C'est dans ma tête. Les difficultés du déconfinement des personnes âgées
Les personnes âgées vivent de manière différente le déconfinement. Et le plus souvent, c'est difficile et compliqué, plus que pour les autres tranches d'âge. La psychanalyste Claude Halmos nous explique pourquoi.
Nous arrivons à la fin de notre première semaine de déconfinement. Et il faut remarquer que, s’il n’a été simple à vivre pour personne, il a été sans doute plus compliqué pour les personnes âgées, qui n’ont pas toujours bien supporté qu’on leur demande de se protéger beaucoup plus encore que les plus jeunes ; et qui même, pour certaines, s’y sont opposées.
franceinfo : comment expliquer cette opposition, Claude ?
Claude Halmos : Je pense que cette opposition est fondée sur un malentendu. Un malentendu fondé lui-même sur le fait que les personnes âgées entendent les préconisations des autorités au travers d’un filtre, qui est celui de la place que leur donne notre société, et de l’image qu’elle leur renvoie. Et cela fausse le message.
Vous pouvez nous en dire plus, sur cette place et cette image ?
L’âge est, dans notre société, et notamment dans le monde du travail, un facteur important de stigmatisation des individus. Pour (au moins) trois raisons. La première est liée au fonctionnement de l’économie libérale qui considère toujours, peu ou prou, les individus comme des outils au service de la production. Dans une telle optique, un outil neuf a, évidemment, plus de valeur qu’un vieux.
La seconde tient au fait que l’on garde, des différentes classes d’âge, une vision qui ne correspond plus à ce qu’elles sont : on n’a pas 11 ans (ou 60 ans), aujourd’hui, comme on les avait en 1950. Et tout cela est aggravé - troisième raison - par des facteurs psychologiques.
Quels facteurs psychologiques ?
Le vieillissement est une maladie très contagieuse. Plus contagieuse encore que le Covid-19, puisque personne ne peut y échapper. Chacun, donc, en a peur (une peur amplifiée par l’image donnée des personnes âgées), et s’efforce de montrer que le "vieux", ce n’est pas lui, mais l’autre. Dans les interviews, par exemple, on précise souvent, dès qu’elles ont dépassé 40 ans, l’âge des personnalités, même si, étant donné la nature de leurs activités, cela ne présente aucun intérêt.
Face à cela, les personnes âgées réagissent de deux façons. Soit elles s’identifient à l’image d’elles-mêmes qu’on leur renvoie, renoncent à la vie, et se laissent aller. Soit elles s’y opposent, s’estiment discriminées, et demandent à être évaluées en fonction, non pas de leur âge, mais de leurs compétences. Cela peut les conduire à rejeter systématiquement, même si elle est justifiée, toute préconisation qui met en avant leur âge. Et c’est probablement ce qui se passe aujourd’hui.
Comment s’en sortir ?
Je crois qu’il faut rappeler aux personnes âgées que, si les capacités intellectuelles peuvent malgré l’âge, rester intactes, celles du corps ne le peuvent pas : les danseurs de l’Opéra, par exemple, défendent leur retraite à 40 ans. Et c’est justifié.
Les défenses immunitaires, notamment, diminuent avec l’âge, et rendent plus vulnérable. Il faut donc l’accepter, et par exemple, inventer, avec ses petits-enfants, une vie qui, tout en étant joyeuse et chaleureuse, en tienne compte. Ce qui aura d’ailleurs l’avantage de leur montrer que les adultes sont capables - comme ils leur demandent, à eux, de le faire - de respecter les limites…
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