Mulhouse : "Je pense que si le médecin régulateur avait eu un doute, il aurait agi différemment"
D'après François Braun, président de Samu-Urgences de France, la patiente morte mi-juin en Alsace après avoir appelé le Samu, avait passé plusieurs minutes au téléphone avec le médecin régulateur.
"On ne peut pas emmener toutes les personnes qui se plaignent de douleurs thoraciques à l'hôpital", a expliqué François Braun, président de Samu-Urgences de France, ce dimanche 29 septembre sur franceinfo, après l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet de Mulhouse à la suite du décès mi-juin d'une femme dont l'employeur avait appelé le Samu pour signaler des douleurs à la poitrine, sans qu'un véhicule ne soit dépêché. Le médecin a assuré que dans le cas de cette femme, "l'acte de régulation médicale a été effectué", et que "si le médecin régulateur avait eu un doute, il aurait probablement agi différemment."
franceinfo : La patiente a-t-elle bien été mise en relation avec un médecin pendant l'appel ? Que lui a-t-il dit ?
François Braun : Lors de cet appel, l'acte de régulation médicale a été effectué. La patiente a été en contact direct avec le médecin régulateur pendant plusieurs minutes, d'après les éléments en ma possession. D'après ces mêmes éléments, l'interrogatoire, la discussion s'est conclue sur un accord entre la patiente et le médecin sur les modalités de prise en charge. Dans les modalités de prise en charge, il y a bien entendu toutes les possibilités depuis le simple conseil, jusqu'à la demande de prendre contact avec son médecin traitant, la possibilité d'envoyer une ambulance ou une équipe de réanimation. Mais ce qui est toujours important dans la régulation médicale, c'est que la décision prise par le médecin est donnée à la patiente qui appelle, et que l'on cherche toujours un accord entre ces décisions et la demande de la patiente. C'est toujours le patient qui décide. On ne peut pas forcer quelqu'un à aller à l'hôpital, c'est tout à fait impossible en dehors de cas très précis dans le cadre de pathologies psychiatriques. C'est bien sûr toujours in fine, le patient qui décide. Nous n'avons pas rappelé cette patiente par la suite. La communication se termine toujours par : "Si vous n'arrivez pas à suivre les conseils que je vous donne ou si il y le moindre problème, vous n'hésitez pas à rappeler le Samu." En l'occurrence, il n'y a pas de rappel de cette personne au Samu. Je pense que si le médecin régulateur avait eu un doute, il aurait probablement agi différemment. L'enquête judiciaire nous en dira un peu plus, avec une expertise d'un expert en régulation médicale.
Le principe de précaution ne s'applique-t-il pas dans ce genre de cas ?
Les douleurs thoraciques sont l'un des motifs les plus fréquents d'appels au Samu. C'est un acte médical qui est difficile, on ne peut pas emmener toutes les personnes qui se plaignent de douleurs thoraciques à l'hôpital, ce serait tout à fait illogique. Il faut arriver à discriminer dans l'appel ce qui semble être le plus grave, ce qui peut témoigner d'une pathologie cardiaque. C'est ce qui fait partie de cet acte médical de régulation. Il faut une certaine logique dans l'ensemble de notre système. On peut emmener toutes les personnes qui le réclament à l'hôpital, mais dans ce cas il ne faut pas se plaindre de la surcharge des services d'urgence. Il faut surtout dans ce cas multiplier par trois la surface et le personnel de nos services. Ce système existe dans d'autres pays, dans lesquels dès qu'on appelle, on est amené immédiatement à l'hôpital. Nous n'avons pas les moyens. Notre système de santé ne peut pas fonctionner comme cela. Nous avons mis en place la régulation médicale il y a déjà une cinquantaine d'années.
Cette régulation médicale a sauvé énormément de vie. C'est en partie grâce à elle que la France est numéro un, en Europe, en matière de morts évitables.
François Braun, président de Samu-Urgences de Franceà franceinfo
Je crois que nous avons un système qui fonctionne, un système qui comme tous systèmes, a des failles. Vous savez, si on emmène trop de gens à l'hôpital, cela risque d'être tellement entassé que l'on risque d'avoir des décès également. Il faut avoir une vision globale et non pas une partie centrée sur une partie du parcours de soins.
On sait que les urgences de Mulhouse sont touchées par un manque d'effectifs. Si ce n'était pas le cas, est-ce qu'une ambulance aurait été envoyée ?
À priori, il n'y aurait pas eu de changement de procédure. Cette procédure n'a rien à voir avec les difficultés en personnel, surtout actuel, aux urgences de Mulhouse, qui sont dans une situation extrêmement critique. Là, c'est une affaire qui date du mois de juin, la situation n'était pas aussi critique au mois de juin.
Même si il y a des difficultés de personnel, si le médecin juge qu'il faut envoyer une équipe, on envoie une équipe.
François Braun
La situation actuelle aux urgences de Mulhouse - je dis bien actuelle car ce n'était pas le cas au mois de juin - est dramatique, avec un service en grande souffrance et en manque de personnel. On arrive à faire tourner le service en travaillant avec d'autres urgentistes de la région qui viennent aider Mulhouse, également en travaillant avec les médecins de l'hôpital qui viennent aider les urgences. Tout est fait pour garder un accueil et une prise en charge de qualité au niveau des urgences de Mulhouse.
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