En Inde, des foules énormes sur les routes pour fuir le coronavirus
La mise en oeuvre du confinement face au virus a déclenché une énorme vague migratoire à l’intérieur du pays : des centaines de milliers de travailleurs journaliers cherchent à rentrer chez eux.
Les images, comme souvent en Inde, sont impressionnantes : depuis jeudi 26 mars et l'annonce du confinement, les gares routières et ferroviaires ont été prises d’assaut dans les grandes villes.
Thousands at Anand Vihar ISBT.
— فرقان أمین | furquan ameen (@furquansid) March 28, 2020
A very well+planned #21daysLockdown at play here. We are DOOMED! #coronavirusindia #CoronaLockdown #COVID19 #MigrantsOnTheRoad pic.twitter.com/8H5GhR4GVX
Certains parlent du mouvement de population le plus important dans le pays depuis 1947 et la partition de l’Inde et du Pakistan où des millions de personnes s’étaient alors croisées sur les routes.
Comme il n’y a plus de travail puisque l’économie s’est arrêtée, de nombreux travailleurs journaliers essaient de rentrer dans leurs familles, de revenir dans leur région d’origine, le plus souvent le Bihar et l’Uttar Pradesh, deux provinces pauvres du nord du pays. L’Inde, et son milliard 300 millions d’habitants, compte environ 100 millions de travailleurs migrants, plus que la population française. Dans certaines grandes villes, ces tentatives de départ en masse ont déclenché des débuts d’émeute parce qu’en fait les transports en commun sont à l’arrêt.
hundreds of migrant workers gathered in Payippadu, Kottayam.. They demand travel facilities to home states.. serious situation#21daylockdown #lockdown #Covid_19 #Social_Distancing @manoramanews pic.twitter.com/BgisFiC3tZ
— Nisha Purushothaman (@NishaPurushoth2) March 29, 2020
La province de l’Uttar Pradesh a bien réquisitionné un millier de bus pour permettre à toutes ces personnes de rentrer. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan. Pour la plupart, ces travailleurs migrants ont donc décidé de rentrer à pied, munis d’un simple baluchon avec parfois 500 ou 600 km à parcourir. Et ils marchent comme ça, le long d’autoroutes désormais désertes.
Le risque de la propagation rapide du virus
Le gouvernement indien a donc décidé d’empêcher ces mouvements de population : dimanche 29 mars dans l'après-midi, le gouvernement central du nationaliste hindouiste Narendra Modi a demandé la fermeture de toutes les frontières entre provinces pour que personne ne passe. Pas si simple à mettre en œuvre et pas certain non plus que toutes les provinces obtempèrent. Le but de cette décision, c’est à la fois d’éviter une explosion sociale et aussi d’enrayer la propagation du virus.
Parce qu’évidemment, le risque est très grand de voir le Covid-19 se diffuser dans tout le pays comme une traînée de poudre, à la faveur de ces énormes mouvements de population. À la frontière de certaines régions, on a pu voir des forces de l’ordre asperger les migrants de produit désinfectant avec des lances à incendie. L’image a beaucoup choqué sur les réseaux sociaux en Inde.
Just because they are poor? Nothing can be more shameful than this. #MigrantsOnTheRoad #migrantworkers #migrantlabourers pic.twitter.com/rwRSK9iHUI
— Ikbal Majeed (@IkbalMajed) March 30, 2020
Dix fois moins de lits d'hôpitaux qu'en France
Officiellement, il y a relativement peu de cas jusqu’à présent : 1 071 personnes contaminées et 29 morts, selon le décompte du lundi 30 mars. Mais ce bilan est sans doute très sous-évalué : il est impossible d’opérer un décompte fiable dans un pays comme l’Inde. Et surtout, tout est réuni pour constituer une bombe à retardement. Le confinement a beau avoir été officiellement décrété, il est quasiment impossible à appliquer, en particulier dans les innombrables bidonvilles des grandes métropoles comme Mumbai ou Delhi. Les infrastructures sanitaires sont très insuffisantes : l’Inde compte dix fois moins de lits par habitants que la France, selon les statistiques de l’OCDE. C’est la conséquence d’un investissement public très faible dans la santé. Enfin, les facteurs de risque sont multiples, en particulier la sous-alimentation et la famine, qui pourraient tuer tout autant voire davantage que le virus, si l’activité économique ne reprend pas.
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