Surmortalité en France des personnes nées à l’étranger pendant le confinement : “Les épidémies accélèrent les inégalités”, affirme un médecin urgentiste
Jean-François Corty, médecin dans le centre d’hébergement d’urgence (CHU) la Rochefoucauld à Paris, appelle à “plus de médecine, plus d'accès aux soins” pour les personnes précaires.
“Les inégalités se sont majorées pendant cette crise et les données de l'Insee nous le rappellent”, a expliqué, mardi 7 juillet sur franceinfo, Jean-François Corty, médecin dans le centre d’hébergement d’urgence (CHU) la Rochefoucauld à Paris. L’institut national de la statistique et des études économiques vient de publier une étude montrant une surmortalité plus forte en France chez les personnes nées à l’étranger pendant les mois de mars et avril dernier. Selon l’ancien directeur des opérations de Médecins du monde, on "pouvait s’attendre à avoir ce style de résultat" car "on sait depuis longtemps que les épidémies accélèrent ou mettent en lumière les inégalités".Jean-François Corty appelle à “plus de médecine, plus d'accès aux soins” pour les personnes précaires.
franceinfo : Cette étude de l’Insee vous surprend-elle?
Jean-François Corty : Non, parce que malheureusement, on sait depuis longtemps que les épidémies accélèrent ou mettent en lumière les inégalités. Donc on pouvait s'attendre à avoir ce style de résultat. Ce qui est intéressant, c'est que nous avons eu des études aux États-Unis notamment, mais aussi en Suède ou au Canada, qui datent déjà d'avril, et dans lesquelles on voyait déjà dans les déterminants en matière de mortalité en lien avec le Covid, des déterminants de précarité, de classe sociale.
On sait par exemple qu'aux Etats-Unis, la population afro-américaine était plus exposée que les autres aux mortalités.
Jean-François Corty, médecin urgentisteà franceinfo
De la même manière que, par exemple, en Suède, on savait que des migrants, notamment de Somalie, d'Irak ou de Syrie, étaient plus exposés.
Est-ce que le fait d’être né en Afrique ou en Asie est un facteur de risque supplémentaire face au coronavirus ?
Le fait est qu’il y a probablement des déterminants génétiques ou autres qui entrent en jeu. Mais les trois éléments importants qui ressortent de l'enquête, ce sont les questions de conditions de vie dans des endroits où il y avait une forte densité de population et où l’épidémie tapait fort, notamment en Île-de-France en Seine-Saint-Denis.
Pour les personnes vivant dans des logements assez insalubres, le risque d’une infection pulmonaire est plus élevée en raison par exemple de la moisissure.
Jean-François Cortyà franceinfo
Des personnes qui aussi se retrouvaient à plusieurs dans des petits logements, ce qui a été facteur d'accentuation notamment des clusters intrafamiliaux. Donc, il y avait cette dimension du logement très prégnante comme facteur de risque. La question du transport aussi. Pour beaucoup de ces personnes exposées et précaires, qui ont besoin de travailler pour survivre, elles ont été amenées à prendre les transports en commun et donc à s’exposer surtout à un moment où l’accès aux masques et au gel hydroalcoolique n’étaient pas systématiques. Et puis, le troisième niveau, ce sont les métiers d'exposition, comme les soignants ou les livreurs, ces métiers où il fallait être sur le terrain.
Selon vous, cette étude illustre surtout les inégalités en France ?
Les inégalités se sont majorées pendant cette crise et les données de l'Insee nous le rappellent. On sait que lorsqu'on est cadre et qu'on travaille derrière un ordinateur, on a moins de risques que lorsqu'on est ces fameux travailleurs sur le terrain pour faire tourner notre pays.
Lorsqu'on a des difficultés d'accès à la nourriture et de la malbouffe, ça génère des problèmes de santé comme le diabète, l'obésité, qui sont des facteurs de risque.
Jean-François Cortyà franceinfo
Effectivement, cette étude nous rappelle que les inégalités sont très fortes dans notre pays. Ce qui manque dans le papier, et on espère qu'il y aura davantage de données dans le futur, c'est tout ce qui relève de l'accès aux soins, et notamment à l’état de santé de ces personnes. Plus de médecine, plus d'accès aux soins, c'est ça qui va nous permettre de mieux nous préparer et de protéger les précaires pour les prochaines vagues si elles arrivent.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.