"C'est pour nous une double peine" : les personnes en situation de handicap ne veulent plus dépendre financièrement de leur conjoint
Un rassemblement est prévu dimanche après-midi à Paris pour demander un changement du mode de calcul de l'allocation adulte handicapé, versée à plus d'un million de personnes. Une proposition de loi pour l'individualiser est examinée cette semaine à l'Assemblée nationale.
Manon, 24 ans, étudiante en droit à Tours, aimerait bien habiter avec son petit ami mais elle ne le fait pas pour ne pas perdre ses 903 euros d'allocation adulte handicapé par mois. "On ne peut pas avoir de vie de couple normale pour l'instant, soupire-t-elle. Ce qui nous rajoute une double peine au handicap. Je ne peux pas me permettre de construire des projets avec mon conjoint dans la situation actuelle..." En effet, le calcul de l'allocation adulte handicapé (dite "AAH") prend en compte les revenus du conjoint et empêche parfois le versement des aides financières.
Une loi à l'étude pour individualiser le calcul
C'est pour réclamer un changement dans le calcul de l'aide que des personnes en situation de handicap ont prévu de manifester dimanche 13 juin à l'appel d'Act Up devant la mairie du 4e arrondissement de Paris, alors qu'est examinée la semaine prochaine devant l'Assemblée nationale une proposition de loi pour individualiser ce calcul.
Contrairement à Manon, Pierrette a fait le choix inverse : elle vit sous le même toit que son mari plombier. Les revenus de son conjoint lui font perdre 400 euros d'allocation adulte handicapé. Aussi, elle espère que la proposition de loi individualisant le calcul sera adoptée.
"Je dépends de mon conjoint et cela crée des disputes dans le couple et cela favorise la perte de la confiance. Si la loi ne passe pas, je serai obligée de divorcer. En fait, je ne peux pas être en couple avec quelqu'un !"
Pierretteà franceinfo
Des impasses dans lesquelles se retrouvent le plus souvent des femmes, plus touchées par la dépendance financière, regrette Pascale Ribes, présidente de l'association APF France Handicap. "Ça les fragilise et crée des situations malsaines de dépendance financière et donc de maltraitance, voire de violence, et à tout le moins de difficulté au sein du couple, explique-t-elle. Cela contribue à augmenter les violences qu'elles peuvent subir par rapport aux autres femmes qui ne sont pas en situation de handicap."
Le gouvernement préfère l'option moins coûteuse de l'abattement fiscal
Des arguments qui n'arrivent pas à convaincre Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, qui ne souhaite pas que le calcul de l'allocation devienne individuel pour les personnes en couple. "Si on fait cela, nous ne sommes plus dans la politique de redistribution, oppose-t-elle. Il faudra alors aussi le faire pour le RSA et les autres allocations, puisque nos allocations sont basées sur la solidarité entre époux puis la solidarité nationale." Autre motif invoqué par le gouvernement, le financement : l'individualisation du calcul de l'allocation adulte handicapé coûterait selon l'exécutif 20 milliards d'euros. Sophie Cluzel lui préfère un abattement fiscal élargi, cent fois moins coûteux pour l’État.
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