Forfait psy pour les enfants : les patients sont là, mais le dispositif n'est pas prêt
Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place de dix séances gratuites chez un psychologue pour les mineurs. Les professionnels sont déjà très sollicités, alors que le dispositif n'est pas prêt.
Dix séances gratuites chez un psychologue, pour les enfants entre 3 et 17 ans, c'est ce qu'avait annoncé le chef de l'État mercredi 14 avril. Un forfait baptisé "100% psy enfant", qui doit répondre à la détresse psychologique de certains enfants depuis le début de la crise sanitaire. Partout en France, les psychologues sont déjà sollicités par les parents. Sauf que rien, pour l'instant, n'a été mis en place pour permettre ces séances gratuites.
Demandées de longue date par les psychologues, ces séances gratuites pour les enfants répondent à une vraie demande. Des parents avaient même déjà entrepris des démarches. "Certains m'ont dit qu'ils allaient demander à leur médecin traitant une prescription médicale, indique Joseph Conton, psychologue à Montpellier. D'autres avaient déjà une ordonnance. Donc je sens déjà les premiers effets de ces annonces."
Un décalage pointé du doigt entre annonces et réalité
Mais le problème, pour ce psychologue héraultais et ses confrères, c'est qu'ils n'ont pas été prévenus en amont du dispositif. Rien n'a été mis en place. "On est au même niveau d'information que nos patients, ce qui est quand même assez aberrant", regrette Matthieu Auriol, qui exerce à Nice. Le psychologue a eu beau chercher dans ses documents, il n'a rien trouvé de plus à dire que ce que ses patients savaient déjà.
"Les parents se tournent vers nous en nous disant 'le président de la République a dit que maintenant vous pouviez faire ça', et en fait on se retrouve à répondre qu'on veut bien, mais on ne sait pas vers qui se tourner."
Matthieu Auriol, psychologueà franceinfo
"Pour certains parents, c'est acquis, confirme Patrick-Ange Raoult. Le président du syndicat national des psychologues se montre agacé de cet "effet d'annonce". "Il y a une certaine déception quand le psychologue leur répond que de son côté, il n'a rien à leur proposer." Selon le professionnel, le gouvernement ne peut pas se comporter de cette manière. "Il y a un décalage très net entre quelque chose qui est dit précipitamment, sans articulation avec la profession" et la réalité du terrain. "Comme si on pouvait claquer des doigts et les psychologues se précipiteraient... ce n'est pas tout à fait comme ça que ça doit fonctionner."
"Un énième dispositif d'urgence"
Pour le chèque psy, qui s'adresse aux étudiants, il a fallu un mois entre les annonces du gouvernement et la mise en place du dispositif. Mais cette fois, pour ce forfait "100% psy enfant", la situation est différente, selon Gladys Mondière, la co-présidente de la fédération des psychologues et de la psychologie. "Aujourd'hui les psychologues ont l'impression qu'on les sollicite de nouveau pour un énième dispositif d'urgence. Alors qu'on travaille depuis l'automne de manière très régulière avec le ministère de la Santé sur cette question. Ce n'est pas sur quoi on travaillait."
Les organisations de psychologues s'opposent au principe de prescription par un médecin. Ils estiment aussi que le tarif proposé par séance, de 30 euros, est trop bas. Contacté, le secrétariat d'État chargé de l'Enfance, qui gère le dossier, explique que le dispositif est encore en train d'être peaufiné et qu'il sera efficace d'ici à la fin du mois prochain.
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