"Si les enfants n'ont rien le droit de faire, ça ne vaut pas le coup" : quel protocole sanitaire pour les colonies de vacances ?
Les colonies de vacances pourront rouvrir dès le 22 juin, a annoncé le Premier ministre. Mais dans quelles conditions ?
"C’est déjà une très bonne nouvelle, c’est un feu vert qu’on attendait depuis longtemps", se réjouit auprès de franceinfo vendredi 29 mai Sabine Bonnaud, la déléguée générale de l’Unosel (l'union nationale des organisations de séjours éducatifs, linguistiques et formation en langues). Dans son discours sur la deuxième phase du déconfinement jeudi 28 mai, le Premier ministre a effectivement affirmé que les colonies de vacances pourraient rouvrir à partir du 22 juin prochain.
Voilà pour l’annonce, mais pour le détail, il faut attendre encore : "De manière très concrète, les organismes sont dans l’expectative car on n’a pas eu connaissance du protocole sanitaire", décrit Sabine Bonnaud. Le gouvernement a donné rendez-vous aux professionnels en début de semaine prochaine.
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"On attend vraiment ces documents-là avec beaucoup d'impatience, car les échéances approchent à grand pas, les colonies commençant en général fin juin ou début juillet. Il y a très peu de temps pour que les organismes s’organisent", précise la représentante de l’Unosel. Car au-delà de la bonne nouvelle de la réouverture le 22 juin, les inquiétudes sont nombreuses. Comment mettre en place des séjours avec de nouvelles règles (encore inconnues), dans un délai si court ?
Je ne vous cache pas que c’est très compliqué. La nouvelle est prise avec pas mal de prudence.
Sabine Bonnaud, déléguée générale de l’Unoselà franceinfo
"La plupart de nos organismes travaillent avec des comités d’entreprises, des collectivités locales et beaucoup se sont retirées. Il reste principalement les inscriptions individuelles, gelées depuis le mois de mars, explique Sabine Bonnaud. Donc concrètement, ça va être compliqué pour les organisateurs de monter des colonies rentables dans ce délai très court, tout en mettant un œuvre un protocole."
Les enfants testés avant le début du séjour ?
Parmi les pistes pour organiser des colonies de vacances en toute sécurité, il y a notamment l’idée de tester chaque enfant avant le début du séjour. C’est l’une des mesures évoquées par l’Unosel, dans une proposition de protocole envoyée au gouvernement il y a plusieurs semaines. "On considérerait ensuite la colonie comme une bulle confinée, dans laquelle les enfants pourraient évoluer sans masque, sans distanciation au sein même de la colonie, décrit Sabine Bonnaud. On ne remettrait en place les mesures de type geste barrière que si les enfants étaient amenés à sortir, ou si quelqu'un de l'extérieur devait entrer. Avec un suivi bien-sûr quotidien, et une exclusion ou une fermeture si besoin en cas de suspicion de cas de Covid-19." Ce n’est pour l’heure qu’une proposition des professionnels, sans validation du gouvernement.
Parmi les autres pistes, il y a la prise de température matin et soir. "On irait vers le port du masque sur la partie transport et sur toute la partie extérieure à la colonie (balade en ville, pour se rendre à une activité ou un spectacle), le port du masque serait préconisé, complète Olivier Ducelier, président de Viva, un organisme de colonie. On va aller vers un niveau d’hygiène, de lavage des mains plus récurrent, plus précis. Le temps passé à l’hygiène sera plus prégnant."
Sur l’installation des chambres, il est évident qu’on va diminuer de manière importante les capacités d’accueil. Il est probable qu’on nous interdise de mettre plusieurs enfants sur des lits superposés.
Olivier Ducelier, président de Vivaà franceinfo
Le ménage serait évidemment accru, avec désinfection régulière des interrupteurs et des poignées de porte. "C’est quelque chose qu’on faisait quand il y avait des cas de gastro, explique Olivier Ducelier. Mais là on pourrait le faire une ou plusieurs fois par jour. On va aussi très probablement limiter les camps sous toile (tipi, lodge). Les sports collectifs on ne voit pas comment ça pourrait reprendre. On parle de groupes d’activités à 10 maximum..." Quid donc des grands jeux, emblématiques des colonies de vacances ?
Dans ces conditions, le président de Viva n’est pas sûr du tout d’ouvrir ses séjours cet été. De par leur organisation, les colonies de vacances devraient respecter le protocole sanitaire des restaurants, le protocole des hôtels, le protocole des transports, le protocole des fédérations sportives, le protocole de la culture, de l’école...
Ouvrir les colos avec un protocole trop contraignant, c’est amener les jeunes vers un espoir qui sera une frustration terrible, et qui du coup sera difficile à gérer je pense.
Olivier Ducelier, président de Vivaà franceinfo
"À l’heure qu’il est, je n’en sais rien... Le problème de la colo, c’est que le collectif est son ADN. Si les enfants n’ont rien leur droit de faire, ça ne vaut pas le coup, estime le président de Viva. Vu les derniers mois, les enfants ont besoin de sortir, de s’éclater."
Ne pas oublier la "sécurité affective" des enfants
Pas question effectivement pour les professionnels de reproduire le protocole sanitaire sur ce qui se fait aujourd’hui dans les écoles : "La priorité des organismes, c’est de garantir la sécurité affective des enfants, au-delà de la sécurité sanitaire évidemment, explique Sabine Bonnaud, la représentante de l’Unosel. Ce dont les organisateurs ont peur, c’est que ce soit un protocole calqué sur celui des écoles, avec la distanciation physique. Ce ne serait pas possible d’organiser des colonies dans ces conditions."
Concrètement, si le protocole est le même, certains organisateurs annuleront purement et simplement leurs offres d’été. C’est le cas d’Aquarelle, un autre organisme de colonies de vacances, qui reçoit habituellement 1 200 enfants. Il y a deux semaines déjà, ses dirigeants ont décidé de fermer tous leurs séjours estivaux. "On n’avait aucune info du gouvernement, ce n’était pas leur préoccupation. Il y a des questions qui restent sans réponse : comment par exemple gérer en cas de Covid-19 dans le centre de vacances ?", explique le président, Hervé Michel. Notre assureur, Europe assistance, nous a écrit noir sur blanc qu’il refusait de prendre en charge des rapatriements sanitaires d’adultes ou d’enfants. C’est impossible à gérer pour nous."
Que se passerait-t-il si un directeur ou une directrice est atteint du Covid, qu’il faut remplacer dans l’urgence ? Une quatorzaine sera-t-elle mise en place ?
Hervé Michel, président d'Aquarelleà franceinfo
Le professionnel ne souhaite prendre aucun risque : "Personnellement, en tant que responsable d’un organisme, je ne souhaitais pas être le vecteur qui relancerait cette pandémie qui a l’air de s’atténuer. C'est pour moi prématuré de remettre les enfants en colonies de vacances telles qu’on les conçoit, estime Hervé Michel. D’autant que tous nos enfants quasiment viennent d’Île-de-France, encore en zone orange. Tous nos séjours sont en zone verte. Je me voyais mal envoyer des enfants, peut-être vecteurs du Covid, contaminer les gens qui nous accueillent. Il y a encore trop de choses en suspens. En temps normal, ça prend trois ou quatre mois de préparer nos séjours d’été. On n’est pas des amateurs, on ne peut pas faire les choses au dernier moment."
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