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"Il faut se montrer le plus rassurant possible" : les conseils d'un pédopsychiatre pour parler aux enfants du coronavirus

"Il faut se montrer le plus rassurant possible. L'angoisse est vraiment contagieuse et l'angoisse ne protège pas du virus", juge le pédopsychiatre Stéphane Clerget.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un docteur porte un masque de protection durant l'examen médical d'un enfant, dans le Morbihan. (LOIC VENANCE / AFP)

"A vouloir trop expliquer" la crise du coronavirus, "parfois, on suscite des préoccupations" chez les jeunes enfants, a estimé sur franceinfo vendredi 13 mars Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur de "La pédopsy de poche" (Marabout, 2010). La fermeture des écoles "peut faire peur" aux enfants, "si les parents sont angoissés par cela", juge le praticien.

Franceinfo : C'est une situation inédite à cette échelle, cette fermeture des classes, ça peut faire peur aux plus jeunes enfants. Comment faut-il aborder le sujet avec eux ?

Stéphane Clerget : Cela peut faire peur, si, effectivement, les parents sont angoissés par cela. Les plus grands sont plutôt contents de pas aller à l'école. Mais c'est vrai que si l'annonce [aux plus jeunes] est faite avec beaucoup d'angoisse, avec le souci de savoir comment garder les enfants, ils peuvent évidemment être angoissés par cela. Il faut, avec les plus jeunes, aborder le plus sereinement possible. Autant, les ados, on peut leur expliquer les mécanismes, surtout que les ados sont souvent friands de théories du complot. Avec eux, il faut être très rationnel, expliquer même comment cela se passe sur le plan biologique. En revanche, il faut être plus prudent avec les plus jeunes.

Avec les plus jeunes, une fois qu'on leur a donné les consignes d'hygiène pour se protéger, qu'ils sont acteurs de leur protection, il faut se montrer le plus rassurant possible. L'angoisse est vraiment contagieuse et l'angoisse ne protège pas du virus.

Stéphane Clerget, pédopsychiatre

sur franceinfo

Mais faut-il tout leur dire, y compris qu'ils sont potentiellement vecteurs de cette épidémie, qu'ils peuvent contaminer d'autres personnes. Il y a un petit côté culpabilisant là-dedans ?

Il faut leur dire s'ils le demandent. L'idée c'est de leur expliquer qu'il s'agit de protéger un peu tout le monde, les enseignants et les animateurs qui sont dans les écoles. La protection concerne tout le monde. Donc tout le monde doit faire attention à ne pas favoriser la dissémination du virus. En ces termes-là, ils peuvent comprendre. Je ne crois pas qu'ils culpabilisent, surtout à l'égard de leurs parents, de leurs grands-parents. Ils peuvent être inquiets à l'idée de ne pas pouvoir aller les voir, de ne pas pouvoir les embrasser. J'ai vu certains enfants, déjà un peu inquiets pour leurs grands-parents : ils ont peur qu'il arrive quelque chose à leurs grands-parents, plutôt que culpabiliser véritablement.

La situation se présentera malheureusement certainement de grands-parents qui feront partie des victimes de cette épidémie. Il faudra lui redire à cet enfant qu'il n'y est pour rien si l'un de ses grands-parents venait à mourir ?

Le fait que ce soit quelque chose de commun à la France entière, au monde entier, favorisera l'expression chez l'enfant qui, du coup, comprendra que la mort a une "explication". Ce n'est pas quelque chose de trop mystérieux. Un deuil c'est évidemment toujours terrible, mais quand ça se passe en temps de guerre ou en temps de pandémie, l'enfant le comprend mieux. Il ne faut pas commencer à lui dire qu'il n'y est pour rien s'il ne le pense pas, parce qu'il pourrait se dire justement que si lui dit cela c'est qu'il y est pour quelque chose. On l'a vu avec les attentats. On l'a vu aussi avec les "gilets jaunes". À chaque fois, il y a des angoisses nouvelles pour les enfants. Et à vouloir trop en faire, à vouloir trop expliquer, parfois, on suscite des préoccupations, surtout chez les plus jeunes, qui n'étaient pas présentes.

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