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Six questions sur les traces de coronavirus détectées dans l'eau non potable à Paris

Des traces infimes de coronavirus ont été découvertes dans le réseau d'eau non potable parisien, dimanche. La mairie de Paris assure qu'il n'y a aucun risque pour l'eau potable.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Le canal de l'Ourcq à Paris, le 28 février 2020. (MANUEL COHEN / AFP)

Le coronavirus peut-il se répandre dans l'eau ? C'est une crainte soulevée par la présence de traces de Sars-CoV-2 dans le réseau d'eau non potable de la ville. Annoncés dimanche 19 avril par la mairie de Paris, ces résultats posent plusieurs questions. La Ville a immédiatement suspendu l'usage du réseau d'eau non potable et assure que le réseau d'eau potable n'est pas touché.

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Comment ces traces ont-elles été découvertes ? Y a-t-il un risque pour la santé ? Eléments de réponse.

1Comment ces traces ont-elles été repérées ?

Les traces de Sars-CoV-2 ont été détectées par le laboratoire d'Eau de Paris. "Dans un contexte de crise sanitaire, nous avons renforcé notre programme de surveillance sur l'eau potable et l'eau non potable", précise à franceinfo Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris chargée des questions environnementales et présidente du conseil d'administration d'Eau de Paris. Les premiers résultats d'infection ont été trouvés en fin de semaine dernière.

Des microparticules ont été repérées sur quatre des 27 points de prélèvements habituellement testés, de façon aléatoire, aux bouches d'approvisionnement des camions de nettoyage des rues de Paris. "On a pu trouver et confirmer la faible trace de génome viral (...). On a trouvé 1 000 petits bouts de génome de virus par litre d'eau non potable, ce qui est 3 000 à 5 000 fois inférieur aux concentrations dans les eaux usées brutes", détaille Laurent Moulin, microbiologiste au laboratoire de recherche et développement d'Eau de Paris, auprès de BFMTV.

"On est à la limite des points de détection", tempère le microbiologiste. La présence du virus étant "infinitésimale", l'eau non potable pourrait continuer à être utilisée, tant qu'il n'y a pas d'aérosolisation (dispersion en particules très fines), explique encore Laurent Moulin au Parisien. Ces mesures ont été relevées au-delà des suivis classiques, "si nous n'avions pas regardé, nous n'aurions pas trouvé", ajoute Emmanuel Grégoire, premier adjoint d'Anne Hidalgo.

2Quelle est l'origine de ces traces ?

"L'origine est tout à fait naturelle. Comme à chaque épidémie, de grippe ou de gastro-entérite, on retrouve des traces de virus dans les eaux des toilettes, car le virus se trouve dans les matières fécales", reprend Célia Blauel. Ces traces sont ensuite largement détruites dans les stations d'épuration, mais cette eau non potable peut tout de même se retrouver dans le milieu naturel, la Seine ou le canal de l'Ourcq. "C'est le cas pour chaque épidémie, c'est pour ça qu'on dit qu'il ne faut pas se baigner dans les fleuves lors des grosses épidémies de gastro-entérite, par exemple", étaye l'adjointe à la mairie de Paris. Aucune raison que le coronavirus échappe à la règle.

3A quoi sert l'eau non potable ?

L'eau non potable est utilisée par les services de la Ville de Paris pour nettoyer les rues, arroser certains parcs et jardins. Elle permet également de faire fonctionner les lacs et cascades des parcs et des bois. "Certaines fontaines ornementales dans des parcs ou jardins actuellement fermés au public [en raison du confinement]", utilisent également ce réseau d'eau, précise la mairie. Il s'agit de fontaines décoratives, dont l'eau n'a pas vocation a être bue.

Le réseau d'eau non potable de la Ville provient de la Seine et du canal de l'Ourcq, au nord-est de Paris. Cette eau est dite "brute", car elle est acheminée sans "traitement lourd". C'est "une eau pas vraiment traitée", résume Alban Robin, directeur de la recherche-développement et de la qualité de l'eau chez Eau de Paris. Le réseau d'eau non potable est en effet soumis à une "filtration grossière, permettant d'y enlever les débris et particules d'une taille supérieure à 4 millimètres", explique la mairie sur son site.

