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États-Unis : des procès incriminent le talc dans le développement de cancers de l'ovaire

Pour la deuxième fois en trois mois, la justice des États-Unis a condamné l’entreprise Johnson & Johnson à verser plusieurs millions de dollars à des utilisateurs de talc ou à leur famille, suite au développement de cancers de l’ovaire imputés à l’utilisation de ce produit.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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Publié Mis à jour
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En octobre 2015, Jacqueline Fox, une sexagénaire résidant en Alabama, est décédée d'un cancer des ovaires diagnostiqué trois ans plus tôt. Le 22 février, la justice du Missouri condamne l’industriel Johnson & Johnson (J&J) à verser à sa famille 77 millions de dollars, lui imputant la responsabilité de ce cancer. Jacqueline Fox utilisait depuis des décennies du talc de cette entreprise pour son hygiène intime. Johnson & Johnson a fait appel de cette décision, alléguant que le lien de cause à effet n’était pas avéré.

Ce 8 mai, les tribunaux du Missouri ont de nouveau condamné la société, à hauteur de 55 millions de dollars, dans un nouveau dossier de cancer des ovaires lié à l’utilisation de talc. Selon l’agence Reuters, un millier d’autres plaintes auraient été déposé contre J&J auprès de cette juridiction, et 200 autres dans le New Jersey [1].

L’industriel affirme de nouveau qu’aucune donnée ne permet de relier ces cancers à l’utilisation de talc. Les avocats des plaignants clament, de leur côté, que Johnson & Johnson dissimule depuis le début des années 1980 les preuves de ce lien. Des documents internes présentés lors du procès achevé en février, datés de 1997, semblent avoir pesé lourd contre J&J. L’innocuité de ses produits à base de talc y est mise en doute par un consultant employé par la société. D’autres documents proposent de réorienter la stratégie marketing de l’entreprise vers des populations moins au fait de la controverse.

Quel est l’état des connaissances scientifiques ?

Les gisements naturels de talc peuvent contenir de l’amiante (cancérigène) [2] mais, depuis les années 1970 en Europe et aux États-Unis, le talc destiné à l’hygiène humaine est systématiquement purifié, et ne contient plus que du minerai de talc pur [3].

De nombreuses études scientifiques ont été menées pour statuer sur l’innocuité du talc pur. Les études sur l’animal aboutissent à des conclusions divergentes, certains chercheurs ne détectant aucun sur-risque de cancer en laboratoire, tandis que d’autres affirment l’existence d’un effet.

Concernant la santé humaine, deux grandes études prospectives (suivi sur plusieurs années de cohortes de population, et comparaison des profils qui ont développé une maladie avec ceux qui sont restés en bonne santé) ont été menées, qui n’ont pas identifié d’augmentation du risque. Sur cette base, la société américaine de cancérologie estime que "si le talc augmente le risque, cette augmentation ne peut être que très faible" [4]. D’autres études, de poids scientifique moins important du fait de certains biais méthodologiques, entretiennent toutefois le doute [5].

Le point de vue de l’OMS, au travers de l’agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC), est plus nuancé. Elle juge en effet que, "se basant sur le manque de données dérivées d’études sur l’homme et sur des données limitées issues de recherches sur l’animal", il n’est pas jusitifé de classer l’inhalation du talc qui ne contient pas d’amiante comme cancérigène. Cependant, "se basant sur des preuves limitées dérivées d’études sur l’homme", l’IARC classifie l’utilisation des poudres d’hygiène en périphérie du périnée comme "cancérigène possible".

 

 

[1] Selon l’agence de presse Reuters, octobre 2013, un tribunal du Dakota du Sud avait jugé que le talc produit par Johnson & Johnson avait contribué au développement du cancer de l’ovaire d’une plaignante, mais n’avait toutefois pas exigé le versement de dommages et intérêts.

[2] En 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait publié des travaux portant sur des enduits incorporant du talc et utilisés en milieu professionnel. Les auteurs y notait que le talc peut contenir, "selon les différents gisements de production dont il est issu, d’autres minéraux fibreux ou non fibreux" que le talc lui-même. "En particulier, il peut contenir des fibres minérales ayant des structures chimiques analogues à celles des six fibres minérales classées comme des fibres d’amiante au sens réglementaire". Elle précisait que "la composition chimique des gisements de talc et la présence, en leur sein (à des concentrations plus ou moins importante) d’autres minéraux et d’autres fibres minérales peuvent varier pour un même gisement". De ce fait, "le niveau de connaissance de la nature minérale et de la composition des différents gisements de talc dans le monde est assez limité", et "seuls certains talcs européens et nord américains ont été bien étudiés". L’Anses jugeait donc qu’on ne pouvait exclure "la présence de fibres d’amiante" dans les talcs utilisés par les professionnels du bâtiment.

[3] A noter qu’en 2009, des médias sud-coréens avaient fait état de la présence d'amiante dans 12 marques de poudres pour bébés commercialisées dans le pays, dont du talc de marque allemande.

[4] Dans une synthèse publiée en avril 2016 dans la revue Gynecologic Oncology, un chercheur canadien jugeait "impossible de dire, au cas par cas, si un cancer ovarien est la conséquence de l’utitlisation du talc".

[5] Il s’agit études "cas-témoins", qui essaient d’identifier rétrospectivement les habitudes d’un groupe de personnes malades (en l’occurrence, atteintes d’un cancer de l’ovaire) et de les comparer aux habitudes de personnes saines de même profil. Il est rarement possible de conclure sur l’existence d’un phénomène sur la base de telles études, puisqu’elles sont basées sur les seuls souvenirs des participants, qui surestiment parfois la fréquence d’habitudes qu’ils estiment a posterio délétères. Selon l'agence britannique de recherche sur le cancer, ces recherches ne montre pas d'augmentation du risque en fonction de la dose de talc utilisée (ou de la fréquence d'utilisation), ce qui plaide plutôt contre l'hypothèse d'un effet cancérogène.

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