"On est dans le brouillard total" : l'incertitude des commerçants cannois face à l'indécision du Festival de Cannes
La plus prestigieuse manifestation cinématographique au monde cherche une nouvelle formule, en pleine épidémie de coronavirus. Les commerçants eux, restent dans le flou, et s'inquiètent d'une catastrophe économique.
"Ce qui marche toujours très très fort, ce sont les pivoines", nous montre Sander Smids, fleuriste à Cannes depuis 35 ans. En temps normal, il effectue des livraisons pour les hôtels, pleins à craquer pour le Festival de Cannes. Mais cette année, "ça ne va pas se faire", répond-il. Selon lui, "beaucoup d'Américains ne vont pas venir non plus", même si le festival cherche la parade pour éviter à tout prix une annulation pure et simple, qui serait très préjudiciable à toute la filière cinéma.
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Aux oubliettes les bouquets à plusieurs centaines d’euros, les décorations de salles, de soirées, si lucratives pendant le festival du film : "On est dans le brouillard total. Comme à Londres, on ne voit rien, on ne voit rien. C'est un film d'horreur."
Des hôteliers sans la moindre réservation
Sauf que c’est bien la triste réalité. Jean-Michel Truchot est directeur d’un petit hôtel dans le centre de Cannes. "Aujourd'hui on est à zéro", constate-t-il, regardant avec dépit son tableau de réservation "tout vierge, complètement vierge". La manifestation attire chaque année 40 000 professionnels et 200 000 spectateurs. Sans le festival de Cannes, c’est 12% de son chiffre d’affaires qui s’envolent. La solution la moins pire, pour lui, "ce serait de le reporter au mois d'octobre. Pour nous, ce serait bien parce qu'on ne perdrait pas de chiffre d'affaires pour cette année."
On est au début du tunnel, et on ne sait pas quand on va en sortir, c'est ça qui est très inquiétant.
Jean-Michel Truchot, hôtelierà franceinfo
Face aux contraintes posées par l'épidémie de coronavirus, les organisateurs avaient dans un premier temps envisagé de reporter l'événement à la fin juin, jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron annonce qu'aucun festival ne pourrait se tenir avant mi-juillet. Mais Jean-Michel ne croit pas beaucoup à un nouveau report. "Moi je pense qu'il va être annulé, ce festival de films", admet-il. "Heureusement que nous sommes en France et qu'on a des aides parce que je ne sais pas comment on pourrait faire."
"On ne sait rien de rien"
L’incertitude, face à l’avenir, c’est effectivement ce qui pèse le plus sur ces commerçants. "On ne sait rien de rien", lâche Alain Lahouti, président de l’Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie du bassin cannois. Son téléphone n’arrête pas de sonner. Il tente comme il peut de renseigner ses confères. "De ne pas savoir déjà s'il aura lieu ou pas, et s'il aura lieu, sous quelle forme ? C'est beaucoup de questionnements, mais bien heureux celui qui sait, ne serait-ce que ce qui va se passer dans trois jours", affirme-t-il.
Cet enjeu du festival de Cannes s’ajoute à la fermeture actuelle des bars et restaurants. D’autres très grands salons dans la ville ont déjà aussi été annulés. Cédric Moreaux gère une société de transport avec chauffeurs. Il fait travailler 200 personnes pendant la traditionnelle quinzaine du cinéma, et conduit des stars et des grandes fortunes. Un report, "ce serait bien mais ça ne sera pas pareil", avoue-t-il.
Le festival, c'est Noël, mais cette année, on se satisfera de petits cadeaux s'il est reporté.
Cédric Moreaux, gérant d'une société de chauffeursà franceinfo
Sans le Festival de Cannes, c’est un tiers de son chiffre d’affaires en moins : "Il va falloir tourner la page. Courage à tout le monde, on fera une autre année 2021, mieux préparés, on sera plus reposés en fin de compte !" Comme Cédric, de nombreux commerçants cannois ont en réalité déjà fait une croix sur la saison entière.
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