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Coronavirus : pourquoi trois semaines de confinement ne suffisent-elles pas à enrayer l'épidémie ?

Si les premières conséquences sanitaires du confinement décrété le 17 mars commencent à se faire sentir, elles sont encore largement insuffisantes pour envisager la sortie.

Article rédigé par franceinfo - Brice Le Borgne, Charlotte Causit
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Habitants applaudissant les soignants à leur balcon, pendant le confinement, à Montreuil. (REMI DECOSTER / HANS LUCAS / AFP)

Il est trop tôt pour crier victoire. "Le déconfinement n'est pas pour demain", a prévenu Edouard Philippe, mardi 7 avril. Si le nombre de nouveaux patients hospitalisés chaque jour tend à baisser, depuis le 3 avril, tout comme le nombre de personnes admises en réanimation, le nombre de décès, lui, ne faiblit pas avec environ 600 morts supplémentaires dans les hôpitaux, lundi 6 comme mardi 7 avril. Le pic épidémique n'est pas passéFranceinfo vous explique pourquoi trois semaines de restriction des déplacements sont insuffisantes pour pouvoir envisager sérieusement un "déconfinement".

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Parce que le virus continue à circuler

Si la période d'incubation du virus dure entre 2 et 14 jours, tous les malades potentiels ne devraient-ils pas l'être après 22 jours de confinement ? Le calcul n'est pas aussi simple, car la période de contagion s'étale durant toute l'incubation et toute la maladie (y compris pour les personnes asymptomatiques), mais aussi parce que tout contact humain n'a pas été rompu avec le confinement, loin de là.

"Les gens ne sont pas confinés seuls, donc il existe des contaminations intrafamiliales, explique la virologue Astrid Vabret. L'un de vous est contaminé et vous contamine à votre tour, au 14e jour de son incubation. Vous pouvez donc être malade plus de 15 jours après."

Dans le cas d'un foyer de trois personnes (A, B et C), on peut imaginer que A a été contaminé la veille du confinement, le 16 mars. Il contamine B au 14e jour d'incubation, soit le 29 mars. B développe alors une forme asymptomatique du virus et, à son 11e jour, contamine C, le dernier membre du foyer, le 8 avril. C développe une forme sévère du virus après une semaine d’incubation et a besoin d'être hospitalisé quelques jours plus tard. Il restera plus d'une quinzaine de jours en réanimation. Rien que dans ce foyer, contaminé avant le confinement, la propagation du virus aura donc duré largement plus de trois semaines, pour prendre fin à la fin du mois d'avril.

En appliquant ce raisonnement à une contagion durant le confinement – pour des personnes obligées de travailler, par exemple, ou qui vont faire leurs courses – on comprend que la durée de circulation du virus est encore plus longue. "Le confinement permet de ralentir la génération de nouveaux cas, mais ça n'annule pas la propagation du virus", souligne Astrid Vabret.

Parce que les hôpitaux sont saturés

Si le nombre de décès semblait ralentir ce week-end, il est reparti à la hausse lundi 6 avril comme mardi 7, avec à chaque fois quelque 600 morts supplémentaires en 24 heures, en milieu hospitalier. Ce pic n'est pas surprenant : après une forte hausse des personnes hospitalisées et placées en réanimation ou soins intensifs, le nombre de décès augmente dans la même proportion, quelques jours ou semaines plus tard. 

Pour estimer l'efficacité du confinement, il faut surtout observer l'évolution de ces hospitalisations et admissions en réanimation. "C'est dans les deux à quatre semaines suivantes que l'on peut voir les effets du confinement, car les formes graves se révèlent à ce moment-là", prévient Samuel Alizon, chercheur au CNRS et spécialiste de l'évolution des maladies infectieuses. Le directeur de la santé Jérôme Salomon prédisait, le 31 mars : "A partir de cette fin de semaine [vers le 4 ou 5 avril], on devrait avoir moins de personnes qui arrivent à l'hôpital, notamment en réanimation."

Les admissions à l'hôpital pour Covid-19 semblent avoir atteint un pic, le 1er avril (au 16e jour de confinement), avec près de 4 000 entrées. Depuis, la tendance est à la baisse (2 700 entrées le 6 avril et 3 200 le lendemain). Il en va de même pour les cas graves, avec un pic à 771 nouvelles admissions en réanimation, le 1er avril, et une tendance à la baisse depuis (478 cas supplémentaires le 6 avril et 518 le lendemain).

Cette courbe, bien qu'encourageante, montre que la question de la saturation de nos hôpitaux n'est pas encore réglée. "Avec le nombre de gens qu'il a contaminé, le coronavirus ne va pas disparaître, mais sa circulation peut être limitée. On peut ralentir sa vitesse de diffusion, et ainsi éviter que tout le monde aille en même temps en réanimation", souligne Astrid Vabret.

Parce que le cas italien incite à patienter 

Depuis le début de cette crise sanitaire, l'Italie compte environ une semaine d'avance sur la France, en termes de situation épidémique comme de stratégie d'endiguement. La Lombardie, région épicentre de l'épidémie, est entrée en confinement une dizaine de jours avant son voisin français. Dans la période qui a suivi, le nombre de nouveaux cas répertoriés quotidiennement par la Protection civile a fortement augmenté. C'est après treize jours de confinement, le 21 mars, que la Lombardie a connu un pic. Le pic des décès, lui, se situe plus tard, au bout de 20 jours de confinement, mais il est impossible de savoir quand le nombre de morts s'approchera de zéro.

Le nombre de personnes en soins intensifs a quant à lui arrêté d'augmenter en Lombardie, après 21 jours de confinement. Au bout de presque un mois de confinement, le 5 avril, la région comptait toutefois encore 1 317 personnes en soins intensifs. Il s'agit là du nombre de personnes présentes dans ces services à date, et non du nombre d'entrées supplémentaires par jour.

En France, dans le Grand Est, l'un des premiers foyers de contamination, la courbe des personnes en soins intensifs est stable depuis le 2 avril et commence même à décroître (950 personnes en réanimation mardi 7 avril). La tendance est en voie de stabilisation en Ile-de-France (2 601 personnes en réanimation mardi 7 avril), autre foyer de l'épidémie. Ce sont des signaux importants en matière de saturation des hôpitaux, mais l'exemple de la Lombardie prouve que l'effet "plateau" peut durer de nombreux jours.

Au niveau national, l'ensemble de l'Italie a été mise sous cloche à partir du 10 mars, soit sept jours avant la France. Il a fallu attendre le 17e jour du confinement pour que le nombre de cas et de décès tende à baisser. Face à cette évolution, le gouvernement italien est en train de préparer son plan de "déconfinement". La date du 16 mai est évoquée, pour entamer une sortie progressive, si l’épidémie ne repart pas à la hausse d’ici là. Une date qui peut donner de premières perspectives de notre côté des Alpes.

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