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Coronavirus : des détenus "n'osent plus manger la nourriture" car il y a "potentiellement des risques" de contamination

"La première des mesures, c'est véritablement de stopper la surpopulation", selon l'Observatoire internationale des prisons (OIP), alors que les détenus s'inquiètent de la propagation du coronavirus dans les prisons françaises.

Article rédigé par franceinfo
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Temps de lecture : 3 min
La maison d'arrêt de Villeneuve-les-Maguelones, près de Montpellier, le 26 mars 2020 (illustration). (PASCAL GUYOT / AFP)

"Certains détenus nous disent qu'ils n'osent plus manger la nourriture qui est livrée puisque c'est potentiellement des risques supplémentaires" de contamination, regrette François Bès, le coordinateur du pôle enquête de la section françaises de l'Observatoire internationale des prisons (OIP) jeudi 26 mars sur franceinfo, alors que 15 détenus ont été testés positifs au Covid-19 et que l'inquiétude monte dans les prisons, comme en atteste la plainte de 31 détenus du Sud de la France contre le gouvernement pour "non-assistance à personne en danger".

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franceinfo : Partagez-vous l'inquiétude des détenus qui ont déposé plainte ?

François Bès : Oui tout à fait. Je pense que le plus gros problème est la situation de surpopulation qui existe à l'heure actuelle dans toutes les maisons d'arrêt et qui crée potentiellement des risques extrêmement forts au regard de la promiscuité qui est imposée aux détenus. (…) Il y a de très vieux établissements qui existent en région et même en Île-de-France, et dans ces endroits-là vous avez encore à l'heure actuelle des cellules qui sont des dortoirs multiples avec 6-8 personnes, donc le risque est encore plus grand. (…) Après l'inquiétude qui remonte, on reçoit des dizaines d'appels tous les jours de personnes détenues et de familles, c'est véritablement d'une part l'absence d'information et puis d'autre part le fait qu'ils se sentent vraiment à la merci de ces risques. (…) Et puis il ne faudrait pas oublier la situation des détenus de longue peine [qui] ne bénéficieront pas des mesures annoncées par la ministre de la Justice de remise en liberté. Ils s'inquiètent énormément parce que les mesures de sécurité sont aussi déficientes au niveau des protections et du contact que les détenus peuvent avoir avec les surveillants, qui eux reviennent tous les matins à l'extérieur.

Les mesures annoncées par la ministre ne suffisent donc pas à vos yeux ?

Par exemple, sur les consignes de nettoyage et de désinfection. On a aussi des messages de surveillants pénitentiaires qui nous expliquent qu'ils sont extrêmement inquiets d'une part parce qu'ils manquent encore de protection que ce soit des masques, des gants, et des choses comme ça, et que, les personnes détenues - quand il y a encore des mouvements, comme la promenade, etc - sont confinées et très proches dans des lieux où du coup ça présente un danger. Et puis les poignées de porte ne sont pas forcément nettoyées, désinfectées alors qu'elles sont touchées par pas mal de gens. Et une grosse inquiétude qui remonte également c'est la distribution de la nourriture qui dans certaines prisons est encore faite à la gamelle, qui est touchée par du personnel. Certains détenus nous disent qu'ils n'osent plus manger la nourriture qui est livrée puisque c'est potentiellement des risques supplémentaires.

Faut-il prendre plus de mesures d'hygiène dans les prisons ?

La première des mesures, c'est véritablement de stopper la surpopulation. Mais ça, ça nécessiterait de partir sur une base d'encellulement individuel dans les établissements, ce qui va bien au-delà des mesures annoncées par la ministre qui avance un calcul de 5 000 possibles remises en liberté. On a 70 000 détenus, on a 58 000 cellules en France, donc il faudrait faire un effort complémentaire là-dessus. Et après, bien évidemment, toutes les mesures d'hygiène qui sont nécessaires. La troisième chose je pense, compte tenu du gros mouvement de tension auquel on assiste à l'heure actuelle dans les établissements pénitentiaires, depuis la suppression des activités, des visites de l'extérieur, des parloirs, etc, c'est de développer vraiment au maximum, encore plus que ce qui est fait, les possibilités d'accès au téléphone. Pourquoi ne pas autoriser l'usage du téléphone portable quand on sait que toutes les cellules ne sont pas équipées de téléphone fixe et que dans nombre d'endroits ce sont encore des points-phone qui sont en promenade ou dans les coursives et donc à des endroits où ils sont touchés par pas mal de monde et où il y a potentiellement du danger ? Certains détenus sont privés de tout contact avec leurs proches parce qu'ils n'osent plus sortir en promenade, par exemple, et du coup ils n'ont plus ni parloirs ni téléphone.

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