Patrick Clervoy : "La capacité de s’adapter est annulée dans le traumatisme"
- Dans votre livre vous écrivez qu’il est "fondamental de distinguer le stress du traumatisme". Quelle est la différence ?
Patrick Clervoy : "Le stress est une contrainte, une pression, qui implique un état de détresse pas forcément pathologique. Le traumatisme rompt la capacité de penser et de réagir. La capacité de s’adapter est annulée dans le traumatisme à la différence du stress. De plus, les personnes traumatisées sont figées, elles vivent une sortent de rêve éveillé. Elles sont en dehors de la réalité.
"L’état de stress post-traumatique peut survenir des années plus tard après le trauma. Je me souviens d’un pompier que j’ai soigné qui avait développé l’état de stress post traumatique au moment de son départ en retraite. La décompensation peut survenir dix ans plus tard. Ce retard implique un phénomène de compensation qui va occulter le traumatisme."
- Qu'est-ce que la cicatrice neurologique provoquée par le stress post-traumatique ?
Patrick Clervoy : "Quand nous sommes soumis à un stress post-traumatique, nos glandes surrénales sécrètent des hormones qui vont agir dans tout l’organisme. L’hippocampe, qui appartient au système limbique du cerveau et joue un rôle important dans la mémoire et le rapport à l’espace, présente un grand nombre de récepteurs au cortisol, l’hormone du stress.
"Plusieurs études ont montré que l’hippocampe est souvent plus petit chez les personnes traumatisées. Et si le volume d’une structure est plus petit, c’est parce que les neurones qui le constituent se sont partiellement atrophiés. Chez les personnes qui développent un stress post-traumatique persistant, il semble aussi que le centre nerveux responsable de la peur soit hyperactif, tandis que ceux chargés de l’inhiber et de le stopper ne soient plus aptes à remplir la tâche."
- De quelle façon peut-on sortir de l’état de stress post-traumatique ?
Patrick Clervoy : "La reconstruction prend du temps et reste variable d’une personne à l’autre. C’est ce qu’on appelle la résilience : l’aptitude du corps à résister aux chocs et à reprendre sa structure initiale. Cela peut prendre dix à vingt ans. Pour que le système limbique se répare, il faut du calme, du repos, et une base affective solide qui peut être la famille et le milieu professionnel.
"Une victime du Bataclan avait été extrêmement choquée du message de ses collègues qui lui avaient dit "rappelle-nous quand tu iras mieux". Or, c’est insupportable de dire ça ! Il faudrait dire "viens quand tu veux et fais ce que tu peux". Le risque pour une personne traumatisée sinon est de sortir du système social. Un quart des sans domicile fixe aux Etats-Unis sont des anciens combattants par exemple. La base affective est donc très importante. Les collègues doivent se montrer tolérants et accepter que la personne ne soit pas bien concentrée ou fasse des erreurs. La capacité naturelle qu’a toute personne de se rétablir se mettra en place petit à petit.
"Les associations de victimes sont aussi très importantes. Il y en a eu énormément après le 13 novembre. Le premier pas de la reconstruction se fait par le "nous" et ensuite le "je". La première étape est de retrouver les co-victimes et ensuite de s’identifier en dehors du groupe. De plus, la commémoration, c’est-à-dire la reconnaissance de la nation du statut de victime, est un élément important également.
"La date anniversaire d’un événement dramatique est une épreuve très difficile pour les victimes. La médaille commémorative créé après les attentats du 13 novembre est donc une excellente idée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.