Fin de vie : on vous raconte le combat d'Alain Cocq, malade incurable qui a de nouveau décidé de se laisser mourir
Plus de deux mois après avoir demandé à Emmanuel Macron une "assistance active" pour mourir, cet homme de 57 ans annonce qu'il arrêtera "toute hydratation, alimentation et traitement à compter de lundi 12 octobre à minuit".
Alain Cocq veut de nouveau se laisser mourir. L'homme de 57 ans, atteint d'une maladie orpheline incurable, a annoncé, samedi 10 octobre, qu'il "cessera toute hydratation, alimentation et traitement sauf les antidouleurs" à partir de lundi prochain à minuit. "Je vais aller jusqu'au bout", a-t-il ajouté en référence à sa première tentative avortée, le 5 septembre dernier. Ce jour-là, il avait en effet tenté de diffuser sa mort en direct sur Facebook, mais le réseau social avait censuré sa vidéo. Franceinfo vous en dit plus sur cet infatigable militant de la fin de vie "digne", qui livre son ultime combat.
De quoi souffre Alain Cocq ?
Ce patient est atteint d'une maladie tellement orpheline qu'elle n'a même pas de nom. Elle a été détectée quand il avait 23 ans, lorsqu'il a glissé dans un escalier et s'est déboîté le genou. Les chirurgiens qui l'opèrent découvrent alors qu'aucune goutte de sang ne coule. Alain Cocq apprend qu'il souffre d'une maladie rarissime, par laquelle les parois de ses artères se collent, ce qui entraîne une ischémie (une diminution voire un arrêt de la circulation sanguine dans un tissu ou un organe). Dans le monde, ils n'étaient que trois à souffrir de cette pathologie. Les deux autres personnes sont décédées, il est le seul encore en vie. A l'époque, un professeur de médecine lui annonce qu'il n'a que "15 jours à vivre". Mais le jeune homme décide de "se battre", pour lui, et pour la cause des personnes handicapées. Aujourd'hui, il est cloué au lit par cette maladie très douloureuse, sans espoir d'amélioration.
Quel est son parcours militant ?
Originaire de Dijon (Côte-d'Or), où il vit dans le quartier des Grésilles, Alain Cocq décide, en 1993, de partir de sa ville en fauteuil roulant pour rejoindre la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg. En 1994, il effectue un tour de France, toujours en fauteuil roulant, puis trois tours d'Europe qui l'emmèneront notamment à Bruxelles en 1998 et à l'ONU, à Genève, en 2008.
Mais ce voyage, qui lui a coûté cinq accidents cardiaques et sept cérébraux, sera son dernier. "Le fauteuil, je ne peux plus. Le simple fait de me sortir du lit est à hurler", décrit-il. Alain Cocq est alité depuis plusieurs années. L'année dernière, ce militant dans l'âme, membre du Parti socialiste et de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), s'est tout de même rendu, en lit ambulatoire, à plusieurs manifestations de "gilets jaunes", "la suite logique de [son] combat", explique-t-il à Libération. "Les 'gilets jaunes', ce sont des handicapés sociaux, ce sont des populations qui se retrouvent en situation d'exclusion sociale, des pauvres qui ne peuvent pas se déplacer", développe-t-il dans les colonnes du quotidien.
Que demande-t-il ?
Les souffrances d'Alain Cocq se sont accrues ces dernières années. "Mes intestins et ma vessie se vident dans une poche. Je ne peux pas m'alimenter alors je suis gavé comme une oie, avec un tuyau dans l'estomac", explique le patient, "nourri par sonde ou par compléments alimentaires depuis deux ans", précise Le Monde (article abonnés). "Mon état se dégrade et continue à se dégrader de plus en plus. Je suis à un stade où je n'ai plus de vie. Je regarde le plafond comme un con. Non, ce n'est pas ma vie", décrit-il, amaigri, depuis son lit, à France 2.
