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Afrique de l'Ouest : pourquoi l'épidémie Ebola en Afrique est "hors de contrôle"

L'OMS réunit, au Ghana, un sommet de crise avec les ministres de la Santé de 11 pays d'Afrique de l'Ouest et des experts, pour tenter de riposter à la propagation du virus.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Du personnel médical de Médecins sans frontières transporte le corps d'une victime du virus Ebola, à Guéckédou (Guinée), le 1er avril 2014. (SEYLLOU / AFP)

Le continent africain est actuellement sous le coup de l'épidémie Ebola la plus virulente de l'histoire. Face à cet effrayant constat, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a convié les ministres de la Santé de 11 pays d'Afrique de l'Ouest et des experts internationaux pour une réunion de crise, mercredi 2 et jeudi 3 juillet à Accra, la capitale du Ghana. Le but ? Etablir un "plan radical" de riposte contre ce virus très contagieux, qui a ou est suspecté d'avoir déjà fait 467 morts dans trois pays, selon l'OMS.

Les scientifiques ont beau bien connaître cette fièvre hémorragique, le virus tue et terrifie plus que jamais. C'est la première fois qu'Ebola touche autant de pays en même temps, avec des localisations jusqu'ici épargnées. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?

Parce que les diagnostics sont trop tardifs

"Les épidémies Ebola ont toujours mis du temps à être diagnostiquées, mais cette fois-ci, les choses se sont faites vraiment trop tardivement", explique Sylvain Baize, chef du Centre international de recherche en infectiologie, à francetv info. Les premiers cas de cette flambée datent de la fin du mois décembre 2013. Pourtant, l'épidémie n'est officiellement découverte que le 21 mars 2014. "Nous étions déjà au pic de la première vague, avec une centaine de cas et déjà dans plusieurs foyers en Guinée et au Liberia."

La lutte contre le virus est une course contre la montre. Plus vite la maladie est diagnostiquée, plus vite on peut isoler le patient et éviter la contamination d'homme à homme. Problème : il n'existe pas de moyen de déceler Ebola avant que les symptômes se manifestent (apparition brutale de la fièvre, faiblesse intense, irritation de la gorge...). Avant cela, la période d'incubation peut durer de 2 à 21 jours, explique l'OMS. Le temps pour le virus de se développer dans les ganglions lymphatiques, la rate ou le foie, avant de se diffuser dans le sang. 

"Pour le moment, nous ne pouvons détecter le virus qu'une fois qu'il est dans le sang, ce qui veut dire que la maladie est déjà déclarée et déjà contagieuse", explique le spécialiste. Si on ajoute à cela le manque de médecins sur le terrain, on comprend pourquoi la situation dégénère très rapidement. 

Parce que les efforts ne sont pas assez coordonnés

Si l'épidémie est aujourd'hui "hors de contrôle", selon Médecins sans frontières (MSF), c'est principalement parce qu'elle sévit dans plusieurs foyers simultanément. "Le virus est trop dispersé et se propage à la manière d'un incendie à plusieurs brasiers", confirme Sylvain Baize. 

"Vu que l'épidémie est internationale, il faut que les mesures le soient elles aussi", insiste le spécialiste. De ce fait, la coordination des forces est l'un des principaux dossiers de la réunion de crise entre l'OMS et les différents ministres africains.

Autre problème : le manque d'expérience des pays infectés. "Lorsqu'ils ont été touchés ces dernières années, l'Ouganda ou la République démocratique du Congo avaient déjà l'habitude, décrypte le scientifique. Les populations étaient mieux informées et plus réceptives aux mesures mises en œuvre. C'est un des points sur lequel l'OMS doit agir". 

Parce qu'il n'existe pas de vaccin

A l'heure actuelle, il n'y a pas de traitement spécifique, et surtout, pas de vaccin homologué contre la maladie. "Plusieurs sont au stade des essais, mais aucun n’est disponible pour un usage clinique", explique l'OMS. En 2012, une scientifique de l'Institut Bernhard Nocht pour la médecine tropicale basée à Hambourg (Allemagne) a été possiblement infectée par Ebola lors d'une maladresse en laboratoire. Elle a alors testé sur elle-même un vaccin expérimental élaboré par des collègues étrangers, et la maladie ne s'est pas développée, raconte le British Medical Journal. Il n'a cependant pas été prouvé que le virus se soit bien développé dans son organisme avant que le sérum lui soit administré.

Ce vaccin expérimental a en tout cas déjà montré son efficacité sur des singes. "Les modèles de primates sont extrêmement proches de l'homme en termes de génome. Si le vaccin est efficace sur les singes, on est pratiquement sûr qu'il fonctionnera sur l'homme", explique Sylvain Baize

Alors pourquoi n'est-il pas commercialisé ? Avant d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché, le vaccin doit passer une série de tests. Le but est de s'assurer qu'il ne provoque pas d'effets indésirables. Mais la démarche est  longue et extrêmement coûteuse. Or, en 2012, le département de la Défense américain a coupé les fonds de deux laboratoires qui travaillaient sur un sérum anti-Ebola, révèle la BBC (en anglais).

"Le problème, c'est qu'Ebola n'intéresse absolument pas l'industrie pharmaceutique parce qu'il concerne des pays pauvres et pas solvables. Il n'y a aucun marché et donc pas d'évolution, explique le scientifique. Il faudrait une volonté très forte des gouvernements et de l'OMS pour forcer l'industrie pharmaceutique à développer à perte ce genre de vaccin."

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