Cet article date de plus de quatre ans.

Déconfinement et retour au travail : l'encadrement des entreprises ne doit pas être "tout seul à décider des modalités et à en assumer seul les responsabilités"

Invitée de franceinfo ce lundi, Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict-CGT) estime que le protocole du gouvernement pour le retour dans les entreprises "est flou".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les règles de distanciation sociale affichées à l'entrée d'une entreprise. (REMI DUGNE / MAXPPP)

Le gouvernement vient d'établir les règles de la reprise au sein des entreprises lors du déconfinement. Elles vont devoir s'adapter, ajuster l'environnement de travail des employés, les amener petit à petit à revenir dans leurs locaux à partir du 11 mai. Pour Sophie Binet, la secrétaire générale adjointe de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict-CGT), l'encadrement ne doit pas être "tout seul à décider des modalités" du déconfinement et "à en assumer seul les responsabilités". Elle souhaite notamment que le télétravail soit "régulé" car "au bout de deux mois, ce sont des risques psychosociaux qui explosent".

franceinfo : Quel est votre avis sur le protocole du gouvernement ?

Sophe Binet : Ce protocole démontre à quel point le déconfinement est une épreuve à haut risque pour l'encadrement comme pour les salariés. La première chose, c'est qu'il ne faut pas reproduire les erreurs du confinement pour lequel nous avons des remontées des salariés qui confirment que le triptyque du Premier ministre "protéger, tester et isoler" n'a absolument pas été respecté sur le terrain pour celles et ceux qui ont dû continuer de travailler. Le premier enjeu, c'est l'anticipation, la négociation obligatoire avec les représentants du personnel de façon à avoir une anticipation et un travail négocié. Pas question que la patate chaude soit redonnée à l'encadrement. Ce n'est pas possible que l'encadrement soit tout seul à décider des modalités et à en assumer seul les responsabilités.

Selon vous, cela n'a pas suffisamment été anticipé ?

Non, on n'a pas suffisamment anticipé. Les délais sont très courts, donc il faut avoir une vraie stratégie d'anticipation parce que sinon, nous savons que les risques sont extrêmement importants de voir repartir l'épidémie. Et il faut rendre effectif ce triptyque, "protéger, tester isoler". Dans le protocole du gouvernement, il y a quand même un certain nombre de choses floues. La question des transports n'est pas abordée. Or, on sait que c'est un énorme problème et on sait que pendant le confinement, les employeurs ont été très rares à mettre en place des mesures alternatives sur les transports en commun qui, aujourd'hui, sont déjà saturés. La deuxième chose sur lesquelles le protocole est flou, c'est sur la question des arrêts préventifs systématiques des personnes ayant été en contact de salariés contaminés. Il ne faut bien sûr pas attendre l'avis des brigades, qui vont être mis en place. Il faut que l'employeur prenne immédiatement des mesures de prévention s'il y a la moindre suspicion de contamination. Il faut le faire maintenant impérativement. Et enfin, sur le masque, il y a le comité scientifique qui nous dit que dans les transports, il ne suffit pas d'avoir un masque. Il faut aussi avoir les mesures barrières, des gestes de distanciation. Et il y a le gouvernement qui, dans son protocole, nous dit 'dès lors qu'il y a la distanciation possible, il n'y a pas besoin de masques'. Donc, cette histoire de masque, ça commence à semer le doute sur : est-ce que ce sont de vraies consignes, ou est-ce que ce sont des consignes qui sont là pour gérer la pénurie de stock de masques avec un gouvernement qui n'a pas su régler cette question depuis le début ?

Vous posez également la question du télétravail.

Bien évidemment que par mesure de sécurité, il faut pouvoir prolonger le télétravail des équipes. Mais pas question de le faire dans ces conditions-là. Ce qu'on voit au bout de deux mois, ce sont des risques psychosociaux qui explosent. Et donc, il faut de toute urgence se mettre autour d'une table pour en faire le bilan et réguler ce qui doit l'être et notamment garantir l'application du Code du travail. Aujourd'hui, il y a de très nombreux salariés qui nous disent que leur équipement n'est même pas pris en charge par l'employeur. De très nombreux salariés nous disent qu'il y a des dépassements très importants des horaires, que leur droit à la déconnexion n'est pas garanti. Et puis le dernier point épineux, c'est la question des écoles et la question de la prise en charge des enfants. On voit bien que la rentrée scolaire va être très compliquée, avec des dates échelonnées, des fratries qui ne seront pas forcément prises en charge en même temps. Ou même si notre enfant fait partie des classes d'âge qui seront prises en charge dès le 12 mai, ça sera peut-être à mi-temps. Il faut une règle claire de la part du gouvernement, c'est que tous les salariés qui n'ont pas de prise en charge de leurs enfants aient accès au chômage partiel avec une rémunération à 100% sans perte de salaire, y compris s'ils et elles sont en télétravail. Ça n'est plus possible, ce télétravail en mode dégradé où on est sommé de travailler tout en s'occupant de ses enfants. C'est juste impossible. Ça fait exploser les risques de burnout chez les femmes. Donc, il faut que le gouvernement règle ça en mettant de droit, systématiquement, un accès au chômage partiel à 100% pour toutes celles et ceux qui n'ont pas de prise en charge de leurs enfants, y compris quand ils peuvent être en télétravail.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.