Par conséquent, Alain Cocq souhaite qu'on l'aide à mourir. Pour cela, il a envoyé une lettre une lettre à Emmanuel Macron le 20 juillet. Il lui demandait de "l'aider à partir en paix" en autorisant un médecin à lui prescrire un puissant sédatif. Si "la réponse [de l'Elysée] est positive", écrivait-il alors sur Facebook, "le samedi 5 septembre dans l'après-midi, je prendrai en direct mon bonbon, comme je l'appelle, et je m'endormirai d'un sommeil (…) suivi 10 à 30 secondes après de mon décès." Il abordait ensuite l'autre option. "Dans le cas d'un refus, qui sera la réponse fort probable, vendredi 4 septembre au coucher j'arrêterai toute alimentation, toute hydratation, tout traitement, hormis la morphine, et tout soin."
Alain Cocq a obtenu un rendez-vous téléphonique le 25 août avec la conseillère à la santé de la présidence, Anne-Marie Armanteras de Saxce. Ils ont débattu ensemble mais il n'a pas obtenu gain de cause. Dans une lettre datée du jeudi 3 septembre, Emmanuel Macron lui a répondu qu'il n'était pas en mesure "d'accéder à [sa] demande" car il n'était "pas au-dessus des lois". Le chef de l'Etat ajoutait néanmoins : "J'ai entendu les démarches personnelles que vous souhaitez entreprendre aujourd'hui, celles qui consistent à refuser tout acharnement thérapeutique. (…) Avec émotion, je respecte votre démarche."
Pourquoi son euthanasie n'est-elle pas possible légalement ?
La loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie ne s'applique pas au cas d'Alain Cocq. Elle autorise en effet une "sédation profonde et continue jusqu'au décès" mais uniquement si la personne est atteinte d'une maladie incurable et que son pronostic vital est engagé à court terme, ce qui n'est pas le cas ici. "Alain n'est pas en fin de vie", explique ainsi Jean-Luc Romero-Michel, président de l'ADMD, à Libération.
Dans les faits, une fois qu'il aura arrêté de s'alimenter et de s'hydrater, et "'à partir d'une certaine dégradation' de son état, des médecins pourraient considérer qu'Alain Cocq pourrait être éligible à une sédation profonde et continue jusqu'au décès", indique Le Monde.
Afin de "montrer aux Français ce qu'est l'agonie obligée par la loi Leonetti", Alain Cocq diffusera sa fin de vie, dont il estime qu'elle durera "quatre-cinq jours", dès samedi matin au réveil, en direct sur sa page Facebook. Le but de cette action choc ? "Je veux que les gens sachent ce qu'est la fin de vie actuellement en France", a-t-il expliqué à France Inter. "Il y aura la vidéo sans le son, dès que je serai décédé l'image sera tournée. Pour moi, il est hors de question de montrer des images trash, le moment où je m'éteindrai sera une délivrance, le combat continuera après moi", assure Alain Cocq. Mais cette vidéo pourrait être censurée par le réseau social. Dans son règlement, Facebook stipule en effet qu'il est interdit de partager "des images montrant la mort violente d'une ou de plusieurs personnes".
Quels sont les autres cas emblématiques du droit à mourir ?
Médiatiser son droit à mourir n'est pas un procédé inédit. Le premier à l'avoir fait est Vincent Humbert, qui s'était retrouvé tétraplégique, muet et aveugle à l'âge de 19 ans après un accident de voiture, en 2000. Parfaitement lucide, il avait interpellé Jacques Chirac fin 2002, en lui demandant par écrit l'autorisation d'être euthanasié. Devant le refus présidentiel, la mère du jeune homme, Marie Humbert, lui avait fait ingérer une forte dose de barbituriques, le plongeant dans un profond coma qui avait entraîné un arrêt des soins quelques jours plus tard. Mise en examen, elle a finalement bénéficié d'un non-lieu. Le débat qui a suivi cette affaire a abouti à l'adoption de la loi Leonetti en 2005.
En 2008, Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur incurable au visage et "littéralement mangée par la douleur", avait également réclamé à Nicolas Sarkozy le droit d'anticiper sa mort. Elle avait aussi déposé une requête au tribunal de grande instance de Dijon. Sa demande avait été rejetée. En désespoir de cause, elle avait absorbé des barbituriques et s'était éteinte le 19 mars 2008.
En 2017, l'écrivaine Anne Bert, atteinte de la maladie de Charcot, revendiquait à son tour son choix de se faire euthanasier en Belgique. Elle est morte à 59 ans, la même année, après avoir reçu une injection létale dans un service de soins palliatifs belge.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.