Covid-19 : comment le protocole sanitaire à l'école s'est révélé un exercice plus compliqué que prévu
Dix jours après la rentrée, les questions restent nombreuses pour les parents d'élèves. Et dans la pratique, les consignes gouvernementales s'avèrent parfois difficiles à suivre.
Des centaines de classes fermées, des dizaines d'établissements avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, des milliers d'élèves confinés... Deux semaines après la rentrée des classes, il ne se passe pas un jour sans qu'une académie ou une ville n'annonce un ou plusieurs cas de Covid-19 dans un établissement scolaire.
Selon les derniers chiffres dévoilés vendredi 11 septembre par Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, 32 écoles (sur un peu plus de 60 000) et 524 classes étaient fermées en fin de semaine passée. Si sur le papier la procédure en cas de suspicion de Covid-19 chez un élève ou du personnel encadrant est relativement simple, la pratique révèle les limites de ces consignes parfois bien délicates à suivre.
Le retour en classe
En théorie. Si un enfant présente des symptômes d'une maladie, quels qu'ils soient (nez qui coule, toux, fièvre, maux de tête, courbatures...), il doit impérativement rester à la maison jusqu'à ce qu'il soit guéri ou être immédiatement isolé – si les symptômes sont observés à l'école –, le temps qu'un parent le récupère et le soumette à une semaine de quarantaine. Si un enfant a eu un contact direct avec un cas confirmé sans mesure de protection efficace – si un parent est testé positif par exemple –, il doit également rester à son domicile et consulter un médecin. Il pourra retrouver son établissement au bout de sept jours.
En pratique. Dans les faits, quand un enfant est malade, les établissements recommandaient jusqu'à maintenant de consulter le médecin traitant et d'établir un test négatif pour pouvoir reprendre les cours avant la fin de la période de quarantaine. La Société française de pédiatrie jugeait début septembre que "tout enfant de plus de 6 ans ou adolescent symptomatique (toux et/ou fièvre et/ou troubles digestifs) doit avoir un test de dépistage avant de revenir en collectivité sauf si un diagnostic d'une autre maladie infectieuse est fait avec certitude". Or, ces recommandations ont inévitablement contribué à créer un embouteillage chez les généralistes, ainsi que dans les laboratoires.
Face à ces difficultés pour les parents comme pour les médecins, et compte tenu de la grande précaution prise par les établissements scolaires, le ministère de l'Education a clarifié le protocole lundi 14 septembre. En cas de test négatif, ou si les symptômes ne sont finalement pas ceux du Covid-19, il n'y a plus besoin de certificat médical, ni même d'écrit du médecin pour revenir à l'école. Une simple attestation sur l'honneur des parents suffira désormais. La règle a été rappelée en interne dans les académies. C'était une demande de l'Ordre national des médecins, qui déplorait vendredi des "pressions" de certains établissements.
La recherche des cas contacts
En théorie. Quand un élève est testé positif au Covid-19, sa famille doit immédiatement prévenir l'école. L'élève ne pourra pas retourner dans son établissement avant le délai indiqué par son médecin. Le directeur de l'école doit ensuite informer l'inspection académique, qui prend contact avec l'Agence régionale de santé (ARS), et élaborer avec le personnel la liste des personnes ayant pu être en contact avec l'élève contaminé et qui devront, en conséquence, rester chez elles pendant une semaine et se faire tester.
Une fois que les cas contacts ont été identifiés, ces derniers reçoivent un courrier expliquant la marche à suivre, tandis que la Caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) prend contact avec eux. L'enquête épidémiologique – l'étude du nombre de cas avérés et de cas contacts, la date de survenue des symptômes, le respect des mesures barrières, etc. – "prend souvent un à deux jours selon la complexité de la situation", explique l'ARS, citée par Le Parisien.
En pratique. Si ce délai est rapide, il apparaît bien long pour les professeurs et les familles qui attendent de savoir s'il existe un risque de contamination après qu'un cas a été détecté dans une classe. "Ce qui est sûr, c'est qu'il va falloir aller plus vite sur le processus", a estimé Anne Souyris, l'adjointe à la maire de Paris en charge de la santé publique, sur BFMTV. "Au niveau des classes, en tout cas à Paris, il y a beaucoup de retard entre le moment où l'on sait que quelqu'un est positif et l'étude du cas. Or le fait d'aller plus vite sur la fermeture [d'une classe] ou sur la décision [de faire tester] tous les enfants, c'est le secret de la réussite pour casser les chaînes épidémiques."
