reposées et plus "sereines", notamment pour la mise en place de l'allaitement, ajoute Célia Bellanger.

"Quand il y avait des visites, parfois [les patientes] ne voulaient pas mettre leur bébé au sein parce qu'il fallait se dénuder ou il fallait mettre les visiteurs dehors. Donc elles attendaient, le bébé devait attendre aussi. Et là, elles sont plus à l'écoute de leur enfant."

Célia Bellanger, sage-femme à la maternité du Belvédère, près de Rouen

à franceinfo

Seuls (ou presque) face à leur enfant, mères et pères apprivoisent plus facilement leur nouveau rôle dans un temps de séjour de plus en plus court, de "deux à trois jours en moyenne", pointe Laetitia Lejeune, coordinatrice de la maternité du Belvédère. Selon elle, l'absence de visite "permet au noyau familial, aux parents de se retrouver entre eux à la maternité". Le retour à la maison est ainsi "plus facile".

Pour autant, cette cadre sage-femme ne souhaite pas que cette interdiction des visites se pérennise. "La naissance est une fête familiale", rappelle-t-elle. L'idéal serait que, lorsque la situation sanitaire le permettra, les allées et venues soient "mieux régulées" pour ne pas perdre tous les bénéfices observés.

"En débriefant ce moment-là avec ma psy, j'en ai pleuré"

Chez nos voisins européens aussi, les restrictions de visites liées au Covid-19 se poursuivent. Et à en croire les sites internet des hôpitaux, il ne semble pas y avoir de protocole national ou régional unique.  À Bruxelles, par exemple, la plupart des établissements limitent les visites au co-parent et à la fratrie du nouveau-né (qui ne peut parfois rester qu'une heure par jour). À Berlin, c'est la règle "un visiteur par jour pendant une heure" qui est actuellement appliquée dans de nombreux hôpitaux, certains exigeant un test Covid négatif. À Londres, le chiffre varie de zéro visiteur (en dehors du "birth partner") à deux. 

Dans ce paysage, la Suisse fait bande à part. La plupart des maternités sont revenues aux règles pré-Covid. Un vent de liberté dont se serait bien passé Agathe Raboud. Au printemps dernier elle a accouché à l'hôpital de Nyon, dans le canton de Vaud : "J'ai accepté que mes parents viennent le lendemain de mon accouchement parce que j'ai eu un accouchement très difficile et qu'ils s'étaient vachement inquiétés". La jeune maman a aussi accueilli son frère et ses beaux-parents, parce que "c'était normal". "En débriefant ce moment-là avec ma psy, j'en ai pleuré... C'est vraiment des choses que j'ai faites pour eux et pas du tout pour moi. J'ai vraiment ce souvenir de présenter bien, de sourire, de faire 'tout va bien' et d'essayer de les rassurer". 

Les visites encore interdites dans certaines maternités : le reportage de Valentine Joubin

Aux Etats-Unis, c'est comme en France : les familles ne sont pas toujours les bienvenues. Pour la seule ville de New-York par exemple, certaines n'acceptent que deux visiteurs à la fois et toujours les mêmes durant tout le séjour de la mère. D'autres autorisent tous les visiteurs de plus de 12 ans, sans limite de temps. Au Canada, les maternités d'Ottawa et de Québec limitent elles aussi souvent les visites à deux personnes (incluant ou non le co-parent), en appelant parfois les proches à respecter une distanciation physique.

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