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"Il ne faudrait pas que l'angoisse" des étudiants "finisse par se transformer en colère", met en garde un président d'université

Les jeunes, qui ont fait preuve d'autonomie et de solidarité pendant cette crise, ne méritent pas d'être "un angle mort de nos politiques publiques", s'indigne Éric Carpano, président de l’université Jean Moulin Lyon 3. Il demande la mise en place d'un "plan d'ensemble". "On doit absolument leur offrir un horizon".

Article rédigé par franceinfo
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Le grand amphi de l’université Jean Moulin Lyon 3 pourrait accueillir des étudiants en TD tout en respectant le protocole sanitaire, plaide son président Éric Carpano (photo d'illustration). (MOUILLAUD RICHARD / MAXPPP)

"Il faut aller plus loin", demande Éric Carpano, président de l’université Jean Moulin Lyon 3 alors que le gouvernement autorise que les travaux dirigés (TD) reprennent en demi-groupes pour les étudiants de première année. "On a les moyens de pouvoir aller au-delà des publics de première année", affirme-t-il. Certains étudiants sont dans une grande détresse psychologique alors qu'ils n'ont pas retrouvé les bancs des amphithéâtres depuis plusieurs semaines. "La jeunesse paye vraiment le prix fort de la crise", selon lui. "Il ne faudrait pas que cette angoisse finisse par se transformer en colère", met-il en garde.

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franceinfo : Craignez-vous une année blanche pour les étudiants ?

Éric Carpano : On ne peut pas dire cela, mais en tout cas il est extrêmement important de faire revenir sur site nos étudiants, même par petits groupes. Le gros problème, c'est le lien, perdre le lien c'est ce qu'il y a de plus dramatique pour notre jeunesse et pour nos étudiants. La ministre a annoncé quelques mesures avec le retour progressif pour les étudiants de première année en TD par petits groupes. Je pense qu'on peut aller encore au-delà. Nous sommes une université avec 30 000 étudiants avec un public très large. Ne serait-ce que la faculté de droit, nous avons à peu près 4 000 étudiants en première année. On peut l'organiser. On a les moyens de le faire.

"Nous avons des locaux suffisamment espacés avec en plus des amphithéâtres vides puisque les cours en amphithéâtre ne sont pas autorisés. Donc, on a les moyens de pouvoir aller au-delà des publics de première année."

Éric Carpano, président de l’université Jean Moulin Lyon 3

à franceinfo

Je pense qu'il faut aller plus loin parce que les cours en distanciel sont une souffrance pour les étudiants, mais aussi pour les enseignants.

Comment identifier les étudiants les plus fragilisés par la situation ?

C'est très difficile. Nous avons décidé de reprendre dès lundi dernier avec de petites promotions pour les étudiants qui étaient en décrochage dans des parcours clairement identifiés et qui étaient destinés précisément à soutenir leur réorientation ou leur permettre de faire leur première année en deux années. Là, on avait un public qui était clairement identifiable. Pour le reste, c'est extrêmement difficile de savoir qui est, selon la terminologie officielle, un public vulnérable ou en difficulté. On peut avoir ici ou là des remontées auprès des services sociaux ou auprès des enseignants. Mais on ne peut pas appeler 30 000 étudiants pour savoir comment ils vont. On a une vraie difficulté.

Quelle est la nature de l'accompagnement psychologique des étudiants ?

Dérisoire. La France est très largement sous-dotée en accompagnement psychologique pour les étudiants. Les universités ne sont pas équipées, mais de manière plus générale, la médecine préventive, qui est largement sous-dotées au sein des universités, des établissements d'enseignement supérieur. La jeunesse paye vraiment le prix fort de la crise. On doit absolument lui offrir un horizon, un soutien, la soutenir. Ça ne peut pas être un angle mort de nos politiques publiques. Il faut absolument anticiper aussi l'après. Cette crise chez nos étudiants risque de perdurer après. Il ne faudrait pas que cette angoisse finisse par se transformer en colère.

"Cette jeunesse est motivée et elle est solidaire. Pendant le premier confinement, à Lyon notamment, mais je sais qu'il y a eu d'autres expériences un peu partout en France, cette jeunesse s'est prise en charge par la création d'épiceries solidaires, lorsque les restaurants du Crous étaient fermés."

Éric Carpano

Et cela continue. Aujourd'hui, à Lyon, nous avons une épicerie solidaire qui, malheureusement, a un très grand succès. On voit de plus en plus d'étudiants qui viennent auprès de ces épiceries. C'est un plan d'ensemble qu'il faut mettre en place.

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