L'héroïne blanche fait son retour sur le marché des stupéfiants
L'héroïne blanche ne représente que 5 % des saisies de drogue en France. Mais même s’il s’agit d’un marché confidentiel, c’est un produit qui se diffuse de plus en plus. "C’est une drogue dont la consommation augmente de manière assez significative depuis quelques années, donc il y a tout lieu d’être extrêmement vigilants et prudents. A une certaine époque, les usagers d’héroïne étaient des personnes qui étaient très désocialisées et on constate aujourd’hui que c’est un produit qui se diffuse de plus en plus notamment chez de nouveaux consommateurs, des jeunes, des consommateurs plutôt festifs, parce qu’il ya des modes de consommations qui sont beaucoup moins invasifs et beaucoup moins stigmatisants que ceux que l’on a pu connaître avant ", explique le commissaire Matthieu Pittaco, de l'office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants.
Une drogue particulièrement dangereuse
Il y a ceux qui veulent tester l’héroïne blanche et puis ceux qui ne connaissent pas vraiment le produit et qui se font berner en achetant une poudre blanche qu’ils pensent être de la cocaïne. "Au visuel, on ne peut pas faire la différence même pour quelqu’un qui s’y connaît parce que les deux sont des poudres allant du blanc au beige. La cocaïne c’est un stimulant, donc on va se sentir très très beau et très fort, au niveau physique et psychique, ça donne une grande assurance. L’héroïne n’a pas une réputation géniale. Une bonne héroïne vous met dans un état très léthargique. On s’endort gentiment et puis à un moment donné on arrête de respirer. C’est un arrête respiratoire, l’overdose d’héroïne ", explique Philippe, ancien consommateur de cocaïne et d’héroïne, aujourdhui modérateur Internet sur un forum de discussion pour toxicomanes.
La disponibilité de l’héroïne blanche peut pousser les dealers à vouloir vendre ce produit a la place de la cocaïne. Et c'est ce qui s’est passé au mois d’octobre et novembre à Amsterdam aux Pays-Bas. Trois jeunes touristes britanniques sont morts d’overdose par ignorance. Le docteur Bertrand Lebeau, médecin addictologie à l’hôpital Saint-Antoine à Paris s’inquiète de ce retour. "D’où elle vient cette héroïne blanche ? Qui la fabrique ? Est-ce que c’est le triangle d’or qui se remet à fabriquer de l’héroïne et a essayé de l’envoyer sur le marché européen ? Est-ce qu’il y a de nouveaux producteurs d’héroïne blanche ? " s’interroge-t-il. "Peut-être qu’il va y avoir un retour de "la blanche". Il y a un peu d’héroïne blanche qui est vendue dans les cités et souvent vendue chère parce qu’elle est très rare. On voit tourner un peu d’héroïne dans les parties privées et dans des clubs comme s’il y avait une volonté de la remettre un peu à la mode ", constate-t-il.
Une drogue qui fait moins peur et qui séduit de nouveaux publics
Aujourd'hui, "se faire un rail" d’héroïne blanche fait moins peur que de s’injecter ce poison dans les veines alors que pourtant le danger est exactement le même. On assiste en fait à une dédramatisation de cette drogue. Résultat, les dealers en proposent dans des régions où il y a encore quelques années elle était introuvable. C’est ce que souligne Agnes Cadet-Taïrou, médecin santé à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. "Habituellement l’héroïne blanche circulait essentiellement dans l’Ouest parisien, un peu en Hauts-de-Seine et dans la région marseillaise et cette année nous avons eu plusieurs échantillons dans le Sud-ouest, en Midi-Pyrénées, en Languedoc-Roussillon, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine ", détaille-t-elle.
Mais ce n’est pas le seul changement. "Le fait qu’à partir de 2013, on voit la pureté de l’héroïne remonter et pratiquement doubler, de 7 % à 13 %, peut effectivement être un risque de voir remonter le niveau des overdoses parce que les usagers peuvent 'tomber' sur des échantillons d’héroïne beaucoup plus pure que ce à quoi ils s’attendent et donc ne pas le supporter ", poursuit la médecin.
Moins élevé que celui de la cocaïne, le prix du gramme d’héroïne est stable en région parisienne. Il s’élève à environ 50 euros, contre 70 euros pour la cocaïne. Son usage est en train de se banaliser et cela touche tous les milieux. En zone rurale, dans les "rave party" ou les fêtes techno, mais aussi en ville, dans des soirées privées dans des catégories plutôt huppées.
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