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Coronavirus : face à une recrudescence de cas, la Guyane appelle à un renfort de soignants

Le nombre de patients atteints du Covid-19 augmente depuis début juin dans le département d'Amérique du Sud, où le nombre de cas positifs a doublé en huit jours. Le scrutin du 28 juin est reporté.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Une équipe de Médecins du monde propose des consultations pendant l'épidémie de Covid-19, à Cayenne (Guyane), le 24 mars 2020. (JODY AMIET / AFP)

Toute la France passe "au vert". Toute, sauf Mayotte et la Guyane. Ces deux départements sont les seuls à rester en zone orange, comme l'a précisé Emmanuel Macron lors de son allocution, dimanche 14 juin, car le Covid-19 y circule encore activement. Le second tour des élections municipales se tiendra toutefois à Mayotte le 28 juin comme prévu, mais il est reporté en Guyane.

Depuis la fin du confinement, le bilan sanitaire s'alourdit chaque jour dans cette collectivité territoriale d'Amérique du Sud qui doit, de surcroît, gérer une épidémie de dengue, un virus transmis par la piqûre d'un moustique.

Selon les chiffres quotidiens publiés par l'Agence régionale de santé (ARS) de Guyane, le nombre de patients atteints du Covid-19 a suivi une courbe ascendante durant la première quinzaine de juin, passant de 18 cas journaliers (le 2 juin) à 94 nouveaux cas journaliers (le 14 juin). Cette période a ainsi vu apparaître près de la moitié des 1 255 cas identifiés dans cette collectivité territoriale depuis le 4 mars. A ce jour, la Guyane déplore également trois décès. 

"La Guyane est entrée en phase 3 de l'épidémie"

Face à l'urgence de la situation, la préfecture a rétabli certaines interdictions émises lors du confinement : aucune cérémonie religieuse n'est autorisée dans les communes touchées par le virus, l'accès aux commerces est limité à une seule personne par foyer, la pratique de sports collectifs est interdite. 

"Au vu des dynamiques épidémiques", le gouvernement a annoncé dans un communiqué, publié lundi 15 juin, "de reporter les élections municipales en Guyane pour toutes les sept communes où un second tour était prévu le 28 juin"La Guyane est passée lundi au stade 3 de l'épidémie, ont annoncé la préfecture et l'Agence régionale de santé.  La Guyane est en effet passée lundi 15 juin au stade 3 de l'épidémie, ont annoncé la préfecture et l'Agence régionale de santé.

Ce territoire français d'Amérique du Sud, frontalier avec le Brésil où l'épidémie explose, compte 1 326 personnes testées positives, 11 patients en réanimation, 59 hospitalisations, 3 décès et 552 patients pouvant être considérés comme guéris. Le nombre de cas positifs a doublé en huit jours.

Certains élus locaux plaidaient déjà pour un éventuel report du scrutin. Ils s'appuyaient sur l'avis d'un comité d'experts médicaux, mis en place par le président de la collectivité territoriale de Guyane, Rodolphe Alexandre, qui préconisait un report, "le territoire [étant] actuellement confronté à la phase ascendante de l'épidémie".

Maintenir ce scrutin (...) serait aussi déraisonnable qu'imprudent, particulièrement en raison de la circulation et des flux de personnes générés par ces rendez-vous électoraux.

Le comité d'experts médicaux guyanais

à l'AFP

Pour les sénatoriales, la question se pose également. Intervenant mercredi 10 juin dans l'Hémicycle, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au second tour des municipales, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a indiqué que les avis étaient "partagés" sur un éventuel report en Guyane. "Aucune décision n'est prise" pour l'instant, a-t-il précisé.

En attendant, toutes les ressources du centre hospitalier de Cayenne sont monopolisées. Ce dernier a même lancé un appel à renfort mardi 9 juin. Pour le directeur de l'Institut Pasteur local, le Dr Mirdad Kazanji, cité par Le Parisien, la population a montré une "baisse de vigilance" avant même la fin du confinement. Mirdad Kazanji rappelle également que la Guyane n'avait "pas connu de première vague", contrairement à l'Hexagone, et qu'elle avait été confinée le 16 mars au stade 1 de l'épidémie, avec moins de 10 cas sur son territoire. Sauf que la fameuse "première vague" est finalement bien arrivée.

Pour expliquer son ampleur, le Dr Mirdad Kazanji rappelle que la Guyane partage une grande partie de ses frontières avec le Brésil, durement touché par la pandémie. Il évoque notamment un foyer infectieux lors d'une "fête à Camopi", commune amérindienne brésilienne de 1 800 habitants située à la frontière, le 15 mai, regroupant près de 400 personnes. Un peu plus au nord, toujours à la frontière mais côté guyanais cette fois, la petite ville de Saint-Georges de l'Oyapock comptait, lui, 247 cas pour 4 220 habitants, lundi 8 juin.

Autre cluster, à la frontière avec le Suriname, la ville de Saint-Laurent-du-Maroni comptait 60 cas cumulés à la date du 9 juin. Enfin, plus de 60 personnes ont aussi été testées positives au Covid-19 à Remire-Montjoly, située à 10 km de Cayenne, dans un quartier peuplé majoritairement d'habitants d'origine brésilienne. Il a été mis en quarantaine par arrêté préfectoral.

Un appel national au renfort 

Anticipant la recrudescence de malades dans les jours à venir, et afin de pouvoir "armer des lits supplémentaires en réanimation", comme l'explique la porte-parole du centre hospitalier André-Rosemon de Cayenne à franceinfo, un appel à candidature a été lancé la semaine dernière. En tout "60 personnes" sont attendues pour prêter main forte. Il s'agit d'infirmiers, mais aussi de techniciens de laboratoire et de manipulateurs radio. Dans l'annonce, l'hôpital précise que le logement et les billets d’avion sont pris en charge pour les soignants qui viennent de la métropole.

Dès le premier jour, nous avons reçu
21 candidatures. C’est un bel élan de solidarité.

La porte-parole du centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne

à franceinfo

La directrice de l'ARS, Clara de Bort, a également accueilli, à l'aéroport de Cayenne, 70 réservistes de la réserve sanitaire. Médecins, infirmiers, aide-soignants et sages-femme sont arrivés de métropole, jeudi 11 juin. "J'ai tenu à faire appel à la réserve sanitaire avant que la limite ne soit atteinte pour envoyer un message très fort aux soignants. Nous sommes avec eux, nous venons les renforcer, il faut tenir", explique la directrice à Guyane 1ere

Une aide précieuse car, dans le même temps, l'épidémie de dengue ou "grippe tropicale" a fait sa réapparition sur le sol guyanais, depuis mai 2019. Les services sanitaires surveillent attentivement la situation car la période d'activité du moustique porteur du virus se situe entre mai et novembre, ce qui correspond à la saison humide en Guyane. La dengue est inscrite au rang des maladies dites "ré-émergentes" par l'OMS, qui estime à 50 millions le nombre de cas annuels. La forme hémorragique de la maladie, qui représente environ 1% des cas de dengue dans le monde, est extrêmement sévère et peut être mortelle dans 2,5% des cas.

A Mayotte, l'évolution semble marquer le pas

Mayotte enregistrait de son côté, lundi 15 mai, 2 310 cas positifs, 42 hospitalisations dont 13 en réanimation, et 29 décès, mais avec une évolution qui semble marquer légèrement le pas (+12 cas en 24 heures).

Dans ce territoire de l'océan Indien, les élus étaient favorables à un maintien du second tour, à l'instar du député LR de Mayotte Mansour Kamardine, qui a estimé qu'un report serait "largement incompris" par la population.

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