4Faut-il s'inquiéter d'une propagation du virus dans ce réseau ?

Sur ce point, Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris, s'est montrée confiante. Même si "on sait qu'il y a du matériel génétique" dans ce virus, "le virus ne peut pas se multiplier dans l'environnement, parce qu'il a besoin des cellules humaines et de s'approprier les enzymes des cellules humaines pour ça", a-t-elle avancé, dimanche, sur LCI.

Des traces génétiques, ça ne veut pas forcément dire du virus infectieux, il faut vraiment faire la distinction.

Karine Lacombe, infectiologue à l'hôpital Saint-Antoine à Paris

sur TF1

Alban Robin estime qu'on "ne peut pas dire si à ce niveau, il est infectieux ou pas", estime-t-il. "Le risque, c'est essentiellement par voie respiratoire. En termes d'ingestion, on n'a pas de cas rapporté. Si, par mégarde, on peut être amené à boire cette eau non potable, a priori on n'a pas de risque particulier", ajoute-t-il, cité BFMTV.

Les connaissances sur le comportement du coronavirus dans l'eau sont à ce jour très faibles. Dans un document publié le 19 mars (PDF en anglais), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) indique "qu'actuellement, il n'y a aucune preuve de la survie du Covid-19 dans l'eau potable ou dans les eaux usées".

5Existe-t-il un risque pour l'eau potable ?

L'eau potable de Paris dépend d'un réseau "totalement indépendant", explique la mairie. Deux réseaux distincts coexistent : celui de l'eau potable (2 000 km), et celui de l'eau non potable (1 800 km). Une spécificité héritée de la fin du XIXe siècle. Le réseau d'eau potable provient de plusieurs cours d'eau (la Seine et la Marne) et de sources qui peuvent être situées jusqu'à 150 kilomètres de la capitale, explique la mairie, sur son site.

L'eau potable, qui alimente les robinets des particuliers et les fontaines à boire publiques, "ne présente aucune trace de virus Covid" et "peut-être consommée sans aucun risque", assure la municipalité. Cette eau est "contrôlée en permanence" et "soumise à des traitements dits multi-barrières", destinés à éliminer "toutes traces de pollution et de tout virus", détaille Laurent Moulin.

L'eau potable est un aliment extrêmement sécurisé, traité de différentes façons pour éliminer toute présence de virus.

Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris chargée de l'environnement

à franceinfo

Plus globalement, si le maintien du Sars-CoV-2 dans l'eau potable n'est pas impossible, avertit l'OMS, les méthodes habituelles de traitement des eaux "devraient désactiver le Covid-19", estime l'organisation. "Les traitements assurés par les usines d'eau potable suppriment tout risque de contamination", assurait Antoine Frérot, le PDG de Veolia, géant mondial du secteur, le 10 avril. Eau de Paris, qui dessert trois millions d'usagers dans la capitale, expliquait de son côté que ses usines mettent en place "plusieurs traitements successifs permettant d'éliminer tous les virus, en particulier grâce à l'ozonation, la désinfection UV et la chloration".

6Qu'a décidé la Ville après ces analyses ?

La mairie de Paris a décidé d'interrompre le circuit d'eau non potable, dans le cadre du "principe de précaution", justifie Célia Blauel. "Ce réseau, qui jusque-là était utilisé pour nettoyer les rues de Paris, ne le sera plus et nous allons utiliser de l'eau potable", a ajouté Anne Souyris, l'adjointe à la mairie de Paris chargée de la santé, sur franceinfo.

Nous avons commencé à installer des kits de raccordement sur les bornes incendies pour remplir les engins et continuer à laver les rues.

Paul Simondon, adjoint en charge de la propreté à la mairie de Paris

à BFMTV

L'eau potable avait déjà été utilisée pour nettoyer les rues, il y a deux ans, après un incident dans une usine à Austerlitz, qui avait privé un tiers de Paris de son réseau d'eau non potable pendant six mois, a rappelé la mairie de Paris. La Ville a également saisi l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, afin qu'elle "analyse les risques éventuels présentés par ces traces", précise Célia Blauel. Le retour à la normale sera décidé après l'avis du Haut Conseil de la santé publique.

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