Panne des numéros d'urgence : quatre questions sur l'instauration d'un numéro unique pour remplacer le 15, le 17 ou le 18
Après la panne survenue le 2 juin, la question de la mise en place d'un numéro unique entre pompiers et milieu hospitalier a resurgi.
Le 15, le 17, le 18... Tous ces numéros d'urgence pourraient être remplacés par un seul : le 112. C'est ce que propose une mesure adoptée en mai par l'Assemblée nationale et qui doit prochainement être examinée au Sénat. Mais la nécessité de ce changement, qui n'a jamais vraiment fait consensus entre les différents acteurs de la santé, a de nouveau été évoquée depuis la panne nationale des numéros d'urgence le 2 juin. Franceinfo fait le point sur les raisons de cette discorde.
Comment le 112 s'est-il imposé comme possible numéro unique d'urgence ?
La volonté de basculer vers un numéro unique part d'un constat : pas moins de treize numéros d'urgence existent en France actuellement. Cela va du Samu à la police, en passant par le 119 pour les enfants maltraités ou le 196 pour les secours en mer. Chaque secteur dispose d'un numéro spécifique. Pour simplifier l'accès aux secours en cas d'urgence, certains acteurs militent pour la mise en place d'un numéro unique. Ils favorisent le recours au 112, numéro d'urgence européen, actif en France depuis la fin des années 1990, comme c'est déjà le cas en Suède, au Danemark ou aux Pays-Bas.
Pourquoi les pompiers le défendent-ils ?
Parmi les défenseurs de ce numéro unique, la fédération nationale des sapeurs-pompiers. Son argument principal : "Il n’est plus concevable de positionner une urgence vitale telle qu’un arrêt cardiaque dans la même file d’attente qu’une demande de soins non-urgents, surtout dans une situation pandémique qui a reflété pleinement la nécessité que l’usager soit orienté facilement et rapidement", assure la fédération dans un communiqué le 7 mai. Sa tribune, pour l'instauration de ce numéro unique, a été signée par plus de 500 élus, députés, sénateurs et maires.
Pour expliquer son choix, la fédération des sapeurs-pompiers met également en avant les leçons tirées de la crise sanitaire, lorsque le 15, numéro d'appel géré par le Samu, s'est retrouvé noyé sous un flux incessant d'appels. En cas de problèmes de santé "non-vitaux", la fédération suggère de généraliser l'utilisation du 116 117, numéro actuellement dédié aux médecins de garde.
Pourquoi les hôpitaux émettent-ils une réserve ?
Si les pompiers sont de fervents défenseurs de cette transition vers un numéro unique, du côté des hôpitaux, le sentiment est beaucoup plus mitigé. Plus de 250 soignants ont d'ailleurs signé une tribune le 22 mai dans Le Journal du dimanche, pour protester contre sa mise en place. Ils s'inquiètent notamment de la coexistence de deux numéros, en fonction du degré de la demande, car "cela reviendrait, en pratique, à instaurer un système imposant au patient d'évaluer seul la gravité de son état".
Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), également cheffe du Samu du Val-d'Oise, ne souhaite pas non plus que l'on "mette tous les œufs dans le même panier". La proposition du milieu urgentiste et hospitalier est celle de deux numéros également, mais divisés selon le secteur d'intervention : un numéro pour les urgences de santé et un autre pour les urgences de secours et de sécurité.
En quoi la panne du 2 juin a-t-elle relancé le débat ?
Alors que la mise en place d'un numéro unique a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai, la panne généralisée survenue le 2 juin a mis en lumière ces oppositions. "On ne peut pas, en 2021, regarder un magnifique robot qui est en train de rouler sur Mars en disant que c'est formidable et ne pas être foutu en France d'avoir un numéro d'appel", déclarait sur franceinfo Patrick Pelloux, médecin urgentiste et président de l'Association des médecins urgentistes de France.
Mais sur le terrain, ce dysfonctionnement majeur a surtout été l'occasion pour chaque partie de camper sur ses positions. Les partisans du numéro unique ont retenu la panoplie infinie de numéros locaux de substitution : "Il y a eu quelque chose comme 300 numéros ! C’était un numéro par service par département. Et là, ça devient très compliqué quand on se retrouve face à une situation urgente", dénonce à franceinfo Benoît Vivier, de l'association Eena 112 (European emergency number association).
Le milieu hospitalier, dont fait partie Agnès Ricard-Hibon, y voit de son côté une preuve supplémentaire des risques d'une centralisation des appels auprès d'un même numéro. "Ça nous rend plus vulnérables à des pannes ou à un autre dysfonctionnement", explique-t-elle à franceinfo. Et de défendre d'autant plus le recours à deux plateformes scindées en fonction des besoins des appelants : "Cela permettrait d'avoir directement accès à des professionnels de santé pour une analyse santé immédiate du besoin, mais aussi de suppléer lorsqu'il y a des pannes comme celle-là."
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