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Pourquoi nos cosmétiques contiennent-ils toujours autant de saletés ?

Olivier Andrault, chargé de mission à l’association UFC-Que Choisir, dénonce les marques qui privilégient leur image au détriment de la santé du consommateur.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz - Recueilli par
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Des bouteilles de shampooing dans un supermarché d'Hérouville Saint-Clair (Calvados).  (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Vous ne regarderez plus votre armoire de toilette de la même façon. Lundi 22 février, l'UFC-Que Choisir a dévoilé une liste de 185 produits cosmétiques courants contenant des substances "préoccupantes" pour la santé (allergènes, composés toxiques, perturbateurs endocriniens). 

L'association, qui propose une carte-repère des douze substances les plus risquées à éviter, espère ainsi inciter les consommateurs à faire preuve de plus de vigilance. Mais suffit-il de tirer la sonnette d'alarme ? Francetv info a interrogé Olivier Andrault, chargé de mission à l’association de défense des consommateurs. 

Les associations dénoncent depuis plusieurs années la présence de perturbateurs endocriniens et de substances allergènes dans des produits cosmétiques courants. Pourquoi ce dossier, qui concerne tout le monde, n'avance-t-il pas ?

La première raison vient de la réglementation, qui se trouve sous la responsabilité de la Commission européenne. Elle ne dépend pas d'organes sanitaires tels que l'Agence du médicament en France ou le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs, qui intervient au niveau européen. Cela signifie qu'il faut que la Commission européenne manifeste la volonté politique de faire avancer les choses. Or, elle est, malheureusement, sous l'influence forte des lobbys industriels, notamment ceux de l'industrie cosmétique.

Résultat : les pratiques des fabricants de cosmétiques n'ont rien d'illégal. Le syndicat qui les représente nous a d'ailleurs répondu qu'il n'y avait pas de problème, car tout est conforme à la réglementation. C'est bien ça le problème. La conformité règlementaire ne suit pas, elle est insuffisante.

Les substances que vous pointez du doigt représentent-elles un réel danger ?

Ce n'est pas l'UFC-Que Choisir qui sort cela de son chapeau : ces molécules et les préoccupations les concernant émanent d'instances officielles. Dès 2013, notre Agence française du médicament a indiqué qu'il ne fallait pas de phénoxyéthanol – un conservateur – dans les produits pour le siège, donc pour les fesses des bébés. Trois ans plus tard, il y en a toujours.

Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs, une instance officielle chargée de conseiller l'Union européenne, a déjà demandé qu'on baisse les teneurs en propyl et butylparaben. On en trouve encore. Pire, le syndicat professionnel qui représente les fabricants de produits cosmétiques au niveau européen a lui-même conseillé à ses adhérents d'arrêter l'utilisation de la méthylisothiazolinone (MIT) dans les produits sans rinçage, comme les crèmes et les lingettes, sans attendre une possible évolution réglementaire. Le résultat ? On a trouvé ce conservateur dans 55 des 185 produits étudiés. 

Dans ce cas, pourquoi les fabricants continuent-ils d'utiliser ces substances controversées ? 

Ces entreprises sont gouvernées par le marketing. L'image, le service en apparence rendu par le produit... c'est tout ce qui compte. Les services marketing sont extrêmement puissants au sein des états-majors de ces sociétés, beaucoup plus puissants que ne le sont les services réglementation qui, eux, sont en charge de la conformité des produits.

Lorsqu'un fabricant veut multiplier les promesses par rapport au service attendu du produit, comme par exemple protéger des UV, c'est le service marketing qui obtient l'ajout de filtres anti-UV. Et ce, même si par ailleurs, le service réglementaire appelle à la vigilance parce que ces filtres UV sont connus comme étant des perturbateurs endocriniens.

D'ailleurs, nous pouvons questionner la pertinence de filtres UV dans une eau de toilette, un démaquillant ou un produit capillaire. Cela ne répond qu'à une logique marketing, laquelle veut conférer des propriétés quasi-magiques à des produits. Propriétés dont on pourrait très bien se passer. D'autant que des tests comparatifs ont été réalisés, et que nous savons qu'il existe des produits exempts de ces substances nocives, avec lesquels nous pouvons les remplacer. 

Constatez-vous tout de même une évolution positive au fil du temps ?

Du point de vue de la réglementation, il y a effectivement une évolution qui va dans le bon sens, c'est évident. Mais de manière insuffisante et trop lente à notre goût.

Nous assistons par exemple à des évolutions à contre-courant : désormais, les paraben qui restent autorisés (comme les butyl et les propyl) sont connus du public. Donc certaines marques vont les retirer de leurs produits. Le problème, c'est qu'elles vont les remplacer par d'autres conservateurs comme la MIT, qui n'est certes pas un perturbateur endocrinien, mais constitue un allergène majeur ! 

Que peuvent faire les consommateurs ? 

Ils peuvent prendre leur santé en main ! Il y a quelques années, nous avons pu obtenir l'indication obligatoire, sur les emballages des produits cosmétiques, de la composition de ces derniers. Il faut s'en saisir, même si, objectivement, ce n'est pas facile. En tant qu'association, nous essayons d'aider le consommateur en lui précisant les 12 composés les plus risqués, qu'il faut vraiment éviter. Ce que nous leur suggérons, c'est de prendre un peu de temps – une seule fois – lorsqu'ils feront leurs courses,  pour regarder en détail sur l'emballage s'il y a ou non ces composés.

Enfin, sur notre site internet, nous mettons gratuitement à disposition la totalité de la base des 185 produits étudiés. Et nous lançons un appel au peuple, pour nous aider à faire grandir, et à mettre à jour cette base de données, en nous signalant les substances nocives dans les produits qu'ils achètent, via une adresse mail dédiée. Et soyons fous, les fabricants amélioreront peut-être la composition de leurs produits !

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