Vacances d'été : comment gérer les changements de rythme ?
Les conseils du Dr José Haba-Rubio, neurologue
- Est-il vrai que plus les jeunes se couchent tard le week-end, plus leur volume de matière grise diminue ? Je m'inquiète pour mes ados qui vivent la nuit l'été…
Dr José Haba-Rubio, neurologue spécialiste du sommeil : "À l'adolescence, on a une tendance à avoir un décalage de phases. C'est un phénomène physiologique que l'on retrouve d'ailleurs chez tous les mammifères au moment de la puberté, au moment de la maturité sexuelle. Chez l'être humain, il y a aussi d'autres phénomènes : on regarde son téléphone, sa tablette… En été, la lumière fait aussi que l'on repousse notre horloge biologique et on a tendance à se coucher naturellement plus tard, à se lever plus tard. En vacances, on en profite aussi pour faire la sieste donc on se décale davantage. On se retrouve alors très décalé en été.
"Faut-il imposer des limites aux ados ? Il faut en tout cas éviter qu'ils se décalent davantage et surtout il faut faire attention aux dispositifs qui émettent de la lumière, aux écrans. Notre horloge biologique sécrète la mélatonine pour déclencher le sommeil mais cette mélatonine est supprimée par la lumière. Donc si on applique la lumière tard le soir, on va supprimer la mélatonine et on mettra plus de temps à s'endormir. Il faut donc arrêter les écrans à partir d'une certaine heure."
- L'été, chez ma fille, tout est chamboulé. Chacun dort quand il veut autant qu'il veut et mange quand il a faim. Est-ce un peu trop permissif ?
Dr José Haba-Rubio : "Les vacances servent aussi à faire ce que l'on veut. Il faut en profiter pour avoir moins de contraintes et faire ce que l'on veut. Il faut aussi profiter des vacances pour dormir plus. Nous vivons dans une société en manque de sommeil, il faut donc profiter de ces moments pour récupérer notre dette de sommeil. Le problème, c'est la rentrée car il va falloir anticiper un petit peu pour ne pas avoir toutes les conséquences de la rentrée."
"Concernant la dette de sommeil, il y a d'une part les effets immédiats du manque de sommeil : fatigue, somnolence, troubles de la mémoire et de la concentration. Et il y a aussi tous les effets à long terme. Beaucoup d'études démontrent que le risque de diabète, le risque cardiovasculaire, le risque d'obésité sont augmentés. L'idéal, c'est d'avoir des horaires de sommeil, dormir le temps qu'il faut et de ne pas devoir récupérer la dette de sommeil."
- Comment retrouver son tonus après une nuit blanche ? Faut-il dormir toute la journée ?
Dr José Haba-Rubio : "Le seul moyen de récupérer du manque de sommeil, c'est de dormir. Il n'y a pas d'autres stratégies. Si on dort la journée, on va récupérer la dette de sommeil mais nécessairement, on va se décaler car le soir d'après, on ne va pas pouvoir dormir car on aura déjà épuisé nos besoins de sommeil pendant la journée donc on n'aura pas besoin de dormir, on n'aura pas envie de dormir la nuit et dans ce cas, on sera décalé. L'heure de réveil est très importante. Si on a des problèmes de sommeil, on conseille de garder une heure de réveil fixe. C'est l'heure de réveil qui marque le rythme au niveau cérébral. Si on est très fatigué, on peut se coucher plus tôt. Si on sort et si on fait la fête, on peut se coucher plus tard mais il faut essayer de garder une heure de réveil la plus régulière possible. Il faut en tout cas éviter de se décaler plus de deux heures par rapport à l'heure de lever habituelle. Le sommeil est une fonction biologique essentielle mais le sommeil est un rythme. Il faut maintenir un rythme."
- Pour les enfants, faut-il maintenir le même rythme que pendant l'année ?
Dr José Haba-Rubio : "Les enfants participent à la vie familiale. Donc ils vont aussi probablement être décalés. En revanche, il va falloir anticiper la rentrée, au moins une semaine avant pour les préparer. Il faut leur proposer de se lever un peu plus tôt chaque jour, de se coucher un peu plus tôt, d'éviter de faire de longues siestes. Préparer la rentrée pour les enfants est très important."
- Pourquoi dort-on si mal en plein été ?
Dr José Haba-Rubio : "En été, on dort mal probablement en raison de la température. Pour que notre organisme fonctionne correctement, il faut maintenir une température interne dans des limites très étroites. Quand il fait très chaud, cette température va augmenter et de ce fait, nos mécanismes de thermorégulation fonctionnent moins bien pendant le sommeil, en particulier pendant le sommeil profond et pendant le sommeil paradoxal. Quand il fait très chaud on va transpirer parce que l'évaporation de la transpiration refroidit notre organisme mais ce mécanisme ne fonctionne pas bien pendant le sommeil. Dès que l'on dépasse la température, notre cerveau va comprendre que quelque chose ne va pas bien, il va nous réveiller pour réactiver les mécanismes de thermorégulation. On se réveille, on se rendort et le mécanisme recommence…"
Les secrets d'une bonne sieste
Sur la plage, à l'ombre d'un arbre… La sieste est un moment incontournable en été. Mais attention, pour qu'elle soit efficace, quelques règles doivent être respectées.
Pour que la sieste soit réparatrice, l'environnement doit être propice à l'endormissement. Mais une bonne sieste ne peut pas se faire n'importe où. Contre toute attente, la plage est à proscrire : "Il faut trouver un endroit où il y a de la pénombre et où il y a de la fraîcheur. Le bon sommeil ne se produit que quand la température du corps baisse", explique Damien Davenne, chronobiologiste.
La sieste ne doit pas non plus se faire à n'importe quelle heure. Elle est programmée par notre horloge biologique pour scinder la journée en deux, juste après le déjeuner comme le souligne Damien Davenne : "Juste après le repas, il y a une dépression dans la vigilance qui permet de s'endormir facilement. Mais malgré cela, il faut apprendre un certain nombre de choses supplémentaires pour qu'on puisse s'endormir très facilement et dormir juste le temps qu'il faut".
Une sieste réparatrice dure seulement dix à quinze minutes, vingt minutes maximum. Si elle dure plus longtemps, elle est contre-productive, ce qui explique les réveils vaseux où on se sent encore plus fatigué : "Il se passe alors un phénomène appelé inertie du sommeil. On est réveillé mais notre cerveau, notre physiologie est encore endormi. Il y a un décalage entre les deux et on ne se sent pas bien".
Finalement, la sieste c'est du sport. Elle demande un peu d'entraînement. L'idéal est donc de profiter des vacances pour faire la sieste tous les jours à la même heure, sans jamais dépasser les vingt minutes réglementaires.
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