Cet article date de plus de quatre ans.

Retards de paiement entre entreprises : la situation “s'améliore”, “on n'en est plus au même niveau de difficultés qu'il y a deux mois”, selon le médiateur national des entreprises

"Le nombre de médiations reste très élevé", indique néanmoins Pierre Pelouzet, le médiateur national des entreprises, invité mercredi 10 juin sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Pierre Pelouzet, le médiateur national des entreprises, le 2 février 2008 à Paris. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Alors que les retards de paiement entre entreprises ont fortement augmenté ces deux derniers mois en raison de la crise liée au coronavirus, la situation “s'améliore”, a assuré mercredi 10 juin sur franceinfo Pierre Pelouzet, le médiateur national des entreprises. “On n'en est plus au même niveau de difficultés qu'il y a deux mois”, a-t-il estimé, mais tout n'est pas rentré dans l'ordre : le nombre d'entreprises en difficulté qui ont demandé une médiation reste “élevé”.

franceinfo : Vous avez poussé un cri d'alarme il y a quelques semaines, en pleine crise du coronavirus. Certaines entreprises mettaient leurs fournisseurs en danger, en ne les payant pas. Est-ce que ces problèmes sont réglés ?

Oui, effectivement, j'ai poussé un cri d'alarme parce que nous avons vu arriver des centaines et des centaines de sollicitations. Mon rôle, c'est de rapprocher les entreprises, faire en sorte qu'elles se parlent, qu'elles trouvent des solutions, qu'elles recréent un lien de confiance. En temps normal, nous avons une soixantaine de sollicitations par semaine. Au début de la crise, au mois de mars, nous en étions entre 500 et 600 par semaine. Il y a eu une tension énorme entre les entreprises avec un sujet numéro un : les retards de paiement. Nous avons mis en place énormément de choses, beaucoup de médiations, beaucoup de médiateurs qui ont aidé, même un comité de crise, tout ça pour ramener dans le droit chemin ces entreprises, surtout les grandes et les entreprises structurantes qui payaient mal. Le constat aujourd'hui, c'est que ça s'améliore. Les derniers chiffres que nous avons montrent que ça ralentit. On n'en est plus au même rythme, au même niveau de difficultés qu'il y a deux mois. Malgré tout, on est encore sur un rythme élevé. Le nombre de médiations reste très élevé.

Les chiffres que nous avons montrent que tout n'est pas complètement rentré dans l'ordre et surtout, tout cela est lié à un ralentissement de l'économie.

Pierre Pelouzet, médiateur national des entreprises

sur franceinfo

Et la crainte, c'est que dès que ça reprend, ces retards de paiement, ces ruptures de contrats, ces difficultés reprennent de la même manière. Donc oui, le cri d'alerte était justifié. On a réussi à ramener à la normale pas mal d'entreprises et de comportements. Mais restons extrêmement vigilants parce qu'on est loin d'être sorti des difficultés.

Quels sont les chiffres aujourd'hui ?

En temps normal, sur les retards de paiement, on est malheureusement déjà à dix jours de retard en moyenne. On a vu ce chiffre, au coeur de la crise, multiplié par dix. On a vu des retards considérables, ponctuels, pendant le pic de la crise. C'est redescendu et on est quasiment au niveau de la normale, même si la normale n'est pas satisfaisante. La normale, ça reste dix jours de retard et dix jours de retard, c'est des milliards d'euros qui devraient être dans les caisses des PME, des TPE et des artisans et qui restent dans les caisses des grands comptes publics ou privés. Donc, on revient à la normale, mais en termes de médiation, on n'est pas revenu à la normale pour le coup, puisqu'on est toujours à x4 ou x5 dans le nombre de saisines que nous avons. La tension est toujours là. Les chiffres s'améliorent, mais l'effort reste considérable. Il faut tous qu'on se serre les coudes. S'il y a un moment où il faut bien payer ses fournisseurs, voire les payer plus tôt, c'est bien maintenant.

Qui sont les mauvais élèves ?

On les trouve partout. Je ne pourrais pas dire qu'il y a une catégorie spécifique de mauvais élèves. On en a trouvé dans tous les secteurs de l'économie. Il y a des comportements presque individuels sur lesquels il faut agir, ça peut être un directeur financier, par exemple. Et puis il y a aussi des comportements d'entreprises. Et là, nous avons pu intervenir au plus haut niveau grâce à ce comité de crise. Nous avons appelé des présidents, des directeurs financiers, des directeurs achats. Toutes les entreprises envers lesquelles on est intervenus aujourd'hui ont amélioré leurs comportements. On espère que ça va continuer. On va les suivre. Bien entendu, ce comité de crise va rester vigilant dans les semaines et les mois qui viennent.

Il y a aussi toutes les entreprises qui se comportent bien ou mieux avec leurs fournisseurs. Et vous avez décidé de publier leurs noms. De qui s'agit-il ?

Oui, tout à fait. Parce qu'autant il y a des entreprises qui ne se comportent pas bien, autant on veut aussi montrer l'exemple. Et il y a ces entreprises qu'on a identifiées sur un critère simple. Ce sont des entreprises qui se sont engagées, et qui l'ont mis en œuvre, à payer plus tôt, plus vite, leurs petits fournisseurs. Et ça va être la clé de cette reprise. Parce que là, tout ce tissu de PME, TPE, artisans redémarre après la période de confinement, avec une trésorerie quasiment à zéro. Donc ils vont avoir besoin d'argent tout de suite. Il y a 16 entreprises dont on a décidé de publier le nom, je ne vais pas toutes les citer : ça couvre tous les secteurs, de l'automobile avec Michelin, du luxe avec L'Oréal, la téléphonie avec Bouygues Telecom, Orange, Free... On a des entreprises de tous secteurs qui ont prouvé que c'était possible. Payer plus tôt ses fournisseurs, les payer à 10 jours, 15 jours, 20 jours au lieu de 60 jours, c'est possible pour elles, donc ça doit être possible pour toutes et ça donne une bouffée d'oxygène extraordinaire et extraordinairement utile maintenant pour ces petites entreprises qui reprennent avec une trésorerie à zéro.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.