L'enseignant Lucien Marbœuf raconte ainsi sur son blog la procédure qui a conduit à la fermeture de sa classe. Mardi 1er septembre, le jour de la rentrée, un de ses élèves quitte ses camarades après trois heures de cours car un parent a été testé positif. Le jeudi, il apprend que l'élève est asymptomatique mais bien atteint du Covid-19. Le vendredi, il s'interroge : "Si d'autres élèves ont été contaminés, ils jouent depuis trois jours avec leurs copains dans la cour, mangent avec eux à la cantine, ont peut-être croisé leurs grands-parents, etc." L'enseignant est finalement informé le samedi que l'ARS a décidé de fermer sa classe. "Sur les réseaux sociaux, on croise des témoignages de profs qui attendent toujours la fermeture de leur classe après 3 ou 4 jours d'attente", écrit-il.
Les fermetures de classe
En théorie. "A partir de trois cas confirmés dans des classes différentes d'un même niveau", il peut y avoir fermeture du niveau, écrit le ministère de l'Education dans ses recommandations en cas de suspicion ou de confirmation de cas de Covid-19. "A partir de trois cas confirmés dans des classes et niveaux différents", la fermeture de l'école ou de l'établissement est envisagée, selon le ministère. C'est l'ARS qui décide de fermer une classe ou un établissement entier, en étudiant scrupuleusement la possible circulation du virus.
En pratique. Mais l'étude menée par l'ARS prend du temps. Ainsi, "dans certaines académies, le rectorat a indiqué que l'avis de l'ARS entraînait de fait son accord pour fermeture de classe, afin de raccourcir les délais", explique encore Lucien Marbœuf sur son blog. "Quant aux ARS, peut-être le maillon faible de la chaîne (imagine-t-on la surchauffe dans ces agences, en ce moment ?), il semble que certaines, débordées devant le nombre d'élèves positifs, commencent à indiquer çà et là aux écoles de ne pas attendre leur avis et de fermer les classes dès qu'un élève est déclaré positif."
Les témoignages s'accumulent au fil des jours et confirment une gestion au cas par cas de la situation. S'agit-il d'une classe de maternelle, où les enfants ne sont pas ou peu testés en raison de leur âge, ou d'une classe de lycée, dans laquelle les élèves sont masqués ? L'enseignant est-il positif ? Autant de critères qui influencent la décision de l'ARS. De quoi décontenancer les parents d'élèves. A Toulouse, jeudi 10 septembre, certains d'entre eux ont ainsi manifesté. "Là, pour un cas déclaré, on ferme neuf classes, ça paraît complètement disproportionné", explique un parent d'élèves cité par France 3 Occitanie.
La garde des enfants
En théorie. Le gouvernement a annoncé, mercredi 9 septembre, que les parents contraints de garder leurs enfants à cause de l'épidémie de Covid-19 pourraient bénéficier du chômage partiel s'ils étaient dans l'incapacité de télétravailler. Ils devront fournir à leur employeur un certificat attestant que l'établissement de leur enfant est fermé, puis pourront "bénéficier d'un revenu de remplacement dès le premier jour de leur arrêt de travail, et au plus tard jusqu'à la fin de la période d'isolement". Un seul des parents pourra être concerné par ce dispositif.
En pratique. Céline, une maman de Capelle-la-Grande (Nord), citée par La Voix du Nord, raconte ainsi avoir posé deux jours de congés en urgence, pour garder son fils, dont la classe a été brièvement fermée, le temps de déterminer si les écoliers constituaient ou non des cas contacts. "J'avais demandé un arrêt de travail, mais comme je suis apte à travailler, ce n'était pas possible", explique-t-elle. Aude, également interrogée par le quotidien nordiste, dit avoir appris à 9h10 que sa petite fille ne serait pas accueillie en classe de maternelle dix minutes plus tard. Après fermeture de la classe, cette aide-soignante ne se satisfait pas de la proposition de chômage partiel. "On nous propose du chômage partiel pour l'un des deux parents mais ça implique la perte de prime en fin d'année. (...) On ne peut pas se le permettre financièrement", explique-t-elle.
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