Covid-19 : le couvre-feu avancé à 18 heures "n'a aucune conséquence sanitaire", mais "des conséquences négatives sur l'économie et sur le social", dénonce le maire de Cannes
"Autant on comprend un confinement rigoureux qui bloque des chaînes de contamination, autant cette mesure-là est totalement inutile", juge David Lisnard, qui pointe un manque de coordination entre les collectivités et l'État.
Le couvre-feu avancé à 18 heures "n'a aucune conséquence sanitaire", mais "des conséquences négatives sur l'économie et sur le social", a estimé samedi 2 janvier sur franceinfo le maire Les Républicains (LR) de Cannes, David Lisnard. Sa ville est concernée par cette nouvelle mesure, ainsi que tout le département des Alpes-Maritimes.
franceinfo : Vous vous opposez au couvre-feu avancé depuis que la piste est à l'étude, pourquoi ?
David Lisnard : Parce qu'avec le président du conseil départemental, avec le docteur Leonetti et d'autres maires, nous estimons qu'il n'y a pas un seul argument qui plaide en faveur de ce nouvel horaire du couvre-feu. À partir du moment où les restaurants sont déjà fermés, où les lieux de regroupement sont interdits, c'est une mesure qui n'a aucune conséquence sanitaire et qui a revanche des conséquences extrêmement négatives sur l'économie, sur le social, sur la capacité d'aller faire du sport en plein air, etc.
Avant de prendre une décision de restriction des libertés, il faut d'abord démontrer son efficacité. Autant on comprend un confinement rigoureux qui bloque des chaînes de contamination, autant cette mesure-là est totalement inutile. Il n'y a pas un seul argument, hormis le fait que, au contraire, on va regrouper encore plus de monde dans les transports en commun aux mêmes heures, les plages d'ouverture des commerces seront réduites. On va encore plus concentrer la population au détriment de la lutte contre la maladie. Et puis, on ne parle pas de ce qui est nécessaire : le respect des gestes barrières et la vaccination.
Le gouvernement doit composer avec des maires comme vous qui refusent l'idée de ce couvre-feu avancé et d'autres qui, au contraire, le demandaient, comme le maire de Nancy...
Le maire de Nancy dit que nous sommes dans un entre-deux, donc on est dans une mesure inutile. Et les mesures inutiles nuisent toujours aux mesures nécessaires. Je vois une grande défaillance dans ce qui est absolument nécessaire, c'est-à-dire la répression des grands rassemblements et de ceux qui font n'importe quoi, et la mise en place d'une campagne de vaccination structurée, méthodique et pertinente et en quantité suffisante. Il faut absolument protéger les soignants par la vaccination, ça aurait dû être la priorité à notre sens.
Le gouvernement ne compose pas du tout, puisque les élus de tout l'ouest des Alpes-Maritimes, là où le taux d'incidence diminue fortement depuis huit jours, se sont opposés au couvre-feu et demandent des mesures plus rigoureuses contre ceux qui trichent. Il n'en tient absolument pas compte. Donc on voit un gouvernement qui, très souvent, est martial dans les annonces d'interdits inutiles, mais qui est beaucoup plus fébrile dans l'exécution des mesures nécessaires, voire parfois est défaillant sur la vaccination et même impuissant sur l'ordre public.
Est-ce que pour autant, les élus comme vous qui s'opposent au couvre-feu avancé, vont essayer de le faire respecter avec la police municipale ?
On en est légaliste et légitimiste, donc on fera ce que l'on doit faire. Mais vous comprenez bien que je vais demander à ma police municipale de concentrer son action contre ceux qui créent des troubles à l'ordre public, ceux qui font des regroupements dans la rue sans aucune réaction des forces nationales, ceux qui dealent à la vue de tout le monde, plutôt que de se concentrer sur une mesure inutile.
Le porte-parole du gouvernement a annoncé que les zones sous couvre-feu avancées seront prioritaires pour les vaccins, est-ce cela vous satisfait ? Aimeriez-vous que la vaccination aille plus vite dans votre ville ?
C'est une bonne nouvelle. On va observer ça avec beaucoup d'attention. Depuis fin novembre, quand on a commencé à avoir des données sur la vaccination, j'ai réuni le comité local de lutte contre la Covid avec la médecine de ville, l'hôpital de Cannes, les cliniques, les médecins référents des Ehpad, les directeurs pour recueillir le consentement des personnes concernées, proposer des solutions logistiques. Nous avons deux réfrigérateurs aux normes à moins 80 degrés. J'ai fait ces propositions par courrier au préfet et à l'agence régionale de santé pour qu'on soit au plus près, en termes de logistique, des personnes à vacciner.
Toutes ces propositions ne reçoivent pas d'écho parce que l'on voit bien que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'hypercentralisation qui avait conduit aux carences sur le gel hydroalcoolique, puis sur les tests, puis sur les masques, puis sur certains produits dans les hôpitaux, produit les mêmes effets sur la vaccination et la comparaison est assez cruelle, non seulement avec des pays qui ont plus de liberté de commande que nous, mais avec les autres pays européens. Maintenant, il faut être constructif. Je peux vous assurer que ce n'est pas une question manichéenne ou politicienne, il n'y a pas de travail de coordination mené par l'État dans les territoires.
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