La Dépakine®, un scandale sanitaire
La Dépakine®, le "nouveau Mediator" ? D'après Le Canard enchaîné, entre 2007 et 2014, plus de 10.000 femmes enceintes ont pris de la Dépakine® (valproate de sodium), un médicament antiépileptique commercialisé par Sanofi et dangereux pour le foetus. Le journal satirique indique que ce chiffre figure dans une étude "alarmante" menée conjointement par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS).
Ces données accablent le laboratoire et les autorités de santé, qui connaissaient déjà les risques depuis des années, voire des décennies. L'étude qui met en lumière ces dégâts aurait été dissimulée par le ministère de la Santé. Le Canard enchaîné assure que la première partie de l'étude a été communiquée au ministère de la Santé dès la mi-juillet, mais "soigneusement cachée aux familles", ce que dément le ministère. Celui-ci précise que "le premier volet" de l'étude sera présenté à l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (Apesac) le 24 août prochain.
"Ces chiffres ne nous surprennent pas, l'ordre de grandeur correspond à ce qu'on voit dans les dossiers" a indiqué mercredi à l'AFP Me Charles Joseph-Oudin qui travaille sur quelque 850 dossiers, dont 4 plaintes au pénal et 15 procédures civiles, les autres dossiers étant "en cours de constitution". Ce dernier a en revanche démenti que le ministère de la Santé ait voulu cacher l'étude aux familles. "Le ministère ne nous a rien caché" a-t-il dit, confirmant que le rendez-vous du 24 août était fixé depuis la fin juillet.
"Des milliers de victimes"
La Dépakine® provoque chez les enfants exposés 10% de malformations et de 30 à 40% de troubles du développement.
En février 2016, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dénonçant un "manque de réactivité", avait estimé dans un rapport que le valproate de sodium pourrait avoir provoqué au moins 450 cas de malformations congénitales en France. Ce chiffre semble aujourd'hui dramatiquement sous-estimé. "Les victimes se compteront par milliers à différents degrés de gravité", écrit Le Canard enchaîné.
Une gigantesque inertie généralisée
À la lumière de ces nouvelles révélations, le terme de "manque de réactivité" s'assimile à un doux euphémisme. Difficiles pour les médecins et les autorités sanitaires de plaider l'ignorance. Les risques de malformations étaient connus depuis les années 80 et figuraient même dans le Vidal®, l'ouvrage de référence des médecins. Les premières études scientifiques qui mettent en lumière un risque de troubles du développement datent des années 90 mais ne sont apparues qu'en 2006 dans l'ouvrage. Et ce n'est qu'en 2010 que le Vidal® fera clairement état des risques pour le bébé à naître. L'Agence du médicament, elle, n'alertera réellement les médecins qu'en 2014.
Depuis avril 2015, ce médicament ne doit en principe plus être prescrit aux femmes en âge d'avoir des enfants, sauf s'il n'existe pas d'alternative. Dans ce cas, les patientes doivent signer un formulaire de consentement, et le présenter au pharmacien avec l'ordonnance.
Depuis le 1er janvier 2016, de nouvelles règles de délivrance de cet antiépileptique en pharmacie sont donc entrées en vigueur. Mais les autorités de santé ont peiné à diffuser l'information et de nombreuses femmes épileptiques qui prennent ce médicament ne connaissent toujours pas les risques. Un reportage du Magazine de la santé, du 18 février 2016, montrait l'inquiétante ignorance des pharmaciens, pourtant garants du bon usage des médicaments.
"Dès 2002, on savait absolument tout", a assuré le médecin généticien Hubert Journel, au micro de RMC ce mercredi matin. "Des études existaient en 2005 mais les neurologues ne les ont pas prises en compte", a-t-il ajouté.
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