Cet article date de plus d'un an.

L'Anses alerte sur l'octocrylène présent dans les crèmes solaires : "Ce n'est pas normal que le ministère de l'Environnement traîne autant", s'insurge un biologiste

L'Agence nationale de sécurité sanitaire a demandé le retrait de l'octocrylène, un filtre UV chimique que l'on retrouve notamment dans certaines crèmes solaires. L'Anses évoque, entre autres, des effets sur l'environnement. "Je trouve assez scandaleux que les autorités ne bougent pas", critique ce vendredi un professeur en biologie.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Certaines crèmes solaires contiennent de l'octocrylène. (JONATHAN KONITZ / MAXPPP)

"C'est assez scandaleux que pour des questions de lobby ou de pression industrielle, on n'ait pas fait évoluer la réglementation beaucoup plus rapidement", s'est insurgé vendredi 7 juillet sur franceinfo Philippe Lebaron, professeur en biologie et biotechnologie marine à Sorbonne Université. L'Agence nationale de sécurité sanitaire a transmis au gouvernement une demande de restriction de l'octocrylène, un filtre UV chimique qu’on retrouve dans de très nombreuses crèmes solaires.

>> INFO FRANCEINFO. Crèmes solaires : l'Anses demande le retrait de l'octocrylène à cause de ses effets sur l'environnement

Cette substance chimique est pointée du doigt pour ses effets sur l’environnement. Plus grave, cette substance se transforme en benzophénone, un composé cancérigène. "La benzophénone est interdite parce qu'on sait qu'elle a des effets sur l'homme et sur les animaux", a-t-elle expliqué. Le biologiste ne comprend pas pourquoi "le ministère de l'Environnement traîne autant".

franceinfo : Où retrouve-t-on de l'octocrylène ?

Philippe Lebaron : On le retrouve heureusement de moins en moins dans les crèmes solaires parce qu'on a montré depuis maintenant plusieurs années que l'octocrylène a des effets dommageables pour l'environnement marin, mais aussi pour l'homme. Mais l'octocrylène, on le retrouve non seulement dans les crèmes solaires, mais aussi dans des shampoings, dans des crèmes anti-âge. On le retrouve dans des vêtements pour stabiliser les couleurs. On le retrouve dans des plastiques. C'est quelque chose qu'on retrouve dans beaucoup de produits qui ne concernent pas que les crèmes solaires.

Quels sont les risques pour l'environnement ?

Les risques sur l'environnement ont été avérés par un grand nombre de publications. L'effet se porte sur toute une série d'organismes allant des végétaux marins, ce qu'on appelle nous les micro-algues marines, en passant par les petits invertébrés, les crustacés et ensuite même sur des poissons et mammifères marins. Tout ça a été montré. L'effet de l'octocrylène sur toute une série d'animaux ou de végétaux marins a été démontré très largement.

Et les risques pour l'Homme ?

Je trouve assez scandaleux que les autorités ne bougent pas. On a publié en avril 2021, avec des collègues américains, une étude qui montre que l'octocrylène se transforme en benzophénone. À un tel point que dans des produits qui ne contiennent pas sur la liste des composants de la benzophénone et qui contiennent de l'octocrylène, on retrouve de la benzophénone. La benzophénone vient de la dégradation de l'octocrylène.

>> En vieillissant, certaines crèmes de jour et crèmes solaires développent un composé cancérigène, alertent des chercheurs

La benzophénone est interdite parce qu’on sait qu'elle a des effets sur l'homme et sur les animaux. On la retrouve dans le lait maternel de femmes qui allaitent. On la retrouve dans l'urine des enfants. Elle est très toxique sur l'ensemble de la faune marine. On sait très, très bien, que cette molécule a des effets négatifs cancérigènes perturbateurs endocriniens chez l'homme. C'est assez scandaleux que pour des questions de lobby ou de pression industrielle, on n'ait pas fait évoluer la réglementation beaucoup plus rapidement.

Vous saluez, bien entendu, cette alerte ?

C'est un peu tard, mais c'est bien que l'Anses ait lancé cette alerte. Mais ce n'est pas normal que le ministère de l'Environnement traîne autant et qu'on demande encore je ne sais quoi. Les démonstrations scientifiques ont largement été faites. Il suffit que n'importe quel organisme d'État habilité à faire des contrôles de produits chimiques analyse en fait des produits qui contiennent l'octocrylène, ils trouveront de la benzophénone. Si on a un doute sur l'octocrylène, on n'a pas de doute sur la benzophénone.

Faut-il se méfier de toutes les crèmes solaires ?

Attention à ne pas faire d'amalgame. Il y a beaucoup de crèmes solaires aujourd'hui qui ne contiennent pas d'octocrylène. Il faut continuer à mettre de la crème solaire. C'est extrêmement important. C'est un enjeu de santé publique pour le problème de cancer de la peau. Il faut que les gens se protègent des radiations UV. Pas qu'à la plage, mais aussi dans la rue quand on est exposé au soleil sur le visage. Il faut continuer à mettre des crèmes solaires. Le consommateur lambda qui va acheter une crème solaire quand il regarde la composition chimique, c'est souvent écrit en très petit. Même nous on s'y perd parfois dans la nomenclature chimique. L'avantage de l'octocrylène, c'est qu'il est écrit en toutes lettres. Si on voit octocrylène, il ne faut pas acheter la crème solaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.