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Coronavirus : le pire de l'épidémie est-il derrière nous ?

La levée de la quasi-totalité des restrictions liées au confinement et les indicateurs sur la situation sanitaire laissent entrevoir la fin proche de l'épidémie de Covid-19. Mais plusieurs éléments invitent cependant à la prudence.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Pour Yves Buisson, assister à une disparition de l'épidémie cet été en France n'est pas un doux rêve, à condition de "maintenir les mesures barrières et de détecter efficacement les foyers de contamination qui continueront d'apparaître dans les prochaines semaines".
 (AWA SANE / BAPTISTE BOYER / FRANCEINFO)

"Les nouvelles sont plutôt bonnes." Ces mots, rassurants et teintés d'optimisme, sont ceux du chef du gouvernement. Le Premier ministre Edouard Philippe a présenté, jeudi 28 mai, la deuxième phase du déconfinement et annoncé la levée de nombreuses restrictions dans la quasi-totalité du pays à partir du 2 juin.

Nous sommes là où nous espérions nous trouver à la fin du mois de mai, et même un peu mieux. C'est une bonne nouvelle, mais pas suffisamment bonne pour que tout revienne à la normale.

Edouard Philippe

en conférence de presse

Deux semaines et demie après la fin du confinement imposé à la population pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus, la partie est-elle pour autant gagnée ? Franceinfo a interrogé des spécialistes pour savoir si le pire de l'épidémie de Covid-19 appartenait définitivement au passé.

Des chiffres en baisse sur tout le territoire

"Oui, le pic de l'épidémie est derrière nous, et sa régression est d'ailleurs bien entamée", assure d'emblée l'épidémiologiste Yves Buisson, par ailleurs président du groupe Covid-19 au sein de l'Académie nationale de médecine. Difficile de lui donner tort : qu'il s'agisse du nombre de nouvelles hospitalisations, de nouvelles admissions en réanimation, ou du nombre de décès liés au Sars-CoV-2, tous les indicateurs sur la tension hospitalière publiés quotidiennement par Santé publique France affichent une tendance à la baisse depuis le début du mois d'avril. "Cela ne veut pas dire que le virus ne circule plus, il est encore présent sur tout le territoire, mais sa vitesse de propagation est sous contrôle", a précisé le chef du gouvernement jeudi.

"Cette décrue est d'autant plus notable que le nombre de tests pratiqués en France a grandement augmenté ces dernières semaines", relève de son côté Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale au sein de la faculté de médecine de l'université de Genève (Suisse). Pour expliquer ce reflux de l'épidémie, la directrice de Santé publique France, Geneviève Chêne, invitée de "C à Vous" mardi, a mis en avant "les efforts faits durant le confinement", mais a aussi loué "la capacité des Français à adopter les gestes barrières".  

C'est assez exceptionnel de constater comment, dans une période aussi courte, on a réussi à changer nos organisations et nos comportements pour vivre avec le virus.

Geneviève Chêne

sur France 5

Cet avis est seulement partiellement partagé par Yves Buisson. "Le confinement a permis d'écrêter la courbe de l'épidémie, d'éviter qu'il y ait davantage d'hospitalisations, d'admissions en réanimation, de morts. Mais après avoir être montée plus haut, cette courbe aurait sans doute fini par reculer, même sans le confinement", assure-t-il.

L'espoir d'une "immunité croisée"

Ces derniers jours, une autre hypothèse, qui reste à vérifier, a émergé pour expliquer le recul des contaminations : "l'immunité croisée". Des chercheurs américains ont relevé, dans la revue spécialisée Cell, que 40 à 60% de la population pourrait être immunisée contre le Covid-19 sans même y avoir été exposée. Ces personnes disposeraient d'anticorps grâce à une exposition passée à d'autres coronavirus, responsables de maladies beaucoup plus légères (de banals rhumes, par exemple).

Pour certains chercheurs qui avancent cette théorie, le virus aurait ainsi touché presque tous ceux qu'il était susceptible de contaminer sur notre territoire, et l'épidémie toucherait donc à sa fin. "C'est une théorie intéressante, qui pourrait permettre d'expliquer pourquoi les enfants, souvent touchés par les rhumes, sont moins atteints par le Covid-19", estime Yves Buisson, qui préfère toutefois attendre davantage d'études à ce sujet avant de s'enthousiasmer pour "l'immunité croisée".

Une possible disparition du virus cet été...

Les spécialistes interrogés par franceinfo préfèrent avancer une autre explication : la saisonnalité. "C'est l'hypothèse privilégiée" pour analyser le recul du nouveau coronavirus, commente Antoine Flahault, qui relève une "décrue de l'épidémie dans toutes les zones tempérées de l'hémisphère nord" à mesure que les températures augmentent. En revanche, dans les régions tempérées de l'hémisphère sud qui entrent dans l'hiver austral, comme le sud du Brésil, l'Argentine, le Chili ou l'Afrique du Sud, la "croissance du nombre de cas pourrait marquer le début d'une épidémie hivernale".

Le reflux du Covid-19 durant l'été est "cohérent avec que l'on connaît des autres coronavirus", abonde Yves Buisson, qui rappelle que "la plupart des coronavirus qui provoquent des rhumes sont hivernaux", et que, "dans l'hémisphère nord, l'épidémie de Sras s'est arrêtée en juin 2003".

Pour celui qui coordonne le travail de la cellule Covid-19 de l'Académie de médecine, chargée de conseiller le gouvernement en matière de santé publique, une disparition du virus cet été en France n'est d'ailleurs pas un doux rêve. A condition, toutefois, de "maintenir les mesures barrières, qui doivent être soigneusement observées, et de détecter efficacement les foyers de contamination qui continueront d'apparaître dans les prochaines semaines", prévient-il.

... avant un "probable" retour à l'automne ?

Reste que, si le Sars-CoV-2 est effectivement un coronavirus hivernal, la fin de l'épidémie pendant la période estivale pourrait aussi n'être que temporaire.

Si ce à quoi on assiste actuellement dans l'hémisphère sud correspond bien au début d'une épidémie hivernale, on peut penser que la probabilité d'un retour des contaminations à la saison froide est très élevée.

Antoine Flahault

à franceinfo

Pour le directeur de l'Institut de santé globale au sein de la faculté de médecine de l'université de Genève, qui plaide pour des tests massifs des cas suspects, le traçage des contacts des patients contaminés et la préparation à une éventuelle seconde vague de l'épidémie sont même des "devoirs pour éviter un reconfinement".

"Dans le pire des cas, si 'l'immunité croisée', ou je ne sais quelle autre hypothèse, nous a finalement protégés, nous nous serons préparés pour rien", explique-t-il. Mieux vaut prévenir que guérir, en somme. Antoine Flahault rappelle que les pandémies de grippe espagnole en 1918 et de grippe de Hong Kong en 1968 avaient disparu avant de faire davantage de victimes lors de leur retour après quelques mois. "Quand on songe à ces exemples, on se dit que le pire serait d'attendre sans aucune préparation", conclut-il.

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