Le procès du journaliste Khaled Drareni, symbole de la répression en Algérie
Le pouvoir algérien profite de l’épidémie pour réprimer la contestation qui secouait le pays depuis début 2019. Et ce procès prévu ce mercredi 27 mai est emblématique de cette politique.
Khaled Drareni est donc attendu mercredi 27 mai dans le box de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Alger. Drareni est le correspondant en Algérie de l’ONG Reporters sans frontières et de la chaîne TV5 Monde, par ailleurs directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune. Depuis près de deux mois, il est incarcéré en détention préventive pour avoir "porté atteinte à l’intégrité du territoire national et incité à l’attroupement armé". En réalité, tout indique que Drareni avait simplement fait son travail de journaliste en couvrant une manifestation début mars. Il risque jusqu’à dix ans de prison.
Un autre journaliste, Sofiane Merakchi, a lui été relâché mardi 26 mai au matin, mais après avoir purgé huit mois d’incarcération, simplement pour avoir fourni des images d’une manifestation à une chaîne de télévision libanaise. Il est à nouveau convoqué devant la justice le 4 juin. Depuis le début de l’épidémie, qui a fait 609 morts jusqu’à présent en Algérie, le pouvoir réprime la presse comme jamais auparavant. Plusieurs sites, comme Maghreb Emergent, L’ Avant-garde Algérie, Interlignes ou El Manchar ont été censurés ou contraints à la fermeture. L’Algérie a été rétrogradée à la 146e place dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
L'alibi du virus pour mieux réprimer et censurer
Et le pouvoir algérien a donc choisi de se durcir, avec notamment un nouveau dispositif pénal : fin avril, les députés algériens ont adopté un nouveau code pénal qui criminalise "la diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public et à la sûreté de l’État". En termes concrets, cela veut dire : tout ce qui ne plaît pas au pouvoir. Cela permet au gouvernement de justifier un véritable harcèlement des blogueurs et des médias indépendants. Et de multiplier les arrestations et les condamnations d’opposants : à chaque fois plusieurs mois, voire un an de prison ferme. La ligue algérienne des droits de l’Homme avance désormais le chiffre de 200 détenus d’opinion. Les uns sont accusés d’insulte au chef de l’État, les autres d’atteinte au moral de l’armée, etc. Et la justice est souvent expéditive : citation directe sans avocat. Après le procès de Drareni, prévu demain, une autre audience est très attendue : lundi 1er juin, Karim Tabbou, figure emblématique de la contestation, du Hirak, doit à nouveau comparaître, alors qu’il a déjà écopé d’un an de prison ferme. Bref, le pouvoir algérien se raidit, loin des espoirs d’assouplissement né lors de l’élection du président Tebboune fin 2019.
Des manifestations de retour malgré les interdictions
Mais la contestation n’a pas dit son dernier mot, elle est même en train de repartir. Elle a d’abord été mise sous l’éteignoir par le confinement et l’impossibilité des rassemblements. Mais ces derniers jours, le Hirak pointe à nouveau le bout de son nez. Plusieurs cortèges ont bravé les interdictions de manifester. Le dernier en date à Kheratta, près de Bejaia le lundi 26 mai ; avant, dimanche 25 mai, pour la fin du Ramadan, c’était à Sétif, Boumerdes et Tizi Ouzou. Et la mobilisation des opposants reste forte sur les réseaux sociaux. Bref, le Hirak est toujours là. Et dans une Algérie où la crise économique s’accroît avec la chute du baril de pétrole, le pouvoir aura du mal à contenir la colère.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.