Covid-19 : l'augmentation des lits de réanimation ne doit pas se faire "au détriment de la qualité des soins", alertent des soignants
Emmanuel Macron a promis des "renforts supplémentaires" en réanimation, pour faire face à l'afflux de malades graves du Covid-19 et passer "dans les prochains jours" à plus de 10 000 lits, contre 7 665 actuellement.
Lors de son allocution mercredi 31 mars, Emmanuel Macron a annoncé vouloir passer "dans les prochains jours" de 7 000 à 10 000 lits de réanimation afin de faire face à l’afflux de malades graves du Covid-19, mais "il ne faut pas que ça soit au détriment de la qualité des soins", a réagi sur franceinfo Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). "On ne peut pas rajouter des lits comme ça à un nombre de personnels fixes", a-t-il expliqué.
"Depuis maintenant un an, il y a en général un quota de patients, notamment en réanimation pour les infirmières et pour les médecins. Il va falloir trouver du sang frais, estime l'infectiologue. Ça ne peut, bien évidemment, pas être des étudiants qui n'ont pas terminé leur cursus et des médecins retraités. On sait qu'on va arriver sur quelque chose de complexe, donc je pense qu'il va falloir d'autres renforts."
"Il va falloir peut-être une meilleure collaboration entre les différents hôpitaux, le privé et le public."
Benjamin Davido, infectiologueà franceinfo
Cependant, cette allocution montre selon Benjamin Davido que les membres du gouvernement "ont pris conscience du niveau de saturation, notamment en réanimation." Maintenant, "il va vraiment falloir qu'on soit dans une politique de l’action parce qu'il ne faut pas uniquement compter sur les lits de réanimation. Il faut vraiment qu'on arrive à réduire les contaminations. Et quand j'entends que le week-end de Pâques est autorisé, je pense que c'est un message extrêmement compliqué", car "ce qui est extrêmement dangereux, ce sont les va-et-vient."
"Notre marge de manœuvre est quasiment nulle"
En Île-de-France, "ça ne me parait pas faisable d’augmenter de 30% le nombre de lits c'est-à-dire de passer de 70 à 100%. Notre marge de manœuvre est quasiment nulle à l'heure actuelle", affirme de son côté sur franceinfo Pr Jean-François Timsit, chef du service réanimation médicale et infectieuse à l'Hôpital Bichat.
"Il nous reste plus qu'à fermer complètement les cliniques privées qui font de la chirurgie programmée pour récupérer un tout petit peu de personnel qualifié, d'infirmiers-anesthésistes et d'anesthésistes pour faire tourner quelques lits de réanimation dans des blocs opératoires fermés. C'est la seule marge de manœuvre qu'on ait. Les étudiants, on les a déjà mobilisés. Les écoles d'infirmières, on les a déjà mobilisés, les écoles de cadres aussi", poursuit-il
"Il n'y aura aucune perspective d'aide des autres départements qui sont tous en train de voir arriver la vague dans la figure et qui n'ont certainement pas envie de passer du personnel et pas les moyens."
Pr Jean-François Timsità franceinfo
Et le service de santé des armées est dorénavant "réduit comme peau de chagrin". D'abord, "il aide déjà et peut-être qu'ils pourront mobiliser quelques hôpitaux de campagne, mais de là à nous sauver la mise en créant 30% de lits supplémentaires, malheureusement, je pense que le service de santé des armées n'est pas capable de faire ça", ajoute le chef du service réanimation médicale et infectieuse à l'Hôpital Bichat.
"On en a tous ras le bol, mais la lumière n'est pas loin. Il faut qu'on fasse nation. Il est important qu'il y ait une vraie cohésion nationale parce que l'espoir est au bout de la vaccination. Il faut convaincre la population que la responsabilité individuelle pour le bénéfice collectif, est très important. Si on arrive à avoir des vaccins, si on vaccine 500 000 personnes par jour, en août, on a 60% de personnes vaccinées et on sort du tunnel", affirme Jean-François Timsit.
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