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Coronavirus : dans les régimes autoritaires, "il y a un opportunisme" des dirigeants à "exploiter l'occasion pour durcir leur pouvoir", souligne un ancien ambassadeur

Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie, conseiller spécial à l’Institut Montaigne, examine sur franceinfo la manière dont des dirigeants comme Donald Trump, Vladimir Poutine ou Jair Bolsonaro ont géré la crise sanitaire du coronavirus Covid-19.

Article rédigé par franceinfo
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Michel Duclos, le 4 mai 2005, lors du Conseil de sécurité de l'ONU. (STAN HONDA / AFP)

Dans les régimes autoritaires, les dirigeants font preuve "d'opportunisme" en exploitant la crise du coronavirus "pour durcir leur pouvoir", a expliqué samedi 9 mai sur franceinfo Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie, conseiller spécial à l’Institut Montaigne. Citant Donald Trump, Vladimir Poutine ou Jair Bolsonaro, Michel Duclos affirme que chez eux, il y a la volonté de "donner la priorité sur l'économie par rapport à la santé, donc la prospérité plutôt que la vie des gens". Face à la crise du coronavirus Covid-19, ces dirigeants "qui se méfient de l'appareil de l'Etat" sont dans une posture où "on n'écoute pas les experts", ce qui est "néfaste pour lutter contre la pandémie".

franceinfo : Comment les régimes autoritaires gèrent-ils la crise du coronavirus ? Est-ce qu'ils en profitent pour imposer de nouvelles restrictions ?

Oui et non. Il y a des dictatures efficaces, d'autres qui ne sont pas efficaces, de même qu'il y a des démocraties qui ont réussi, d'autres qui n'ont pas réussi. Mais malgré tout, chez les autoritaires, il y a une sorte de schéma qui se dessine, avec d'abord une forme de déni pour commencer, ensuite une exagération dans les mesures de répression. Il y a enfin un opportunisme, c'est-à-dire une volonté d'exploiter l'occasion pour durcir leur pouvoir ou pour étendre l'influence de leur pays à l'étranger. Dans le cas de Poutine, ça a été l'occasion, le 10 mars, de faire une sorte de putsch constitutionnel en obtenant de la Douma le droit de se représenter à deux reprises, alors qu'il avait dit qu'il ne le ferait jamais à l'issue de son mandat actuel en 2024. Donc, il entre subrepticement dans le club des présidents à vie. Dans le cas de Trump, même si on est dans un régime démocratique, à la différence de Poutine, il y a aussi des instincts autoritaires. Il va essayer de mener la bataille en désignant la Chine comme le grand coupable et en accusant son adversaire pour les prochaines élections présidentielles, Joe Biden, d'être prochinois. Un des traits caractéristiques qui réunit les personnages, mais qui réunit aussi Bolsonaro ou d'autres, c'est de donner la priorité sur l'économie par rapport à la santé, donc la prospérité plutôt que la vie des gens. Chez Poutine, cela a été avoué à certains moments, avec la réticence à passer au confinement, parce qu'il fallait quand même que les gens puissent travailler. Chez Trump, c'est aussi avoué. Son grand souci, sa grande préoccupation, c'est que les Américains se remettent au travail de façon à ce que l'économie remonte avant les élections de novembre.

Est-ce qu'il y a aussi une volonté de pratiquer politique de l'autruche dans ces régimes dirigés par des populistes, ce qui complique la gestion de cette pandémie ?

Bolsonaro imite un peu Trump. Mais dans les deux cas, il y a une forme de déni. Et puis il y a un autre aspect caractéristique du pouvoir des populistes, c'est le chaos. C'est-à-dire que ce sont des gens qui se méfient de l'appareil de l'Etat, qui ont été élus parce qu'ils sont antisystème. Et quand on est ici antisystème, on n'écoute pas les experts, on ne veut pas pratiquer les règles que conseillent les scientifiques. C'est ce qui explique beaucoup chez Trump, chez Bolsonaro, ces attitudes qui paraissent complètement illogiques, à contrecourant, et néfastes pour lutter contre la pandémie.

Est-ce qu'on risque, pour certains régimes opportunistes qui profiteraient de cette crise, d'arriver à de nouvelles dictatures ?

On va certainement assister, en tous les cas c'est un point qu'il faut surveiller, à une radicalisation comme on le voit actuellement en Hongrie, où Viktor Orban a acquis de nouveaux pouvoirs et en profite pour liquider ce qui reste de liberté des médias. Mais ça peut s'observer aussi en Inde, une très grande démocratie, où le pouvoir de Narendra Modi (Premier ministre indien) en profite pour accentuer la persécution des musulmans et transformer son régime en ce qu'on appelle une démocratie ethnique, où il y a une majorité qui continue à voter, au détriment des minorités. Aux États-Unis, il y a un phénomène très préoccupant. C'est que maintenant un doute existe sur la légalité ou sur la régularité des élections présidentielles. Si le président refuse le vote par correspondance, alors que tout le monde admet que c'est nécessaire, cela va introduire un élément de doute sur la légitimité des élections.

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